Le litige a trait à la déduction de frais d’entretien de l’immeuble des contribuables sis à U.________ (article 564) pour la période fiscale 2019, sous l’angle de l’IFD et de l’ICC. Il porte en particulier sur le point de savoir si le Tribunal cantonal était en droit de nier la déductibilité, pour l’année fiscale 2019, des acomptes versés en 2018 (à hauteur de 38’160 fr.) pour l’installation photovoltaïque.
En ce qui concerne tout d’abord l’IFD, la déductibilité des frais d’entretien immobiliers est régie par l’art. 32 LIFD ([RS 642.11] dans sa version en vigueur jusqu’au 31 décembre 2019, applicable en l’espèce au regard de la période fiscale en cause). Selon l’al. 2 de cette disposition, le contribuable qui possède des immeubles privés peut ainsi déduire de l’impôt les frais nécessaires à leur entretien. En vertu de l’al. 4 de l’art. 32 LIFD, le contribuable peut faire valoir une déduction forfaitaire au lieu du montant effectif des frais et primes se rapportant aux immeubles privés; le Conseil fédéral arrête cette déduction forfaitaire.
Les dispositions d’exécution (cf. art. 32 al. 2, 2e phrase, LIFD) figurent dans l’ancienne ordonnance du 24 août 1992 sur la déduction des frais relatifs aux immeubles privés dans le cadre de l’impôt fédéral direct (en vigueur jusqu’au 31 décembre 2014; RO 1992 I 1792) et dans les ordonnances fédérales du Département fédéral des finances du 24 août 1992 sur les mesures en faveur de l’utilisation rationnelle de l’énergie et du recours aux énergies renouvelables (RS 642.116.1) et de l’Administration fédérale des contributions du 24 août 1992 sur les frais relatifs aux immeubles privés déductibles dans le cadre de l’impôt fédéral direct (dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2019; RS 642.116.2).
L’impôt sur le revenu est fixé et prélevé pour chaque période fiscale (art. 40 al. 2 LIFD). La période fiscale correspond à l’année civile (art. 40 al. 1 LIFD). Le revenu imposable est déterminé d’après les revenus acquis pendant la période fiscale (art. 41 al. 1 LIFD). Selon le principe de la périodicité de l’impôt sur le revenu exprimé à l’art. 41 al. 1 LIFD, un revenu est attribué à la période fiscale au cours de laquelle il a été réalisé.
La délimitation temporelle des dépenses (Zeitpunkt des Abflusses) repose sur les mêmes critères que ceux valables pour les revenus (Zeitpunkt des Zuflusses). Les dépenses sont en principe effectuées au moment où le contribuable est tenu au paiement. En ce qui concerne la déduction des frais d’entretien, est déterminante soit la date du paiement de la facture, soit la date à laquelle est établie la facture (arrêts 2C_456/2017 du 31 octobre 2017 consid. 3.1; 2C_800/2016 du 14 février 2017 consid. 2.2 et les références). Dès lors, il est en principe également possible de faire valoir fiscalement la déduction d’acomptes au moment où ils sont exigibles. En revanche, les purs paiements à l’avance, effectués en dehors de demandes d’acomptes figurant dans une facture, ne sont pas encore déductibles. Des acomptes figurant dans une facture sont en revanche déductibles.
Le Tribunal cantonal a constaté que pour les travaux d’installation photovoltaïque sur le bâtiment, un premier acompte de 21’200 fr. avait été sollicité par une facture du 16 mai 2018 qui avait été payée le 25 juin 2018; un deuxième acompte de 16’960 fr., selon une facture du 19 juin 2018, avait été versé le 9 octobre 2018. La facture, indiquant un solde à payer de 4’714 fr. 35, avait été établie le 31 décembre 2018 et acquittée le 1er avril 2019. Pour les juges cantonaux, le SCC avait refusé à juste titre d’admettre le versement des acomptes de 21’200 fr. et de 16’960 fr. comme frais d’entretien d’immeubles pour la période fiscale 2019, parce que ceux-ci avaient été acquittés en 2018. Selon les juges précédents, cette solution est conforme à la pratique administrative et à la jurisprudence cantonale, selon laquelle c’est la date du paiement qui doit être prise en considération, le choix de la date du paiement se révélant très judicieux puisqu’il a le mérite de prendre en compte les éventuels rabais négociés ultérieurement ou les retenues de garantie, en plus de s’inscrire dans un système cohérent.
Quoi qu’en disent les recourants, en confirmant que la déduction du paiement des acomptes doit être prise en considération pour la période fiscale correspondante, sans attendre le paiement de la facture finale, le Tribunal cantonal a appliqué correctement l’art. 32 al. 2 LIFD sous l’angle du principe de la périodicité et la jurisprudence y relative. C’est le lieu de préciser que si le droit harmonisé ne laisse plus aucune marge de liberté aux cantons s’agissant de la déductibilité des frais d’entretien d’immeubles en tant que telle, les cantons disposent toutefois d’une marge de manœuvre quant au moment déterminant (du paiement ou de l’établissement de la facture) de la déductibilité des frais d’entretien, la LIFD (pas plus que la LHID) ne donnant pas d’indication précise sur ce point.
En l’occurrence, les acomptes ont fait l’objet de factures en 2018, qui équivalaient à la plus grande partie du coût total des travaux, et sont devenus exigibles à ce moment-là; les contribuables les ont payés en 2018. On ne voit pas en quoi la prise en compte des acomptes pour l’année fiscale 2018 constituerait une « exception par rapport à la plupart des autres administrations fiscales cantonales », comme le prétendent les recourants, puisqu’ils se réfèrent aux cantons romands qui appliquent la déduction au moment de la date de l’établissement de la facture par les fournisseurs, et non pas à la date du paiement.
Par ailleurs, les recourants ne sauraient rien tirer en leur faveur du fait que la « Notice spéciale pour la déduction des frais effectifs relatifs aux immeubles privés et des investissements destinés à économiser l’énergie et à ménager l’environnement » (ci-après: la Notice spéciale), édictée par la Direction des finances du canton de Fribourg afin de concrétiser les dispositions légales fédérales et cantonales en la matière ne mentionne pas « la pratique exacte du SCC, selon laquelle les demandes d’acomptes sont déductibles ». Selon le ch. 1 (p. 3) de la Notice spéciale valable dès la période fiscale 2018, « la déduction est accordée sur la base de la date du paiement ». Cette directive est claire dans la mesure où elle indique que c’est la date du paiement (des frais d’entretien) qui est déterminante pour la déduction y relative. Or en l’occurrence, les recourants ont effectué plusieurs paiements successifs des factures qui leur ont été adressées au fur et à mesure de l’avancement des travaux et pouvaient déduire de la Notice spéciale que la date de ces versements était décisive. Ainsi que le fait valoir le SCC, la nature de la facture – par acomptes ou « définitive » – n’est pas déterminante, dès lors qu’elle porte sur les travaux concrètement effectués et ne relève pas d’un « pur paiement à l’avance ». À cet égard, l’avis de doctrine cité par les recourants (MERLINO, loc. cit.), selon lequel les acomptes devraient être assimilés à de « purs paiements à l’avance, effectués en dehors de demandes d’acompte figurant dans une facture » ne peut être suivi. Il suffit de relever que l’auteur se réfère à l’avis de PETER LOCHER, dont on peut déduire – implicitement et a contrario – qu’il admet précisément le contraire (LOCHER, loc. cit.: « Reine Vorauszahlungen und nicht in Rechnung gestellte Akontozahlungen sind somit noch nicht abzugsfähig »). Les acomptes qui sont payés sur la base d’une facture intermédiaire correspondante sont suffisamment déterminés et exigibles comme ils se rapportent directement aux travaux dont les coûts peuvent faire l’objet de la déduction en cause, si bien qu’ils n’ont pas un caractère « trop provisoire, sujet à évolution et pas assez définitif en raison des rabais ou suppléments possibles ». Au demeurant, la juridiction cantonale a relevé de manière convaincante que d’éventuels rabais octroyés dans la facture finale de l’entrepreneur seraient répercutés sur le solde facturé, qui seul pourrait alors être déduit au moment du paiement.
Enfin, le grief tiré d’un abus du pouvoir d’appréciation du SSC n’est pas davantage fondé. Outre que les recourants n’exposent pas en quoi la juridiction cantonale aurait mésusé de manière arbitraire d’un éventuel pouvoir d’appréciation, la pratique cantonale appliquée en l’occurrence par les juges précédents, reposant sur la déduction au moment du paiement de la facture, ne relève pas d’une application arbitraire du droit. C’est en vain que les recourants allèguent avoir souhaité appliquer « la règle et non l’exception » de la date de paiement de la « facture finale sur le montant total de la facture finale ». Une telle règle ne ressort pas des règles légales applicables voire de la Notice spéciale.
Il résulte de ce qui précède que le recours est mal fondé sous l’angle de l’IFD.
La réglementation relative à la déduction forfaitaire des frais d’entretien dans le droit cantonal fribourgeois (cf. art. 33 al. 2 de la loi du 6 juin 2000 du canton de Fribourg sur les impôts cantonaux directs [LICD; rs/RSF 631.1] en lien avec l’art. 9 al. 3 LHID, ainsi que l’art. 64 al. 1 LICD en lien avec les art. 15 et 16 al. 1 LHID) est similaire à celle du droit de l’impôt fédéral direct. Partant, le raisonnement conduit en matière d’IFD peut être appliqué mutatis mutandis à l’ICC de la période fiscale 2019.
Vu l’issue de la procédure, les frais judiciaires y afférents doivent être mis à la charge des recourants (art. 66 al. 1 LTF), qui n’ont pas droit à des dépens (art. 68 al. 1 LTF).
(TF 9C_500/2023 du 16 octobre 2024)
Me Philippe Ehrenström, avocat, LLM
