Le contrat-type de travail pour les travailleurs de l’économie domestique

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Le contrat-type de travail pour les travailleurs de l’économie domestique est réglé par l’ordonnance du 20 octobre 2010 portant le même nom (abrégé CTT économie domestique ; RS 221.215.329.4), dont la durée de validité a été régulièrement prolongée depuis son adoption et l’est encore à ce jour jusqu’au 31 décembre 2022 (RO 2019 4107 ; 2016 4825 ; 2013 4109).

Le CTT économie domestique est un CTT fédéral « renforcé » adopté sur la base de l’art. 360a CO. En d’autres termes, il est relativement impératif (on ne peut y déroger qu’en en faveur du travailleur : art. 360d al. 2 CO) et il règle les salaires applicables à l’économie domestique dans toute la Suisse (art. 1 al. 1 CTT économie domestique). Il est à distinguer des CTT « ordinaires » découlant de l’art. 359 al. 1 CO, disposition qui impose aux cantons d’édicter un CTT pour les emplois domestiques réglant la durée du travail et du repos ainsi que les conditions de travail des travailleuses et des jeunes travailleurs. Les cantons ont pu adopter, sur cette base, des CTT pouvant contenir des dispositions salariales (notamment), mais les CTT « ordinaires » ne sont pas impératifs – on peut y déroger par un accord individuel.

La coordination entre le CTT économique domestique « renforcé » et les CTT cantonaux « ordinaires » se fait comme suit : le CTT économie domestique règle les salaires minimaux sur le plan national, les CTT ordinaires règlent les autres conditions de travail dans les cantons, soit la durée de travail et de repos, les vacances, les heures supplémentaires, la période d’essai, etc. Les CTT se complètent – d’un côté les salaires minimaux, de l’autre le reste des conditions de travail. Si un CTT « ordinaire » contient aussi des dispositions (non impératives) sur les salaires minimaux, le droit impératif l’emporte (CTT renforcé), mais les dérogations stipulées en faveur des travailleurs sont valables, sauf contradiction avec le droit impératif (art. 359 al. 3 et 358 CO). Il en résulte qu’un CTT « ordinaire » peut contenir des salaires minimaux supérieurs au CTT renforcé, mais il est possible d’y déroger, pour autant que le salaire minimum du CTT renforcé soit respecté.

Il peut y avoir également collision entre le CTT économie domestique fédéral « renforcé » et un CTT cantonal également « renforcé », prévoyant donc tous deux des salaires minimaux impératifs pour l’économie domestique (GE). Dans ce cas, c’est le CTT cantonal renforcé qui s’applique, le CTT économie domestique fédéral n’étant pas applicable (art. 1 al. 2 CTT économie domestique). La seule exception serait ici des rapports de travail qui entrent dans le champ d’application personnel ou matériel du CTT fédéral mais pas dans celui du CTT cantonal.

Concernant le champ d’application personnel du CTT économie domestique, il doit d’abord y avoir des rapports de travail entre les travailleurs qui effectuent des activités domestiques dans un ménage privé et leurs employeurs. L’existence – ou non – de rapports de travail s’analyse selon les critères de l’art. 319 CO, ce qui peut poser certaines difficultés pratiques, par exemple en cas de prestations volontaires ou dans le cadre de l’entraide familiale ou entre voisins. Le CTT s’applique aussi aux travailleurs qui ne sont actifs que pour une période limitée dans son champ d’application territorial ou dont les services ont été loués (art. 360d CO). Il ne s’applique par contre pas aux rapports de travail dans des ménages collectifs tels que homes, pensionnats, EMS, hôpitaux, etc. (Rapport explicatif sur le projet de contrat-type de travail (CTT) concernant des salaires minimums impératifs pour les travailleurs de l’économie domestique, Berne, 8 octobre 2010, N 3.2.2). Les domestiques privés employés par les membres du personnel des missions diplomatiques, des missions permanentes, des postes consulaires et des organisations internationales sont soumis à l’ordonnance du 6 juin 2011 sur les conditions d’entrée, de séjour et de travail des domestiques privés des personnes bénéficiaires de privilèges, d’immunités et de facilités (ordonnance sur les domestiques privés, ODPr ; RS 192.126) ; les CTT fédéral et cantonaux ne sont leurs donc pas applicables.

Sont considérés comme activités domestiques les travaux d’entretien général du ménage, en particulier: les travaux de nettoyage; l’entretien du linge; les commissions; la cuisine; la participation à la prise en charge d’enfants, de personnes âgées et de malades; l’assistance aux personnes âgées et aux malades dans la vie quotidienne. Cela exclut les employés dévolus exclusivement à certaines tâches particulières (jardinier, chauffeurs, etc.) Ne sont également pas concernés les spécialistes des soins, qui fournissent uniquement des prestations de soins et d’assistance avec des compétences médicales, et qui sont généralement soumis à autorisation. S’il y a des prestations mixtes (soins et activité domestique), le CTT économie domestique devrait s’appliquer, à moins que la part d’activités domestiques soit négligeable, en tenant compte notamment du caractère protecteur du CTT (Rapport explicatif sur le projet de contrat-type de travail (CTT) concernant des salaires minimums impératifs pour les travailleurs de l’économie domestique, Berne, 8 octobre 2010, N 3.2.2).

Le CTT économie domestique ne s’applique pas aux rapports de travail entre les personnes que ont la relation suivante : époux ; partenaires enregistrés ; ascendants et descendants en ligne directe, leurs conjoints et partenaires enregistrés ; concubins. Il ne s’applique pas davantage aux rapports de travail des personnes suivantes : travailleurs au pair; jeunes employés exclusivement pour garder occasionnellement des enfants; personnes qui prennent en charge des enfants en dehors de la famille (mamans de jour, accueil à midi); stagiaires qui effectuent un stage pour une formation professionnelle initiale dans un centre de formation en Suisse; personnes effectuant un apprentissage de gestionnaire en intendance; personnes dont les rapports de travail sont soumis au droit public fédéral, cantonal, communal ou au droit international public; personnes employées par une organisation de droit public ou par une organisation d’utilité publique qui a un mandat public; travailleurs de l’économie domestique actifs dans des ménages agricoles et qui sont soumis à un contrat-type de travail pour les employés agricoles; travailleurs actifs pendant moins de cinq heures en moyenne par semaine auprès du même employeur; travailleurs soumis à une convention collective de travail déclarée de force obligatoire; travailleurs titulaires d’une carte de légitimation de type E ou F du Département fédéral des affaires étrangères et affectés au service domestique d’une personne bénéficiaire visée à l’art. 2, al. 2, de la loi du 22 juin 2007 sur l’État hôte. (CTT économie domestique, art. 2 al. 2 et 3)

Le « salaire minimum » fixé par le CTT économie domestique correspond au salaire au sens strict, sans les suppléments pour heures supplémentaires ou travaux spéciaux, etc. Il s’entend brut, i.e. avant déduction des cotisations sociales, d’une éventuelle assurance perte de gain, etc. (Rapport explicatif sur le projet de contrat-type de travail (CTT) concernant des salaires minimums impératifs pour les travailleurs de l’économie domestique, Berne, 8 octobre 2010, N 3.4). Il est divisé en différentes catégories (art. 4 CTT économie domestique) selon le degré de qualification :

(i) Employé non qualifié ;

(ii) Employé non qualifié avec au moins quatre ans d’expérience professionnelle dans l’économie domestique ; l’expérience professionnelle dans l’économie domestique est reconnue si elle englobe plusieurs activités domestiques représentant au moins cinq heures de travail hebdomadaire en moyenne. ; et

(iii) Employé qualifié : sont considérés comme tels les employés disposant d’un certificat fédéral de capacité (CFC) de gestionnaire en intendance ou d’un diplôme de fin de formation professionnelle initiale d’une durée d’au moins trois ans approprié à l’activité exercée et ceux disposant d’une attestation fédérale de formation professionnelle (AFP) d’employé en intendance ou d’un diplôme de fin de formation professionnelle initiale d’une durée de deux ans approprié à l’activité exercée.

Le salaire minimum brut, sans les suppléments pour vacances et jours fériés payés, est fixé comme suit (à ce jour) selon les différentes catégories: employé non qualifié 19,20 frs/h ; employé non qualifié avec au moins quatre ans d’expérience professionnelle dans l’économie domestique 21,10 frs/h ; employé qualifié avec CFC 23,20 frs/h ; employé qualifié avec AFP 21,10 frs/h. Le supplément pour les vacances est de 8.33% pour un droit aux vacances de 4 semaines par an. Le salaire mensuel, pour une durée de 42 heures hebdomadaires, est de (salaire horaire) x 42 x 52)) / 12. Si un travailleur reçoit une partie de son salaire sous la forme d’un logement ou de nourriture, la valeur de ces prestations est déterminée par les montants fixés à l’art. 11 du règlement du 31 octobre 1947 sur l’assurance-vieillesse et survivants (RS 831.101 ; art. 7 CTT économie domestique).

Me Philippe Ehrenström, LL.M., avocat, Genève et Onnens (VD)

A propos Me Philippe Ehrenström

Ce blog présente certains thèmes juridiques en Suisse ainsi que des questions d'actualité. Il est rédigé par Me Philippe Ehrenström, avocat indépendant, LL.M. (Tax), Genève et Yverdon.
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