Certains cantons connaissent des juridictions spécialisées dans les conflits du travail, avec des modalités diverses.
Aux termes de l’art. 34 al. 1 CPC, le tribunal du domicile du défendeur ou celui du lieu où le travailleur exerce habituellement son activité professionnelle est compétent pour statuer sur les actions relevant du droit du travail.
Lorsqu’il doit statuer d’entrée de cause sur sa compétence (art. 59 al. 2 let. b CPC), le tribunal doit tout d’abord examiner si le ou les faits pertinents de la disposition légale applicable sont des faits simples ou des faits doublement pertinents, les exigences de preuve étant différentes pour les uns et pour les autres (arrêt du Tribunal fédéral 4A_73/2015 du 26 juin 2015 consid. 4.1).
Les faits sont simples (einfachrelevante Tatsachen) lorsqu’ils ne sont déterminants que pour la compétence. Ils doivent être prouvés au stade de l’examen de la compétence, lorsque la partie défenderesse soulève l’exception de déclinatoire en contestant les allégués du demandeur (arrêt du Tribunal fédéral 4A_73/2015 du 26 juin 2015 consid. 4.1.1 et les références citées).
Les faits sont doublement pertinents ou de double pertinence (doppelrelevante Tatsachen) lorsque les faits déterminants pour la compétence du tribunal sont également ceux qui sont déterminants pour le bien-fondé de l’action. Conformément à la théorie dite de la double pertinence, le juge saisi examine sa compétence sur la base des allégués, moyens et conclusions de la demande, sans tenir compte des objections de la partie défenderesse (ATF 136 III 486 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral 4A_73/2015 du 26 juin 2015 consid. 4.1.2).
Si, au regard des écritures du demandeur, aucun contrat de travail n’a été conclu, les circonstances permettant de fonder la compétence du tribunal saisi ne sont pas remplies et la demande doit être déclarée irrecevable. Si tel est le cas, le tribunal saisi admet sa compétence. L’administration des moyens de preuve sur les faits doublement pertinents aura lieu ultérieurement dans la phase du procès au fond, soit au cours des débats principaux : s’il se révèle alors que le fait doublement pertinent n’est pas prouvé, le tribunal rejettera la demande, par un jugement revêtu de l’autorité de la chose jugée; s’il se révèle que le fait doublement pertinent est prouvé, le tribunal examinera les autres conditions de la prétention au fond (arrêt du Tribunal fédéral 4A_73/2015 du 26 juin 2015 consid. 4.1.2).
Certes, après l’administration des preuves sur les faits doublement pertinents, le tribunal peut se rendre compte que, contrairement à ce qu’il avait décidé d’entrée de cause dans sa décision admettant sa compétence, celle-ci n’est en réalité pas donnée. Toutefois, il ne peut et ne doit pas alors rendre un nouveau jugement sur sa compétence, puisqu’il ne saurait revenir sur la décision qu’il a prise d’entrée de cause à ce sujet; il doit, lorsque, par exemple, l’existence d’un contrat de travail n’est pas prouvée, rejeter la demande par un jugement au fond, qui est revêtu de l’autorité de la chose jugée (arrêt du Tribunal fédéral 4A_73/2015 du 26 juin 2015 consid. 4.1.2).
En l’espèce, l’intimée a allégué dans sa demande s’être occupée d’une personne âgée et de la tenue de son ménage, en fonction d’un horaire, moyennant la perception d’une rémunération mensuelle, puis avoir été licenciée à son retour à Genève, éléments qui ressortent typiquement de la conclusion d’un contrat de travail, de sorte que le Tribunal a admis avec raison sa compétence ratione materiae à raison de la matière et la recevabilité de la demande.
Si, au terme de l’examen au fond du litige, il apparaissait toutefois qu’aucun contrat de travail n’avait été conclu entre les parties, alors la demande devrait être rejetée.
(CAPH/197/2016, consid. 2)
Me Philippe Ehrenström, avocat, ll.m., Genève – Yverdon