
X.________ a été engagé par la commune Z.________ en qualité de responsable de l’entité A.________ depuis le 1er septembre 2014. Il a été nommé à titre provisoire à ce poste le 26 juin 2015 avec effet au 1er juillet suivant. Sa nomination a été confirmée par décision du 20 juin 2016. Il avait déjà travaillé au sein de cette collectivité publique en tant qu’apprenti (octobre 2001 à juillet 2002) puis comme employé d’administration et secrétaire (août 2002 à juillet 2007).
Le 10 février 2023, l’intéressé a été entendu par le chef du service de l’action sociale ainsi que par une représentante du service des ressources humaines. À cette occasion, il a admis avoir timbré à deux reprises (le 3 et le 10 février 2023) le matin tôt sans badger sa sortie en partant à ses séances de sport. Il a alors déclaré se rendre compte que « ça a été stupide ». Lors de cette séance, il a également été questionné sur les 25 heures supplémentaires inscrites entre le 9 et le 31 janvier 2023. À cet égard, il a indiqué vivre une situation compliquée sur le plan privé, ce qui l’avait poussé à passer beaucoup de temps au travail.
Par décision du 2 mars 2023, se fondant sur les manquements précités, le Conseil communal de Z.________ (ci-après : le conseil communal) a prononcé son licenciement avec effet immédiat, et a retiré l’effet suspensif à un éventuel recours contre ce prononcé.
X.________ interjette recours devant le Cour de droit public du Tribunal cantonal contre cette décision,
Selon l’article 10 du statut du personnel communal, du 25 octobre 2021, (ci-après : le statut), les rapports de service prennent fin par : le décès (let. a), la suppression de poste, sous réserve d’une mutation (let. b), la retraite (let. c), l’invalidité (let. d), la fin conventionnelle des rapports de travail (let. e), la démission (let. f), le licenciement ordinaire (let. g) et le licenciement extraordinaire (let. h). Aux termes de l’article 17 du statut, le conseil communal peut, en cas de violation grave des devoirs de service, après avoir entendu la personne, prononcer son licenciement avec effet immédiat sans avertissement préalable.
La jurisprudence du Tribunal fédéral considère qu’une tricherie intentionnelle sur le timbrage constitue en principe un manquement grave au devoir de fidélité envers l’employeur. Le point de savoir si un tel comportement justifie une résiliation immédiate des rapports de travail dépend de l’ensemble des circonstances, en particulier du caractère répété du manquement, de la durée des rapports de travail et du fait qu’il devait être connu du salarié qu’une fraude ou une manipulation dans ce domaine n’était pas tolérée (arrêts du TF du 01.03.2018 [8C_301/2017] cons. 4.3.3 et du 12.12.2017 [8C_800/2016] cons. 3.6.2).
Dans un arrêt du 4 août 2005 (4C.114/2005), le Tribunal fédéral n’a pas retenu l’existence d’un juste motif de résiliation dans le cas d’un employé qui n’avait commis qu’une faute unique et qui n’occupait pas une position de cadre. En revanche, dans une autre affaire, il a jugé que le fait de timbrer à plusieurs reprises une pause de midi plus courte que celle effectivement prise était propre à ébranler ou à détruire le lien de confiance existant entre les parties, de telle sorte que la poursuite des relations de travail ne pouvait plus être exigée de la part de l’employeur. En l’occurrence, entraient en considération la position de cadre occupée par le salarié et le fait qu’il était informé de l’importance de la sanction prévue en cas de non-respect des consignes concernant le timbrage (arrêt du TF du 12.08.2002 [4C.149/2002] cons. 1.3, également cité dans l’arrêt du TF du 01.03.2018 [8C_301/2017] cons. 4.3.3).
De même, il a été jugé que le fait de transmettre des données fausses concernant la durée de cours donnés comme moniteur Jeunesse et Sport revenait à remplir les conditions d’un licenciement immédiat pour justes motifs. Raisonnant par analogie, le Tribunal fédéral a établi un parallèle avec un travailleur astreint à faire contrôler ses heures de travail au moyen d’une timbreuse et qui, systématiquement et sur une longue période, ne timbrait pas de manière honnête (arrêt du TF du 06.05.2005 [2A.72/2005] cons. 3.3 et les références citées).
Dans un arrêt du 2 novembre 2015 (4A_395/2015), le Tribunal fédéral a considéré qu’un licenciement immédiat était justifié pour une collaboratrice qui avait triché à plusieurs reprises – en ne timbrant pas en quittant son travail et faisant timbrer un collègue à sa place ou revenant plus tard, le soir – dans la mesure où un tel comportement violait gravement son devoir de fidélité.
L’autorité décide librement, dans les limites de son pouvoir d’appréciation dont elle devra néanmoins user de façon consciencieuse, si la fin des rapports de service est justifiée. L’existence d’un juste motif, autorisant le renvoi, même immédiat, n’a pas besoin d’être démontrée. Il suffit que le licenciement entre dans le pouvoir d’appréciation de l’autorité et apparaisse, au regard des prestations et du comportement de l’intéressé, comme une mesure défendable. En outre, selon l’article 33 let. a et d LPJA, la Cour de céans examine uniquement si l’autorité a abusé de son pouvoir d’appréciation ou l’a excédé ; elle n’est pas habilitée à contrôler l’opportunité de la décision puisque aucun texte légal ne lui en donne la compétence (RJN 2004, p. 125 cons. 3c et les références citées).
En l’espèce, il n’est pas contesté que le recourant a, au moins à deux reprises, en l’espace d’une semaine, quitté son travail pour se rendre à des séances de sport, sans timbrer sa sortie. On peut en outre déduire des déclarations de l’intéressé, lequel a reconnu lors de l’entretien du 10 février 2023 s’être rendu compte que « ça a été stupide », qu’il ne s’agissait pas de simples erreurs, mais que ces actes revêtaient un caractère intentionnel et de tricherie.
Tout employeur est en droit d’exiger de ses collaborateurs qu’ils se plient au système mis en place en matière d’heures de travail et timbrent régulièrement leurs arrivées et départs. On est en particulier en droit d’attendre un comportement irréprochable du collaborateur qui occupe une fonction de cadre avec responsabilités, lui qui est censé représenter un exemple pour l’équipe qu’il mène. En ce sens, l’intéressé a indiscutablement trompé son employeur en n’arrêtant pas son compteur alors qu’il se rendait à des leçons de sport. On doit dès lors admettre que ce comportement émanant qui plus est d’un cadre pouvait justifier l’ouverture d’une procédure de licenciement.
La décision de résiliation immédiate est certes sévère compte tenu de la qualité des services fournis (cf. certificat de travail intermédiaire du 26.10.2020 et décisions d’octroi de deux primes pour récompenser ses prestations), mais elle se tient dans les limites du pouvoir appréciateur de la commune. À cet égard, on relèvera que par son comportement, le recourant – qui a, selon ses allégués, lui-même demandé la mise en place d’un système de timbrage ceci « nonobstant la résistance de certains collaborateurs » – a démontré qu’il ne voulait pas se plier au système nouvellement mis en place en matière d’heures de travail alors qu’en tant qu’adjoint au chef de service on pouvait attendre de lui une certaine exemplarité. On peut comprendre que l’intimé exigeait une stricte observation de ce système cela d’autant plus si l’on considère que, comme l’allègue l’intéressé, le service en question avait par le passé connu de « graves problèmes internes » en particulier la perte de confiance des partenaires externes et des bénéficiaires et que ses subordonnés avaient en outre montré des réticences importantes à la mise en place du contrôle par timbrage. L’intimé était objectivement fondé à estimer que le lien de confiance nécessaire pour continuer les rapports de travail avec son cadre était rompu et que l’intérêt public au bon fonctionnement du service en écartant le recourant de ses fonctions était prépondérant par rapport à l’intérêt privé du recourant à conserver sa place.
En résumé : La résiliation immédiate des rapports de service d’un fonctionnaire n’ayant pas arrêté la timbreuse à deux reprises, alors qu’il se rendait à des leçons de sport, est certes sévère, mais se tient dans les limites du pouvoir appréciateur de l’employeur. On peut comprendre que ce dernier exigeait une stricte observation des règles par le cadre qui avait lui-même été chargé de la mise en place de ce nouveau système de timbrage.
(Cour de droit public du Tribunal cantonal [NE], arrêt CDP.2023.112 du 09.06.2023)
Me Philippe Ehrenström, avocat, LLM, CAS, Genève et Onnens (VD)