
Une employée se voit remettre une carte de crédit professionnelle par son employeur afin de pouvoir régler divers frais liés à l’activité professionnelle. Un relevé est envoyé régulièrement à l’employée pour examen, avant transmission à son supérieur pour approbation et, exceptionnellement, remboursement d’éventuelles dépenses privées qui auraient été faites malgré tout, et qui devaient être mises en évidence par l’employée avant la transmission.
En violation de ses obligations, l’employée utilise pendant plusieurs années la carte de crédit pour des dépenses privées, et s’abstient de les signaler à l’employeur.
Le Tribunal fédéral, dans un arrêt 6B_701/2020 du 11 juin 2021 (commenté par Romain Dupuis, Carte de crédit : Utilisation abusive par l’employé, publié le : 21 octobre 2021 par le Centre de droit bancaire et financier, https://cdbf.ch/1202/) examine la question sous l’angle de l’abus de confiance.
L’art. 138 ch. 1 CP réprime en effet notamment celui qui, sans droit, aura employé à son profit ou au profit d’un tiers des valeurs patrimoniales qui lui avaient été confiées.
Dans le cas d’espèce, le mécanisme de contrôle de l’employeur pouvait-il permettre de retenir malgré tout que des valeurs patrimoniales avaient été « confiées » à l’employée ? Le pouvoir de contrôle de la banque excluait-il le pouvoir de disposition de l’employée ?
L’employée peut utiliser la carte de crédit sans autorisation préalable, de sorte qu’elle avait bien un pouvoir de disposition matériel. A chaque dépense, une créance en remboursement naissait contre l’employeur, ce qui lui causait un dommage, et ce indépendamment des modalités de contrôle ultérieures convenues avec l’employée.
Le Tribunal fédéral en conclut que des valeurs patrimoniales ont bel et bien été confiées à l’employée, puis utilisées sans droit, en violation du but et de l’usage de la carte convenus par les parties. Il y a donc bien abus de confiance.
Me Philippe Ehrenström, avocat, LLM, CAS, Genève et Onnens (VD)