Les infortunes de la redevance radio-télévision

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A entendre les chapeaux à plume de la radio-télévision d’Etat, une diminution, même minime – comme celle que propose le Conseil fédéral, de la redevance aurait des conséquences proprement catastrophiques : licenciements massifs, perte de qualité des programmes, atteintes à l’unité nationale, disparition du débat démocratique, invasion de sauterelles géantes, etc.

A lire le Tribunal administratif fédéral, qui s’est penché sur l’application des dispositions de la redevance applicables aux entreprises, on pourrait être surpris qu’un instrument aussi mal fichu soit paré d’autant de vertus. Il est vrai que le TAF ne tire guère de conséquences pratiques de ses conclusions juridiques, pourtant sans équivoques, et ce au nom de la « sécurité du droit » (sic). Extrait du communiqué de presse :

« Selon le Tribunal administratif fédéral, le tarif dégressif de la redevance de radio-télévision pour les entreprises est anticonstitutionnel. Pour des raisons de sécurité juridique, le tarif actuel reste toutefois applicable jusqu’à la prochaine modification de l’ordonnance.

La Confédération perçoit une redevance auprès de tous les ménages et de toutes les entreprises aux fins d’exécution du mandat de prestations en matière de radio-télévision. Le montant de la redevance est fixé par le Conseil fédéral. En vertu de la loi sur la TVA, la redevance des entreprises se calcule sur la base du chiffre d’affaires mondial total qui est déclaré à l’Administration fédérale des contributions. Les entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à un demi-million de francs sont exonérées de la redevance. Pour les autres, le Conseil fédéral a introduit au 1er janvier 2021 un nouveau tarif échelonné comportant 18 niveaux, le Tribunal administratif fédéral (TAF) ayant qualifié le tarif précédent d’anticonstitutionnel dans un arrêt rendu en 2019. Conformément au droit en vigueur, des entreprises peuvent aussi se regrouper en vue de payer la redevance collectivement en une fois (groupes d’assujettissement), pour autant que le groupe comprenne au minimum 30 entreprises et soit placé sous une direction unique. À la suite de recours de quatre entreprises, le TAF s’est à nouveau penché sur le tarif de la redevance des entreprises et a en outre examiné les groupes d’assujettissement prévus dans l’ordonnance.

Le tarif doit en principe être progressif

Selon le TAF, le système tarifaire [de la redevance pour les entreprises] est toujours dégressif et viole le principe de l’égalité de traitement. Il est donc anticonstitutionnel. Après avoir analysé les 18 tranches du tarif, le tribunal constate que la charge fiscale relative diminue sur l’ensemble du tarif, jusqu’à la tranche 17. Même avec le nouveau tarif, les plus petites entreprises subissent donc une charge fiscale relative beaucoup plus lourde que les entreprises qui réalisent un chiffre d’affaires élevé. Le Conseil fédéral a prévu de réexaminer les tarifs tous les deux ans. Pour garantir la sécurité du droit et en vertu du principe de proportionnalité, les décisions attaquées ne sont donc pas annulées et les montants de la redevance d’entreprise 2021 qui y sont fixés restent dus. Compte tenu de la structure tarifaire actuelle de la redevance des entreprises ancrée dans la loi, le TAF recommande toutefois au Conseil fédéral d’envisager la mise en place d’une structure progressive ou en partie linéaire lors du prochain examen du tarif.

Les groupes d’assujettissement sont illicites

S’agissant des groupes d’assujettissement, qui doivent comprendre au moins 30 entreprises, le tribunal parvient à la conclusion qu’ils ne sont pas conformes à la loi et à la Constitution. Premièrement, le TAF estime que la base légale est insuffisante et, deuxièmement, que le nombre minimum de 30 entreprises est un seuil fixé de manière arbitraire, dont seules quelques entreprises peuvent bénéficier. »

L’arrêt du TAF A-4741/2021 du 8 novembre 2023 est susceptible de recours au Tribunal fédéral.

Communiqué de presse : https://www.bvger.ch/media-releases/7d7898a2-0ac3-4474-a101-8a6bd09d7939/fr/mm_a-4741-2021_fr_web.pdf

Arrêt : https://www.bvger.ch/media-releases/7d7898a2-0ac3-4474-a101-8a6bd09d7939/fr/a-4741-2021_web.pdf

Me Philippe Ehrenström, avocat, LLM, CAS, Genève et Onnens (VD)

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About Me Philippe Ehrenström

Ce blog présente certains thèmes juridiques en Suisse ainsi que des questions d'actualité. Il est rédigé par Me Philippe Ehrenström, avocat indépendant, LL.M., Yverdon-les-Bains
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