
B. exploite en raison individuelle un café. Il engage A. comme serveuse par contrat de durée indéterminée, le temps de travail hebdomadaire étant de 45 heures. Le contrat est notamment régi par la Convention collective nationale de travail pour les hôtels, restaurants et cafés du 1er janvier 2010 (ci-après : CCNT).
A. résilie le contrat de travail et demande notamment le paiement de divers montants, dont des heures supplémentaires. Elle allègue avoir travaillé entre 48 et 50 heures supplémentaires, et produit ses propres décomptes à teneur desquels elle a effectué en tout 139 heures supplémentaires depuis sa prise d’emploi. Elle allègue que l’employeur n’avait mis en place aucun système d’enregistrement des heures travaillées, contrairement à ce que prévoyait la CCNT, de sorte que les heures qu’elle avaient indiquées devaient être admises comme moyen de preuve (art. 21 al. 4 CCNT).
L’employeur allègue notamment qu’il a mis en place un système d’enregistrement des heures, mais que les fiches de l’employée avaient été subtilisées. Il produit les fiches d’autres employés. L’employée n’aurait également jamais annoncé d’heures supplémentaires.
Le salaire régit par l’art. 322 al. 1 CO est une prestation en argent versée en contrepartie du travail. Il se calcule en fonction du travail effectivement fourni, dans le cas du travail aux pièces ou à la tâche, ou en fonction du temps que le travailleur consacre à l’employeur (art. 319 al. 1 et 323b al. 1 CO).
Selon la CCNT applicable en l’espèce, la durée moyenne de la semaine de travail, y compris le temps de présence, est pour tous les collaborateurs au maximum de 42 heures par semaine, de 43,5 heures par semaine dans les établissements saisonniers et de 45 heures par semaine dans les petits établissements, selon l’annexe 1 à la convention (art. 15 al. 1 CCNT).
Le temps consacré au repas n’est pas compris dans l’horaire de travail. Il sera d’au minimum une demi-heure par repas. Si le collaborateur doit rester à disposition de l’employeur pendant le temps consacré aux repas, celui-ci sera considéré comme du temps de travail (art. 15 al. 2 CCNT).
Les heures supplémentaires sont des heures de travail faites en plus de la durée moyenne de la semaine de travail convenue. Ces dernières doivent être compensées, dans un délai convenable, par du temps libre de même durée, ou rémunérées (art. 15 al. 4 CCNT).
Les heures supplémentaires dont il est question à l’art. 321c CO, correspondent aux heures de travail accomplies au-delà de l’horaire contractuel, soit au-delà du temps de travail prévu par le contrat, l’usage, un contrat-type ou une convention collective. Les heures supplémentaires sont compensées en nature ou payées en espèces. Conformément à l’art. 8 CC, il appartient au travailleur de prouver qu’il a accompli des heures supplémentaires et, en plus, que celles-ci ont été ordonnées par l’employeur ou étaient nécessaires à la sauvegarde des intérêts légitimes de ce dernier.
Il incombe au travailleur de prouver qu’il a accompli des heures supplémentaires au sens de l’art. 321c CO et quelle est la quotité des heures dont il demande la rétribution. S’il n’est pas possible d’établir le nombre exact d’heures effectuées, le juge peut, par application analogique de l’art. 42 al. 2 CO, en estimer la quotité. L’évaluation se fonde sur le pouvoir d’appréciation des preuves. Si l’art. 42 al. 2 CO allège le fardeau de la preuve, il ne dispense pas le travailleur de fournir au juge, dans la mesure raisonnablement exigible, tous les éléments constituant des indices du nombre d’heures supplémentaires accomplies. La conclusion selon laquelle les heures supplémentaires ont été réellement effectuées dans la mesure alléguée doit s’imposer au juge avec une certaine force.
L’employeur est responsable de l’enregistrement de la durée du temps de travail effectuée (art. 21 al. 2 CCNT). L’employeur tient un registre des heures de travail et des jours de repos effectifs (art. 21 al. 3 CCNT). Si cette obligation n’est pas respectée, le contrôle de la durée du temps de travail tenu par le collaborateur sera admis comme moyen de preuve en cas de litige (art. 21 al. 4 CCNT). Il ne s’agit pas d’un réel renversement du fardeau de la preuve; toutefois le juge pourra accorder une pleine valeur probante au décompte personnel de l’employé et non le considérer comme une simple allégation de partie.
Les relevés personnels établis par le travailleur ne suffisent à apporter la preuve de l’existence d’heures supplémentaires que s’ils ont été remis périodiquement à l’employeur, de sorte que celui-ci a pu en prendre connaissance, et qu’ils n’ont pas été contestés. Il importe peu en revanche que l’employeur les ait ou non contresignés. A défaut de remise régulière et de prise de connaissance par l’employeur, le tribunal apprécie librement la valeur probante du relevé, selon qu’il dispose ou non d’autres moyens de preuve et que celui-là paraît avoir été tenu par l’employé de manière systématique et scrupuleuse.
Les heures supplémentaires accomplies spontanément par le salarié, sans le consentement du l’employeur et sans qu’elles soient rendues nécessaires par des circonstances particulières, ne méritent aucune rémunération.
En l’espèce, l’appelante (= l’employée) a produit devant les premiers juges un relevé des heures supplémentaires qu’elle a allégué avoir accomplies, tandis que l’intimé (=l’employeur) a indiqué qu’il n’était pas en mesure de produire le registre des horaires effectués par l’appelante, les fiches s’y rapportant ne figurant plus dans le classeur ad hoc, à disposition des employés de l’établissement. Il veut pour preuve de sa bonne foi la production des fiches de deux autres employées de l’établissement. Ce nonobstant, l’intimé avait l’obligation, outre d’enregistrer l’horaire de tous ses employés, de prendre toutes les mesures nécessaires à la conservation des documents y relatifs, ce que manifestement il n’a pas fait. La procédure n’ayant pas permis de démontrer que, comme il le prétend, l’appelante aurait subtilisé les fiches relatives à ses horaires, la responsabilité de l’absence de ces documents lui incombe.
Les relevés d’heures supplémentaires versées par l’appelante à la procédure ne permettent cependant pas d’établir de manière irréfragable que les heures de travail mentionnées ont réellement été effectuées. Ces relevés ne revêtent en effet à eux seuls aucune valeur probante compte tenu du fait qu’il n’est pas démontré, ni au demeurant allégué, qu’ils auraient été régulièrement remis à l’intimé durant les rapports de travail.
Un examen de ces documents permet de surcroît de constater que la quotité des heures supplémentaires prétendument accomplies a été de toute façon surévaluée. L’appelante n’a en effet pas déduit de l’horaire journalier prétendument réalisé durant la période litigieuse la pause de 30 minutes obligatoire prévue par la CCNT. L’appelante ne soutient pas qu’elle ne disposait pas de ce temps de pause mais qu’elle ne mangeait pas durant son service, ce qui est un choix qui lui incombe, mais dont elle ne peut tenir l’intimé responsable. Le fait qu’elle n’ait pas indiqué de temps de pause sur son décompte d’heures ne suffit par ailleurs pas à considérer qu’elle a travaillé durant ces temps de pause. Les employées entendues ont toutes confirmées qu’elles pouvaient bénéficier de 30 minutes durant leur service pour manger.
C’est ainsi à raison que le Tribunal a considéré que l’appelante avait échoué à démontrer l’existence de la réalisation d’heures supplémentaires.
(Arrêt de la Chambre des prud’hommes de la Cour de justice du canton de Genève CAPH/193/2021 du 07.10.2021)
Me Philippe Ehrenström, avocat, LLM, CAS, Genève et Onnens (VD)