Par contrat du 11 juin 2012, X.________ a été engagé par Z.________ SA (ci-après: l’agence de placement ou l’employeuse) pour une mission de durée indéterminée en qualité d’aide-sanitaire auprès de A.________ Sàrl. Cette mission s’est terminée le 27 juillet 2012. Six autres contrats de mission à durée indéterminée s’en sont suivis. L’employé a travaillé du 20 août au 21 décembre 2012, du 7 janvier au 8 mai 2013, du 13 mai au 26 juillet 2013, du 18 août au 20 décembre 2013 et du 13 janvier au 24 juillet 2014. Les interruptions correspondent aux vacances de A.________ Sàrl. La septième et ultime mission de durée indéterminée auprès de cette même entreprise a débuté le 18 août 2014 et s’est achevée le 29 août 2014, après que l’employeuse eut signifié sa résiliation le 26 août 2014. Le contrat y relatif a été signé le 1 er septembre 2014.
Le 24 septembre 2014, l’employé a saisi l’autorité de conciliation du Tribunal du travail du canton du Valais, puis a porté l’action devant ledit tribunal en concluant au paiement, par Z.________ SA, d’un montant brut de 5’793 fr. correspondant au salaire de septembre 2014. Il faisait valoir qu’en vertu de la convention collective de travail (CCT) pour la location de services du 15 juillet 2011, le délai de congé pour les contrats de durée indéterminée était de 30 jours dès le septième mois, s’agissant d’une mission ininterrompue dans la même entreprise cliente. L’employeuse a produit un contrat-cadre de travail signé le 10 janvier 2014.
Statuant par jugement du 6 octobre 2015, le Tribunal du travail a rejeté la demande. Le 18 janvier 2016, l’employé a déféré cette décision au Tribunal cantonal du canton du Valais, qui a rejeté son recours par jugement du 9 juin 2016. En substance, le Tribunal cantonal, analysant le cas sous l’angle de la loi fédérale sur le service de l’emploi et la location de services (LSE; RS 823.11), a considéré que le délai de congé avait été respecté. L’employeuse n’avait pas agi dans le but d’éluder cette loi et l’employé, à cette époque, était inscrit auprès d’autres agences de placement. L’employé saisit le Tribunal fédéral d’un recours en matière civile et d’un recours constitutionnel subsidiaire à l’issue desquels il conclut à ce que l’employeuse intimée soit condamnée à lui payer 5’793 fr. bruts.
Le recourant admet que la valeur litigieuse n’atteint pas le seuil de 15’000 fr. requis en matière de droit du travail (art. 74 al. 1 let. a LTF en lien avec l’art. 51 al. 1 let. a LTF). Il plaide que le recours en matière civile serait néanmoins recevable au motif que la contestation soulèverait une question juridique de principe au sens de l’art. 74 al. 2 let. a LTF.
La jurisprudence n’applique que restrictivement l’art. 74 al. 2 let. a LTF, qui permet de déroger à l’exigence de la valeur litigieuse. Pour qu’il y ait question juridique de principe, il ne suffit pas qu’elle n’ait jamais été tranchée par le Tribunal fédéral. Encore faut-il que la résolution du cas d’espèce implique de résoudre une question juridique donnant lieu à une incertitude caractérisée, appelant de manière pressante un éclaircissement de la part du Tribunal fédéral en tant qu’autorité judiciaire suprême chargée de dégager une interprétation uniforme du droit fédéral. Une nouvelle question juridique peut ainsi être tranchée par le Tribunal fédéral lorsque cette décision est propre à orienter la pratique, soit lorsque les instances inférieures sont appelées à trancher de nombreux cas similaires. Le litige en cause doit être de nature à guider la résolution des autres cas. Cette condition n’est pas remplie lorsqu’il présente des particularités dont les autres affaires sont généralement dépourvues. Une question juridique précédemment tranchée par le Tribunal fédéral peut constituer une question de principe lorsqu’un nouvel examen s’impose; tel peut être le cas si la jurisprudence n’est pas uniforme, si elle a soulevé des critiques importantes de la part d’un large courant doctrinal, si une nouvelle réglementation est entrée en vigueur dans l’intervalle ou si le Tribunal fédéral veut lever une incertitude créée par sa jurisprudence. Il y a également lieu d’examiner s’il est probable ou non que la question litigieuse puisse un jour être présentée avec une valeur litigieuse suffisante pour ouvrir la voie du recours en matière civile. Si le point soulevé ne concerne que l’application de principes jurisprudentiels à un cas particulier, il ne saurait être qualifié de question juridique de principe.
La partie recourante doit démontrer, sous peine d’irrecevabilité (art. 42 al. 2 2ème phrase LTF), que la décision attaquée soulève une telle question, à moins que celle-ci s’impose de façon évidente.
En l’espèce, le recourant expose en substance que la jurisprudence n’a jamais tranché la question de savoir si la prohibition des contrats en chaîne s’applique dans le cadre de la location de services et, dans l’affirmative, à quelles conditions. Elle ne se serait au surplus pas penchée sur la notion d’emploi ininterrompu au sens de la LSE pour des missions de durée indéterminée, comme celles qu’il a successivement effectuées auprès de la même entreprise locataire de services et qui se sont interrompues uniquement durant les vacances de celle-ci.
Le recourant était lié à l’agence de placement par un contrat-cadre et des contrats de mission successifs de durée indéterminée, dont il ne conteste pas qu’ils étaient régis par l’art. 19 LSE et ses dispositions d’application (art. 48 et 49 de l’ordonnance du 16 janvier 1991 sur le service de l’emploi et la location de services; OSE, RS 823.111); ce régime prévaut sur celui du Code des obligations. Selon l’art. 19 al. 4 LSE, le contrat de travail peut, pendant les six premiers mois de service, être résilié par les deux parties moyennant un délai de congé de deux jours au moins durant les trois premiers mois d’un emploi ininterrompu (let. a) et de sept jours au moins entre le quatrième et le sixième mois d’un emploi ininterrompu (let. b). Ces délais sont applicables, dans la mesure où ni le contrat-cadre du 10 janvier 2014 ni la CCT précitée n’ont prévu de délais plus longs. Dès le septième mois d’un emploi ininterrompu, les délais de résiliation prévus par l’art. 335c CO trouvent application, à savoir un mois pendant la première année de service, la CCT ne prévoyant pas de délai divergent.
Savoir quel sens donner à l’expression «emploi ininterrompu» figurant à l’art. 19 al. 4 LSE ne saurait constituer une question juridique de principe. Les termes utilisés par le législateur ne présentent pas une incertitude caractérisée telle qu’elle devrait impérativement être levée par le Tribunal fédéral, alors que la valeur litigieuse pour un recours en matière civile n’est pas atteinte. Quant à savoir si la constellation de faits du cas concret peut être qualifiée d’emploi ininterrompu au sens de l’art. 19 al. 4 LSE, ceci ne constitue pas non plus une question juridique de principe, à la lumière des principes évoqués plus haut.
S’agissant de la question de savoir s’il peut y avoir abus de droit, respectivement fraude à la loi, à conclure des contrats de travail successifs dans le domaine de la location de services, de telle manière que l’emploi ne puisse pas être qualifié d’ininterrompu au sens de l’art. 19 al. 4 LSE et que le délai de congé soit réduit d’autant, il s’agit de préciser ce qui suit :
La jurisprudence fédérale s’est déjà exprimée sur le fait que l’interdiction générale de la fraude à la loi (art. 2 al. 2 CC) trouve application dans le domaine du travail intérimaire, comme dans celui du contrat de travail régi par les dispositions du CO. Dans ce contexte, la cour de céans a également précisé quel poids revêt le fait qu’il s’agit d’un contrat intérimaire, qui est une forme précaire d’emploi. Il est ainsi clair que prévoir des contrats de travail intérimaire successifs ne signifie pas encore nécessairement qu’il y ait intention d’éluder la loi.
Certes, le Tribunal fédéral ne s’est pas directement exprimé dans un cas en lien avec l’art. 19 LSE. Ceci n’apparaît toutefois pas essentiel. Il n’a pas non plus indiqué si la notion de contrats en chaîne abusifs devait uniquement se comprendre comme une succession de contrats de durée déterminée ou s’il était possible de considérer au même titre des contrats de durée indéterminée, successivement résiliés et réactivés après une brève interruption. Toutefois, la question qui se pose est au premier chef celle de l’abus de droit ou fraude à la loi, qui implique d’apprécier au regard des faits de la cause, notamment de la durée des missions successives, de la cause et de la durée des périodes d’inoccupation entre deux engagements successifs, de l’identité de la ou des entreprises locataires de services, si l’intention de l’employeur était d’éluder les dispositions concernant la protection contre les congés ou la naissance de prétentions juridiques dépendant d’une durée minimale des rapports de travail. Dans une telle situation, étroitement dépendante des circonstances de l’espèce, il ne saurait y avoir question juridique de principe ouvrant la voie du recours en matière civile en dépit d’une valeur litigieuse insuffisante. Le fait que le recourant estime représenter un cas typique de fraude à la loi de l’employeur ne change rien à ce qui précède. En effet, il n’apparaît pas que l’instance inférieure soit appelée à trancher de nombreux cas présentant les mêmes caractéristiques.
Il s’ensuit que le recours en matière civile est irrecevable.
(Arrêt du Tribunal fédéral 4A_428/2016 du 15 février 2017)
Me Philippe Ehrenström, avocat, ll.m., Genève et Yverdon