Harcèlement sexuel : devoirs de l’employeur

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Le harcèlement sexuel sur le lieu de travail constitue non seulement une atteinte à la personnalité et à la santé du travailleur mais également une forme de discrimination fondée sur le sexe dans les rapports de travail interdit par la loi sur l’égalité. Celle-ci prohibe en effet le harcèlement sexuel, lequel est défini comme tout comportement importun de caractère sexuel ou tout autre comportement fondé sur l’appartenance sexuelle, qui porte atteinte à la dignité de la personne sur son lieu de travail, en particulier le fait de proférer des menaces, de promettre des avantages, d’imposer des contraintes ou d’exercer des pressions de toute nature sur une personne en vue d’obtenir d’elle des faveurs de nature sexuelle (art. 4 LEg).

Aux termes de l’art. 5 al. 3 LEg, lorsque la discrimination porte sur un cas de harcèlement sexuel, le tribunal ou l’autorité administrative peuvent condamner l’employeur à verser au travailleur une indemnité, à moins que l’employeur ne prouve qu’il a pris les mesures que l’expérience commande, qui sont appropriées aux circonstances et que l’on peut équitablement exiger de lui pour prévenir ces actes ou y mettre fin. L’indemnité est fixée compte tenu de toutes les circonstances et calculée sur la base du salaire moyen suisse. Cette disposition crée une responsabilité objective à charge de l’employeur. Il ne s’agit pas d’une indemnité pour dommages-intérêts ni d’une réparation morale mais d’un droit supplémentaire, lequel permet au juge de condamner l’employeur à verser au travailleur une indemnité, indépendamment du préjudice subi. En effet, l’indemnité prévue à l’art. 5 al. 3 LEg a un caractère punitif et vise à rendre un manque de prévention du harcèlement sexuel économiquement inintéressant pour les entreprises (arrêt TF 8C_74/2019 du 21 octobre 2020 consid. 3.3.1).

Pour ne pas être condamné au versement de l’indemnité prévue à l’art. 5 al. 3 LEg, l’employeur doit prouver qu’il a rempli son devoir de diligence. La loi ne mentionne pas quelles sont les mesures concrètes que l’employeur doit prendre et les exigences varient suivant la situation et la taille de l’entreprise. Les mesures générales de prévention telles que des directives de l’employeur restent néanmoins essentielles, au même titre qu’une intervention concrète et proportionnée en présence d’un cas de harcèlement sexuel (arrêts TF 8C_74/2019 du 21 octobre 2020 consid. 3.3.4; 4C.289/2006 du 5 février 2007 consid. 4.1). En effet, selon le Bureau fédéral de l’égalité entre femmes et hommes et le Secrétariat d’Etat à l’économie (ci-après: SECO), la base de la prévention du harcèlement sexuel réside dans l’établissement d’un document interdisant aux travailleurs tout comportement allant dans ce sens (arrêt TAF A-7843/2016 du 3 décembre 2018 consid. 7.1.2).

La responsabilité de l’employeur peut être engagée lorsqu’il connaît ou aurait dû connaître l’atteinte dont a été victime le travailleur. De même, lorsqu’il ne donne pas d’instructions pour prévenir le harcèlement sexuel ou qu’il n’intervient pas pour remédier à une situation de harcèlement, ou pas de manière adéquate, l’employeur n’adopte pas un comportement diligent et peut engager sa responsabilité en vertu de l’art. 5 al. 3 LEg (arrêt TAF A-7843/2016 du 3 décembre 2018 consid. 7.3). Le travailleur doit donc informer l’employeur de l’atteinte subie afin de lui donner la possibilité de prendre les mesures appropriées et de s’exonérer de sa responsabilité (arrêt TF 8C_74/2019 du 21 octobre 2020 consid. 3.3.4). En principe, si l’employeur prouve qu’il a agi au moyen de la prévention et, le cas échéant, réagi de manière adéquate dans les circonstances du cas concret, l’on peut considérer qu’il a rempli son devoir de diligence et qu’il ne peut être condamné au versement d’une indemnité au sens de l’art. 5 al. 3 LEg. Sa responsabilité à raison des actes de ses organes (art. 55 CC) ou auxiliaires (art. 55 et 101 CO) demeure toutefois réservée (arrêts TF 4A_473/2013 du 2 décembre 2013 consid. 3.3; 4A_128/2007 du 9 juillet 2007 consid. 3.3)

(Arrêt de la Ière Cour administrative du Tribunal cantonal [FR] 601 2023 17 du 19.02.2024, consid. 3.1)

Me Philippe Ehrenström, avocat, LLM, Genève et Onnens (VD)

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About Me Philippe Ehrenström

Ce blog présente certains thèmes juridiques en Suisse ainsi que des questions d'actualité. Il est rédigé par Me Philippe Ehrenström, avocat indépendant, LL.M., Yverdon-les-Bains
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