Portée de l’opposition au congé

L’appelante [l’employeuse] conteste en premier lieu que l’intimée [l’employée] se soit valablement opposée au congé. Elle soutient que l’intimée n’a contesté que les motifs du congé et non la résiliation en soi, ce qui serait insuffisant selon les exigences légales.

En vertu de l’art. 336b al. 1 CO, la partie qui entend demander une indemnité pour résiliation abusive (art. 336 et 336a CO) doit faire opposition au congé par écrit auprès de l’autre partie, au plus tard jusqu’à la fin du délai de congé.

Il ne faut pas poser des exigences trop élevées à la formulation de cette opposition écrite. Il suffit que son auteur y manifeste à l’égard de l’employeur qu’il n’est pas d’accord avec le congé qui lui a été notifié.

L’opposition a pour but de permettre à l’employeur de prendre conscience que son employé conteste le licenciement et le considère comme abusif; elle tend à encourager les parties à engager des pourparlers et à examiner si les rapports de travail peuvent être maintenus. Dans cette perspective, le droit du travailleur de réclamer l’indemnité pour licenciement abusif s’éteint si le travailleur refuse l’offre formulée par l’employeur de retirer la résiliation.

Il n’y a pas d’opposition lorsque le travailleur s’en prend seulement à la motivation de la résiliation, ne contestant que les motifs invoqués dans la lettre de congé, et non à la fin des rapports de travail en tant que telle.

En l’espèce, l’intimée a été licenciée par courrier du 16 août 2021 pour le 31 octobre 2021, délai prolongé au 31 décembre 2021 en raison de son incapacité de travail. Les parties se sont finalement entendues pour mettre un terme aux rapports de travail le 21 novembre 2021 au vu du nouvel emploi trouvé par l’intimée.

Si, dans un premier temps, l’intimée a certes indiqué accepter son licenciement tout en contestant les raisons de celui-ci, elle est toutefois revenue sur sa position après avoir pris conseil auprès d’un avocat. Sous la plume de ce dernier, elle a, par courrier du 22 octobre 2021, contesté les motifs de son licenciement exposant qu’ils étaient fictifs, donnés en raison du fait qu’elle avait usé de sa liberté d’expression, et a fait opposition à son congé qu’elle considérait dès lors comme abusif. Ce faisant, elle a clairement fait part à son employeur qu’elle n’était pas d’accord avec le congé qui lui avait été notifié. Contrairement à ce que soutient l’appelante, elle ne s’est pas contentée de contester les motifs, mais s’est également opposée à la résiliation en tant que telle en s' »opposant au congé ». Les termes et formulations employés (motifs « fictifs », « congé abusif » et « opposition au congé ») sont clairs et expriment sans ambiguïté le fait que l’intimée entendait contester le congé, tant dans ses motifs que dans son principe.

Quoi qu’en dise l’appelante, on ne saurait déduire du fait que l’intimée a cherché un emploi pendant le délai de congé qu’elle n’entendait pas contester la résiliation et la fin des rapports de travail. En effet, au vu des difficultés notoires liées au marché du travail et des incertitudes quant aux possibilités et délais pour retrouver un nouvel emploi, on ne saurait lui faire grief d’avoir agi sans tarder afin d’éviter une période de chômage et les désavantages financiers en découlant.

Enfin, c’est en vain que l’appelante tente de se prévaloir des arrêts du Tribunal fédéral 4A_412/2022 du 11 mai 2023 et 4A_59/2023 du 28 mars 2023 dès lors que ces affaires diffèrent manifestement du cas présent. En effet, contrairement à la présente cause, le travailleur de la première affaire ne s’était pas opposé au congé ; la seconde n’avait à aucun moment porté sur le caractère abusif du congé. 

Par conséquent, l’opposition au congé formée par l’intimée est suffisamment claire et non équivoque pour établir sa volonté de contester la résiliation de son contrat. Quoi qu’il en soit, selon le principe de la confiance, l’appelante ne saurait procéder à une autre interprétation. Formée de surcroît par écrit et pendant le délai de congé, l’opposition est dès lors valable.

Infondé, l’appel sera rejeté sur ce point.

(Arrêt de la Chambre des prud’hommes de la Cour de justice du Canton de Genève CAPH/68/2024 du 06.09.2024, consid. 2)

Me Philippe Ehrenström, avocat, LLM

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Ce blog présente certains thèmes juridiques en Suisse ainsi que des questions d'actualité. Il est rédigé par Me Philippe Ehrenström, avocat indépendant, LL.M., Yverdon-les-Bains
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