Mona Lisa, la soupe et la désobéissance civile

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Deux militantes de l’organisation « Riposte alimentaire » ont, ce jour [28.01.2024], arrosé la Joconde avec de la soupe pour « promouvoir un droit à une alimentation saine et durable » (https://www.blick.ch/fr/news/france/aspergee-de-soupe-la-joconde-du-louvre-attaquee-par-des-militantes-ecologistes-id19376768.html). On ne sait pas s’il s’agissait de soupe Campbell, ce qui aurait rajouté un peu d’ironie dans ce brouet….

C’est un gag ? Non.

Cet acte de « désobéissance civile » nous incitera à lire une interview récente d’Eric Werner, où celui-ci traitait de la différence entre la désobéissance civile et le « recours aux forêts » :

« La désobéissance civile, effectivement, est plutôt de gauche. Pour autant, le recours aux forêts est-il de droite ? J’hésiterais personnellement à le dire. Il faut poser le problème autrement. L’opposition n’est pas ici entre la droite et la gauche mais entre deux attitudes contrastées à l’égard de la justice et plus fondamentalement encore de l’ordre légal existant. Dans la désobéissance civile, les gens ne contestent en aucune manière la légitimité des juges et de la police. Ils attendent tranquillement qu’on vienne les arrêter, sous l’œil des caméras et des observateurs des droits de l’homme. Certains se réjouissent même de passer par là. Cela leur fera de la publicité. Les condamnations, il est vrai, ne sont jamais très lourdes. On est presque dans la connivence, je ne sais d’ailleurs pas pourquoi je dis presque. Les rôles sont répartis d’avance, chacun son rôle. La désobéissance civile n’est en fait désobéissance à rien, ou à pas grand chose. Elle désobéit, certes, à une loi particulière, en revanche elle obéit à toutes les autres. C’est un rituel bien rodé. Il en va différemment du recours aux forêts. Dans l’optique du rebelle tel que l’entend Jünger, la légitimité n’est pas du côté de l’ordre légal existant, mais bien de son propre côté à lui : c’est lui qui est légitime, non l’ordre légal existant. Il ne voit dès lors pas pourquoi il accepterait de passer en justice. La désobéissance acquiert ici sa vraie dimension, elle est révolte contre toute espèce d’assujettissement, en particulier à l’Etat illégitime. La désobéissance civile relève encore de la servitude volontaire. Ce n’est en aucune manière le cas du recours aux forêts. » (https://www.revue-elements.com/prendre-le-maquis-avec-eric-werner-3-4-lautodefense-pour-quoi-faire/; sur la lecture que fait Eric Wenner d’Ernst Jünger dans son dernier livre : https://droitdutravailensuisse.com/2023/12/10/prendre-le-maquis-avec-ernst-junger/).

On lira aussi l’intéressante thèse de Clémence Demay, Le droit face à la désobéissance civile, Genève-Zurich, Schulthess, 2022, qui part évidemment d’un point de vue très différent (https://www.schulthess.com/buchshop/fachkatalog/detail/ISBN-9783725589197/Demay-Clemence/Le-droit-face-a-la-desobeissance-civile-PrintPlu%A7)

Me Philippe Ehrenström, avocat, LLM, CAS, Genève et Onnens (VD)

A propos Me Philippe Ehrenström

Ce blog présente certains thèmes juridiques en Suisse ainsi que des questions d'actualité. Il est rédigé par Me Philippe Ehrenström, avocat indépendant, LL.M. (Tax), Genève et Yverdon.
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