L’avocat peut-il partir aller skier?

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Le recourant reproche à l’autorité précédente de ne pas avoir tenu compte de son complément de recours du 3 février 2023. 

Il expose tout d’abord que l’ordonnance de non-entrée en matière lui aurait été notifiée le 20 décembre 2022, à savoir en pleine période de féries judiciaires et juste avant les vacances de fin d’année, et que le délai de recours arrivait à échéance le 30 décembre 2022, en pleines vacances, de sorte qu’il n’aurait eu qu’un délai de 10 jours pour faire valoir ses arguments. Il reproche au Ministère public d’avoir rendu son ordonnance durant cette période et de ne pas avoir attendu la reprise pour la notifier.

Le recourant ajoute qu’il n’aurait jamais eu accès au dossier avant la notification de l’ordonnance de non-entrée en matière, que, durant le délai de recours, l’obtention d’une copie du dossier aurait été pratiquement impossible, au vu de la réduction des horaires du greffe du Ministère public durant la période concernée, et qu’il ne lui aurait dès lors pas été possible d’en prendre connaissance et d’en discuter avec son conseil avant l’échéance du délai de recours. Il considère dès lors qu’il aurait été placé dans « une situation de faiblesse manifeste » par rapport à la partie adverse, à savoir le Ministère public.

Il y a tout d’abord lieu de rappeler que, d’une part, les délais légaux ne sont pas prolongeables (art. 89 al. 1 CPP) et que, d’autre part, la procédure pénale ne connaît pas de féries judiciaires (cf. art. 89 al. 2 CPP). Ainsi, le Ministère public n’avait ni la possibilité de prolonger le délai de recours, ni l’obligation d’attendre la fin de la période des vacances de fin d’année pour rendre son ordonnance de non-entrée en matière. Ainsi, les reproches formulés à cet égard au sujet de la notification de l’ordonnance de non-entrée en matière par le Ministère public – feraient-ils l’objet de l’arrêt attaqué – sont vains. La notification durant la période des fêtes (le 20 décembre 2022) ne saurait justifier en soi le dépôt – hors délai (cf. art. 396 al. 1 CPP) – de l’acte de recours complémentaire du 3 février 2023.

Par ailleurs, il importe peu, comme l’allègue le recourant, que l’étude de son conseil ait été particulièrement chargée durant cette période, dès lors qu’il appartenait à ce dernier de s’organiser en conséquence afin de pouvoir assurer, en temps utile, la défense des intérêts de son client (cf. arrêt 6B_16/2022 du 26 janvier 2023 consid. 1.1, destiné à la publication, et les arrêts cités). On rappelle en outre que le Ministère public n’a pas l’obligation d’interpeller le prévenu avant de rendre son ordonnance de non-entrée en matière, l’art. 318 al. 1 CPP n’étant dans ce cas de figure pas applicable (cf. arrêt 6B_382/2022 du 12 septembre 2022 consid. 2.1.2). 

Ensuite, selon le recourant, le recours complémentaire du 3 février 2023 serait également recevable au motif que son conseil n’aurait pas eu la possibilité de consulter le dossier à temps. Son conseil s’est vu notifier l’ordonnance querellée le 20 décembre 2022, de sorte que le délai de recours est arrivé à échéance le 30 décembre 2022, date à laquelle le recourant a adressé son mémoire de recours à l’autorité précédente. Or, le recourant se contente, comme on l’a vu, d’indiquer que l’obtention d’une copie du dossier était « quasiment impossible », ou « à tout le moins extrêmement compliquée », en raison de la réduction des horaires du greffe du Ministère public et des absences de celui-ci. Il ne prétend ainsi pas que cette autorité aurait été fermée durant l’intégralité du délai de recours. On ne saurait donc considérer que le recourant se serait retrouvé, en raison des horaires – certes peut-être restreints – du greffe du Ministère public, dans l’impossibilité d’aller consulter le dossier durant le délai de recours, étant précisé qu’au regard de la nature de l’ordonnance à l’origine de la présente cause, le volume du dossier correspondant ne devait pas être considérable.

Ainsi, faute pour le recourant d’avoir démontré une réelle impossibilité matérielle d’aller consulter le dossier au greffe du Ministère public ou d’en obtenir, par l’intermédiaire de son avocat, une copie, le prétendu défaut d’accès au dossier avant l’échéance du délai de recours (le 30 décembre 2022) ne justifie pas non plus le dépôt hors délai du mémoire de recours complémentaire du 3 février 2023. Ces considérations suffisent pour écarter la violation du droit à un procès équitable invoquée par le recourant en lien avec cette problématique. (…)

Pour le surplus, le recourant se plaint à tort du fait que la cour cantonale ne l’a pas informé que la cause était gardée à juger. Il perd en effet de vue que la procédure de recours est en principe écrite et que l’autorité de recours peut statuer sans échange d’écritures si le recours est manifestement irrecevable ou, comme dans le cas d’espèce, mal fondé (cf. art. 390 al. 2 et 5 et 397 al. 1 CPP; arrêt 1B_260/2023 du 16 juin 2023 consid. 2 et l’arrêt cité). De plus, dans la mesure où elle était habilitée à ne pas entrer en matière sur le complément de recours du 3 février 2023, l’autorité précédente pouvait statuer sans attendre.

(Arrêt du Tribunal fédéral 7B_84/2023 du 27 septembre 2023, consid. 2.3)

NB: pour avoir dû moi-même courir après la copie d’un dossier entre Noël et Nouvel-An qui m’attendait soi-disant au Parquet, je comprends très bien la frustration de mes Confrères… Cela étant dit, Dura lex etc. comme nous le rappelle régulièrement le Tribunal fédéral.

Me Philippe Ehrenström, avocat, LLM, CAS, Genève et Onnens (VD)

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About Me Philippe Ehrenström

Ce blog présente certains thèmes juridiques en Suisse ainsi que des questions d'actualité. Il est rédigé par Me Philippe Ehrenström, avocat indépendant, LL.M., Yverdon-les-Bains
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