Le premier devoir professionnel de l’avocat consiste à défendre les intérêts de ses clients et il dispose d’une large marge de manœuvre pour déterminer quels sont les moyens et les stratégies qui, selon lui, sont les plus aptes à réaliser ce but. L’avocat peut défendre les intérêts de ses clients de manière vigoureuse et s’exprimer de manière énergique et vive. Il n’est pas tenu de choisir la formulation la plus mesurée à l’encontre de la partie adverse, ni de peser tous ses mots. Une certaine marge d’exagération, voire même de provocation, doit ainsi être acceptée.
Tous les moyens ne sont toutefois pas permis. Un comportement inutilement agressif ne correspond pas à une manière d’exercer la profession avec soin et diligence au sens de l’art. 12 let. a LLCA. L’avocat assume une tâche essentielle à l’administration de la justice, en garantissant le respect des droits des justiciables, et joue ainsi un rôle important pour le bon fonctionnement des institutions judiciaires au sens large. Il est partant tenu de s’abstenir de tout acte susceptible de remettre en cause la confiance qui doit pouvoir être placée dans la profession et faire montre d’un comportement correct dans son activité. Il doit contribuer à ce que les conflits juridiques se déroulent de manière appropriée et professionnelle et s’abstenir de tenir des propos inutilement blessants. L’avocat n’agit pas dans l’intérêt de son client s’il se livre à des attaques excessives inutiles, susceptibles de durcir les fronts et de conduire à une escalade dans le conflit.
Par ailleurs, l’avocat ne peut en règle générale se servir de moyens juridiques inadéquats pour exercer des pressions.
En l’espèce,
d’après le jugement entrepris, la directrice de C.________ avait été mandatée pour effectuer une expertise visant à déterminer l’aptitude à la conduite de l’un des clients du recourant. Insatisfait du résultat de cette expertise, le recourant avait notamment écrit à C.________ que l’expertise n’avait pas été réalisée dans les règles de l’art et que les conclusions étaient « iniques et arbitraires ». Par la suite, le recourant avait invoqué une inexécution du contrat de mandat. Après que la directrice de C.________ avait formé une dénonciation à la Chambre de surveillance [des avocats VS], le recourant lui avait en outre adressé un courrier lui impartissant un unique délai pour la retirer, en se réservant le « droit d’envisager la piste pénale » et en citant l’art. 181 CP (contrainte).
On ne voit aucune utilité dans la bonne défense des intérêts d’un client à qualifier les conclusions d’une expertise « d’iniques ». En outre, il résulte de la lecture complète des critiques du recourant figurant au dossier (cf. art. 105 al. 2 LTF) que celui-ci s’en est pris, sans aucune raison, personnellement à l’experte, en lui reprochant notamment une « désinvolture » et une « vision arbitraire », au lieu de s’en tenir à une critique factuelle du contenu de l’expertise. Le fait que le recourant ait tenu ces propos non pas oralement dans le feu d’une séance mais par écrit, mode d’expression qui laisse en règle générale l’opportunité de la réflexion et de la mesure des mots employés, constitue une circonstance aggravante. Il est impossible dans ces conditions de considérer que les critiques du recourant sont restées dans la mesure de l’acceptable comme il le prétend.
A cela s’ajoute que rien ne justifiait que le recourant exigeât de la directrice de C.________ le retrait de sa dénonciation auprès de la Chambre de surveillance, en précisant envisager la piste pénale le cas échéant. Si le recourant estimait que les écrits qu’il avait envoyés à la directrice de C.________ n’avaient aucun contenu inutilement vexatoire ou attentatoire à l’honneur, il n’avait qu’à le faire valoir devant la Commission de surveillance, dès lors que celle-ci avait déjà été saisie. Le recourant prétend n’avoir fait que formuler une « réserve usuelle de la part d’un avocat ». L’argument frise la témérité. La menace du dépôt d’une plainte pénale sans aucun fondement – on ne voit en effet aucunement en quoi le fait que la directrice de C.________ se soit adressée à la Commission de surveillance aurait pu constituer une tentative de contrainte -, afin d’obtenir le retrait d’une dénonciation est inacceptable.
Sur le vu de ces circonstances, c’est à bon droit que le Tribunal cantonal a confirmé que le recourant avait violé son devoir de diligence par son comportement à l’égard de la directrice de C.________.
[L’appréciation peut paraître un peu sévère, mais elle semble s’expliquer en tout cas partiellement par d’autres faits à charge de l’avocat dans la décision, et d’une invitation pour le moins maladroite faite par l’avocat dénoncé à la dénonciatrice de retirer sa dénonciation à l’autorité de surveillances en invoquant la possibilité d’une procédure pénale. A partir du moment où une dénonciation à l’autorité de surveillance est faite, il apparaît en effet plus judicieux de réserver ses arguments pour cette autorité, quitte à agir ensuite, dans un deuxième temps, au vu de la décision de l’autorité de surveillance].
(Arrêt du Tribunal fédéral 2C_243/2020 du 25 juin 2020, consid. 3.5.1 et 3.5.2)
Me Philippe Ehrenström, LL.M. avocat, Genève et Onnens (VD)