
La LSTE
Lors de sa séance du 29 novembre 2023, le Conseil fédéral a adopté le message concernant la loi fédérale sur la surveillance et la transparence des marchés de gros de l’énergie (LSTE), qui devrait remplacer la loi fédérale sur des aides financières subsidiaires destinées au sauvetage des entreprises du secteur de l’électricité d’importance systémique (LFiEl ; FF 2022 1183). La LFiEl permettait aux entreprises suisses du secteur de l’électricité d’importance systémique de bénéficier de prêts. Il s’agissait d’une loi urgente mise en œuvre en raison de la forte volatilité des prix sur les marchés européens de l’énergie depuis 2021, et qui cessera de s’appliquer fin 2026.
La LSTE s’adresse aux participants du marché suisse et européen, et concerne, d’une part, les entreprises qui opèrent dans le négoce de gros de l’électricité ou du gaz (y compris le transport) et, d’autre part, les très grands consommateurs finaux. Ces acteurs devront s’enregistrer auprès de l’ElCom, communiquer à cette dernière les informations nécessaires à la surveillance du marché concernant leurs transactions et leurs ordres sur des produits énergétiques de gros suisses ainsi que les données fondamentales de leurs installations (participants au marché suisse) et, enfin, publier les informations privilégiées (idem). Les participants au marché européen devant quant à eux communiquer à l’ElCom seulement les informations fournies aux autorités de surveillance de l’UE.
En cas de comportement de marché illicite (qui doivent être intentionnels) ou de violations des obligations découlant de la LSTE, l’ElCom pourra prendre des mesures de surveillance visant à rétablir l’ordre légal et à prévenir de futures infractions. L’ElCom pourra également prononcer des sanctions administratives. Le non-respect d’une décision de l’ElCom pourra être sanctionnée par une amende (art. 43). Les comportements de marchés illicites pourront quant à eux faire l’objet de sanctions pénales ensuite de procédures diligentées par le Ministère public de la Confédération (cela concerne : art. 39 exploitation et divulgation d’informations privilégiées ; art. 40 manipulation du marché ; art. 41 fausses informations).
Selon le Conseil fédéral, avec la LSTE l’ElCom sera mieux à même d’évaluer les risques liés aux marchés de l’électricité et du gaz ainsi que la liquidité de ses acteurs et pourrait ainsi remplir de manière plus efficace ses tâches de surveillance.
Un REMIT helvétique
Les normes de la LSTE sont très largement inspirées de celles en vigueur dans l’Union européenne (Règlement (UE) n ° 1227/2011 concernant l’intégrité et la transparence du marché de gros de l’énergie [REMIT] et Règlement d’exécution (UE) no 1348/2014 du 17 décembre 2014), lesquelles s’appliquent d’ailleurs déjà aux entreprises suisses en lien avec le marché européen dans leurs rapports avec les autorités de surveillance européennes. Elles doivent ainsi fournir des informations similaires aux autorités européennes, et les transmettent également à l’ElCom.
La LSTE introduirait donc un système largement équivalent à celui de l’UE, d’ailleurs décrit comme « indispensable » en cas d’accord futur avec l’UE sur l’énergie. Les dispositions de la LSTE sont donc harmonisées avec le REMIT mais, à ce stade, elles n’impliquent pas (encore) une intégration dans le marché intérieur de l’UE ni une collaboration au niveau de la surveillance du marché.
Et ensuite ?
On relèvera que le LSTE s’inscrit dans la (longue) liste des questions encore ouvertes dans le cadre des rapports entre la Suisse et l’UE : décision d’adéquation en matière de protection des données, marchés financiers, recherche, etc. dont certaines sont largement débattues.
Cela étant dit la majorité des participants à la procédure de consultation a soutenu l’idée d’une loi se tenant à la mise en œuvre d’un REMIT helvétique, le secteur du gaz émettant toutefois des réserves quant à l’applicabilité de la LSTE avant l’entrée en vigueur d’une loi fédérale sur l’approvisionnement en gaz. Le projet de loi semble donc susciter un certain consensus dans les milieux de l’énergie et devrait être approuvé.
Un autre projet de loi, encore en préparation, devrait traiter des tâches organisationnelles concernant la gestion des risques, la liquidité, et la dotation en capital des entreprises, ainsi que la gestion de la continuité des affaires, et ce toujours dans le contexte du remplacement de la LFiEl.
(Devrait paraître dans Europ’ Energies sous une forme corrigée en février 2024)
Me Philippe Ehrenström, avocat, LLM, Genève et Onnens (VD)