Perception de la taxe de séjour, minimisation des données

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Le plaignant est propriétaire d’un logement dans la Ville Y (la défenderesse). En cette qualité, il reçoit annuellement un formulaire à compléter en vue de la perception de la taxe de séjour établie par la Ville.

Le plaignant s’est ainsi vu adresser début 2023, un courrier papier l’invitant à compléter le formulaire intitulé « Formulaire de déclaration à compléter par le contribuable relatif à : Taxe de séjour – Exercice 2022 ».

Le plaignant fait remarquer que le formulaire dénoncé lui demande de fournir des données pour tous les occupants de son bien, que ceux-ci y soient domiciliés ou non. Or, le règlement communal qui institue ladite taxe de séjour pour les exercices […] dont l’exercice 2022 prévoit que le fait générateur de la taxe est précisément l’absence de domiciliation dans le bien. La collecte des données relatives aux personnes domiciliées dans son bien (et plus généralement dans les biens concernés par la taxe) lui paraît donc illicite au regard de l’article 6.1 du RGPD (absence de base de licéité).

Le plaignant dénonce également que ce formulaire lui demande de mentionner, pour chaque occupant à qui il met son bien à disposition ou à qui il le donne en location, les informations suivantes : a) nom et prénom de cet occupant, b) date de naissance de l’occupant ainsi que c) la date d’entrée et de sortie du bien par cet occupant.

Le plaignant fait à cet égard remarquer qu’aux termes du règlement communal précité, la taxe est perçue en fonction du nombre d’occupants par an (la taxe est en effet annuelle et forfaitaire par occupant pour ce qui concerne le type de logement dont le plaignant est propriétaire). La collecte des données susvisées relatives à chaque occupant lui semble dès lors superflue. Selon le plaignant, la défenderesse collecte des données personnelles relatives aux occupants de son bien en violation du principe de minimisation (article 5.1.c) du RGPD).

En application de l’article 6 du RGPD, tout traitement de données personnelles doit s’appuyer sur l’une des bases de licéité qu’il prévoit. A cet égard, la défenderesse fonde la collecte des données sollicitées via le formulaire adressé au plaignant sur le règlement communal précité. La Chambre Contentieuse relève que le fait générateur de la taxe de séjour en vue de la perception de laquelle les données concernées sont demandées est libellé comme suit : « Article 2 – Fait générateur Est visé le séjour des personnes non inscrites, pour le logement où elles séjournent, au registre de population ou au registre des étrangers ». En d’autres termes, le fait générateur de la taxe de séjour est l’absence de domiciliation des personnes dans le bien. Il ressort en effet du règlement communal que l’objectif de la taxe est de corriger le déséquilibre créé entre la partie de la population domiciliée sur le territoire de la défenderesse et contribuant aux finances de celle-ci d’une part et la partie de la population non domiciliée qui n’y contribue pas d’autre part. Le règlement pointe en ce sens la nécessité de combler le manque à gagner (centimes additionnels) relatif à des immeubles affectés à l’usage de logements au profit de personnes non domiciliées sur son territoire et non à l’usage de logements au profit de personnes domiciliées sur le territoire de la défenderesse.

Il en résulte que pour l’application du règlement communal précité et la perception de la taxe de séjour instituée, la notion « d’occupants » doit être comprise comme n’incluant pas les personnes domiciliées dans les biens visés.

Or, ainsi que le dénonce le plaignant, le courrier de début 2023 qui lui a été adressé avec le formulaire à compléter indique sans aucune équivoque que « Tout bien mis à la location ou à disposition sur le territoire de la Ville Y doit être renseigné sur le formulaire, ainsi que tout occupant, domicilié ou non dans le bien ».

En demandant aux propriétaires concernés tels le plaignant de lui communiquer des données personnelles concernant des occupants domiciliés auprès d’elle, la défenderesse collecte prima facie, des données personnelles sans disposer d’une base de licéité qui la justifie. En effet, seules les données nécessaires à la satisfaction de l’obligation légale qui est la sienne peuvent être traitées par la défenderesse (article 6.1.c)).

A toutes fins utiles, la Chambre Contentieuse rappelle ici que pour prévoir une obligation de traitement de données à caractère personnel au sens de l’article 6.1.c du RGPD, il faut, comme le souligne le Groupe de travail « Article 29 », prédécesseur en droit du Comité européen de la protection des données (CEPD), que la disposition légale qui l’instaure remplisse « toutes les conditions requises pour rendre l’obligation valable et contraignante ». Son libellé doit donc être clair et précis de telle sorte que le responsable du traitement soumis à cette obligation ne dispose pas de marge d’appréciation dans la détermination des éléments essentiels du traitement de données à caractère personnel nécessaire au respect de son obligation légale.

La Chambre Contentieuse rappelle également qu’en application de l’article 5.1.c) du RGPD, les données à caractère personnel doivent être adéquates, pertinentes et limitées à ce qui est nécessaire au regard des finalités pour lesquelles elles sont traitées (minimisation des données).

A l’appui de la plainte et des pièces produites par le plaignant, en particulier du formulaire de de demande de communication des données des occupants du bien et du règlement communal déjà cités, la Chambre Contentieuse conclut que la collecte de données relatives aux occupants semble, prima facie, excessive et contraire au principe de minimisation consacré à l’article 5.1. c) du RGPD.

En effet, seule la collecte par la défenderesse (et partant, la communication par le plaignant) des données nécessaires à la réalisation de la finalité poursuivie – soit en l’espèce l’enrôlement de la taxe de séjour – est autorisée en exécution de cet article 5.1.c) du RGPD.

Cette taxe de séjour étant calculée annuellement et sur la base d’un forfait par occupant, la Chambre Contentieuse comprend que le nombre d’occupants annuels doive être déclaré par le propriétaire. En revanche, la Chambre Contentieuse ne perçoit pas, prima facie, en quoi la communication des données sollicitées relatives aux occupants est nécessaire à cette finalité. La Chambre Contentieuse rappelle à cet égard que la condition de nécessité doit s’apprécier de manière stricte. A titre d’exemple, elle n’aperçoit pas, prima facie, en quoi la date de naissance de l’occupant est nécessaire à l’établissement du nombre d’occupants dans le bien sauf si l’âge de l’occupant devait entrer en ligne de compte dans la perception de ladite taxe. Il en va de même pour les nom et prénom des occupants ainsi que des dates d’entrée et de sortie.

(Autorité de protection des données / Gegevensbeschermingsautoriteit [BE], Chambre contentieuse, décision 99/2023 du 13.07.2023; https://www.gegevensbeschermingsautoriteit.be/publications/waarschuwing-nr.-99-2023.pdf)

Me Philippe Ehrenström, avocat, LLM, CAS, Genève et Onnens (VD)

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Ce blog présente certains thèmes juridiques en Suisse ainsi que des questions d'actualité. Il est rédigé par Me Philippe Ehrenström, avocat indépendant, LL.M., Yverdon-les-Bains
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