La cour cantonale a retenu, en fait, que l’employeur avait offert à l’employée, par courriel du 10 septembre 2014, de réduire son taux d’activité à 20% dès le 1 er octobre 2014.
Elle a retenu qu’il était capital pour l’employée qu’elle obtienne des indemnités de chômage pour compenser la différence de revenu résultant de la modification de son taux d’activité ensuite de cet accord; elle l’avait manifesté à l’employeur en le questionnant sur l’effet que la réduction proposée aurait sur ses droits à des prestations de l’assurance-chômage. Il importait peu de savoir si et, le cas échéant, ce que le recourant lui avait répondu. Il pouvait et devait se rendre compte de l’importance décisive que le droit de l’employée à des prestations de l’assurance-chômage avait pour l’acceptation ou le refus de son offre.
Or l’employée s’était vue ultérieurement répondre, par la caisse de chômage, qu’il ne lui serait versé aucune indemnité durant un laps de temps correspondant au délai de congé qui aurait dû être respecté avant l’entrée en vigueur de cette réduction. L’employée avait alors invoqué s’être trouvée dans l’erreur sur un point essentiel de l’accord intervenu.
Le recourant (= l’employeur) se plaint d’une mauvaise application de l’art. 24 CO. A son sens, on se trouverait en présence d’une simple erreur sur les motifs – plus précisément une erreur sur les effets accessoires de l’accord – qui ne pourrait justifier l’invalidation de ce dernier, ce que la cour cantonale aurait méconnu.
Selon l’art. 23 CO, le contrat n’oblige pas celle des parties qui, au moment de conclure, était dans une erreur essentielle. L’erreur qui porte uniquement sur les motifs n’est en principe pas essentielle (art. 24 al. 2 CO; ATF 118 II 58 consid. 3b). Fait exception l’erreur de base au sens de l’art. 24 al. 1 ch. 4 CO (Grundlagenirrtum). Selon cette disposition, l’erreur est essentielle lorsqu’elle porte sur des faits que la loyauté commerciale permettait à celui qui se prévaut de son erreur de considérer comme des éléments nécessaires du contrat. L’erreur essentielle au sens de l’art. 24 al. 1 ch. 4 CO doit porter tout d’abord sur un fait subjectivement essentiel: en se plaçant du point de vue de la partie qui était dans l’erreur, il faut que l’on puisse admettre que, subjectivement, son erreur l’a effectivement déterminée à conclure le contrat ou à le conclure aux conditions convenues. Il faut ensuite qu’il soit justifié de considérer le fait sur lequel porte l’erreur comme objectivement un élément essentiel du contrat: le cocontractant doit pouvoir se rendre compte, de bonne foi, que l’erreur de la victime porte sur un fait qui était objectivement de nature à la déterminer à conclure le contrat ou à le conclure aux conditions convenues.
La cour cantonale a considéré que l’employée s’était trouvée en proie à une erreur de base au sens de l’art. 24 al. 1 ch. 4 CO. Pouvoir obtenir sans délai par le biais de l’assurance-chômage le différentiel entre son plein salaire et celui correspondant à son taux d’activité réduit à 20% à compter du 1 er octobre 2014 revêtait pour elle un caractère essentiel. Cela étant, elle a erré en jugeant que cette circonstance devait objectivement être considérée comme essentielle selon la loyauté commerciale. Cette condition fait défaut. Lorsqu’une réduction du taux d’activité d’un employé est convenue, les expectatives de ce dernier s’agissant de l’assurance-chômage ne font pas partie des éléments que la loyauté commerciale impose à l’employeur de tenir pour essentiels. Celui-ci n’a pas à inférer d’une question qui lui est posée à ce sujet qu’il s’agit là d’un élément crucial, de nature à remettre en cause le principe même de la réduction du temps de travail convenue. En principe, lorsqu’on réduit son activité professionnelle, c’est pour disposer de son temps différemment, et non dans le but d’obtenir une compensation financière d’une assurance publique. Cet élément peut bien évidemment, selon la situation, entrer en ligne de compte dans la pesée des intérêts, mais il n’y a objectivement pas lieu d’y voir un élément essentiel selon le principe de la bonne foi en affaires. En l’espèce, il n’y a pas d’erreur de base au sens de l’art. 24 al. 1 ch. 4 CO. L’intimée s’est trouvée dans l’erreur quant à l’incidence de la convention sur ses droits à l’assurance-chômage; il s’agit là d’une erreur sur les motifs du contrat (art. 24 al. 2 CO), qui n’est pas essentielle.
Le grief tiré d’une violation de l’art. 24 CO est fondé.
(Arrêt du Tribunal fédéral 4A_624/2018 du 2 septembre 2019, consid. 4)
Me Philippe Ehrenström, LL.M., avocat, Genève et Onnens (VD)