Peut-on payer le salaire en bitcoin?

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La question apparaît largement théorique, eu égard aux problèmes soulevés par les monnaies virtuelles comme le bitcoin (volatilité, krach, aspects réglementaires et pénaux, etc.)

Il semble donc peu probable que demain, ou après-demain, le supermarché du coin ou la commune de St-Cucufin se mettent à payer leurs employés en monnaie virtuelle.

Cela étant dit, la question peut se poser épisodiquement dans des sociétés technologiques avides de publicité, et elle pourrait se poser encore d’avantage à l’avenir si les monnaies virtuelles ont les avantages que leurs partisans leur prêtent.

On peut, comme le fait Jean Christophe SCHWAAB (Le paiement du salaire en monnaie virtuelle comme le bitcoin, in : Jusletter 12 mai 2014), aborder la question sous deux angles, selon que le bitcoin est considéré comme un actif ou comme une monnaie étrangère (la FINMA n’a pas tranché la question).

Dans le premier cas, le paiement en bitcoin reviendrait à payer tout ou partie du salaire en nature, ce qui est licite en droit suisse (avec la difficulté du moment du versement eu égard à l’extrême volatilité du bitcoin). Dans le second, le paiement en monnaie étrangère, pour autant que le montant en cause au cours du jour corresponde au montant contractuellement prévu, est également licite.

Cela étant dit, le problème principal est bien celui de la volatilité de la monnaie virtuelle, qui connaît d’importantes et rapides fluctuations de valeur. La volatilité heurte d’abord l’exigence de prévisibilité du salaire, et peut aussi entrer en contradiction avec les conditions relatives aux modifications du contrat de travail. On peut aussi remarquer, avec SCHWAAB, que les « risques de change » appartiennent aux risques d’entreprise, et devraient être à charge de l’employeur.

On doit toutefois nuancer ce qui précède, et probablement plus que ne le fait SCHWAAB, dans deux hypothèses : le salarié – investisseur pour lequel la rémunération en bitcoin n’est en fait pas du salaire, mais une sorte d’intéressement, et le salarié – idéologue qui croit aux vertus « révolutionnaires » de ce genre de monnaie et qui exigerait spécifiquement d’être payé en tout ou en partie en bitcoin (mais le volontariat se heurterait sans doute au caractère probablement impératif de l’art. 322 CO).

Ce qui précède ne s’appliquerait par contre pas au paiement de la gratification en bitcoin – les employeurs étant ici libres du principe, du montant et de la composition de la rémunération (cf. Philippe EHRENSTRÖM, Rémunérations variables : considérations juridiques et pratiques, in : Tendances et perspectives RH, Zurich, WEKA, 2013, pp. 115 et ss.)

A propos Me Philippe Ehrenström

Ce blog présente certains thèmes juridiques en Suisse ainsi que des questions d'actualité. Il est rédigé par Me Philippe Ehrenström, avocat indépendant, LL.M. (Tax), Genève et Yverdon.
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