Nous avons vu qu’à teneur de l’art. 6 § 2 du Règlement (UE) 2024/1689 du Parlement européen et du Conseil du 13 juin 2024 établissant des règles harmonisées concernant l’intelligence artificielle (…) (Règlement sur l’intelligence artificielle ou RIA; https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:32024R1689), et de son annexe III (ch. 4), les systèmes d’IA à haut risque sont notamment les suivants : systèmes d’IA destinés à être utilisés pour le recrutement ou la sélection de personnes physiques, en particulier pour publier des offres d’emploi ciblées, analyser et filtrer les candidatures et évaluer les candidats (let. a) ; et les systèmes d’IA destinés à être utilisés pour prendre des décisions influant sur les conditions des relations professionnelles, la promotion ou le licenciement dans le cadre de relations professionnelles contractuelles, pour attribuer des tâches sur la base du comportement individuel, de traits de personnalité ou de caractéristiques personnelles ou pour suivre et évaluer les performances et le comportement de personnes dans le cadre de telles relations (let. b). Nous avons également vu pourquoi. (Cf. https://droitdutravailensuisse.com/2024/12/18/les-systemes-dintelligence-artificielle-dans-les-ressources-humaines-eu-ai-act-1ere-partie/).
Nous avons également esquissé une des conséquences de cette qualification, qui est le système de gestion des risques de l’art. 9 RIA (https://droitdutravailensuisse.com/2024/12/19/les-systemes-dintelligence-artificielle-dans-les-ressources-humaines-eu-ai-act-2e-partie/).
Petit retour en arrière aujourd’hui pour examiner le champ d’application du RIA :
A teneur de l’article 3 paragraphe 1 RIA, le règlement s’applique notamment aux fournisseurs établis ou situés dans l’Union ou dans un pays tiers qui mettent sur le marché ou mettent en service des systèmes d’IA ou qui mettent sur le marché des modèles d’IA à usage général dans l’Union et aux fournisseurs et aux déployeurs de systèmes d’IA qui ont leur lieu d’établissement ou sont situés dans un pays tiers lorsque les sorties produites par le système d’IA sont utilisées dans l’Union.
Est considéré comme un fournisseur toute personne physique ou morale, autorité publique, agence ou autre organisme qui développe ou fait développer un système d’IA ou un modèle d’IA à usage général et le met sur le marché ou met le système d’IA en service sous son propre nom ou sa propre marque, à titre onéreux ou gratuit (art. 3 point 3 RIA).
Le déployeur est, quant à lui, une personne physique ou morale, une autorité publique, une agence ou un autre organisme utilisant sous sa propre autorité un système d’IA sauf lorsque ce système est utilisé dans le cadre d’une activité personnelle à caractère non professionnel (art. 3 point 4 RIA).
Le système d’IA est un système automatisé qui est conçu pour fonctionner à différents niveaux d’autonomie et peut faire preuve d’une capacité d’adaptation après son déploiement, et qui, pour des objectifs explicites ou implicites, déduit, à partir des entrées qu’il reçoit, la manière de générer des sorties telles que des prédictions, du contenu, des recommandations ou des décisions qui peuvent influencer les environnements physiques ou virtuels (art. 3 point 1 RIA).
Le modèle d’IA à usage général est un modèle d’IA, y compris lorsque ce modèle d’IA est entraîné à l’aide d’un grand nombre de données utilisant l’auto-supervision à grande échelle, qui présente une généralité significative et est capable d’exécuter de manière compétente un large éventail de tâches distinctes, indépendamment de la manière dont le modèle est mis sur le marché, et qui peut être intégré dans une variété de systèmes ou d’applications en aval, à l’exception des modèles d’IA utilisés pour des activités de recherche, de développement ou de prototypage avant leur mise sur le marché (art. 3 point 63 RIA). En d’autres termes, les modèles d’IA sont généralement intégrés dans un système d’IA, car ils ont besoin d’autres composants, tels une interface utilisateur p.ex. (RIA, consid. 97). Le caractère « général » d’un modèle d’IA peut, entre autres, être déterminé par le nombre de paramètres. Les grands modèles d’IA génératifs sont des exemples typiques d’un « modèle d’IA à usage général » (RIA, consid. 99).
Le RIA a donc un large champ d’application couvrant non seulement les acteurs au sein de l’UE, mais aussi ceux qui sont en dehors si leurs systèmes d’IA affectent des personnes dans l’UE ou si des résultats générés par des systèmes d’IA localisés en dehors de l’UE sont utilisés dans l’UE. A l’instar du RGPD, le règlement sur l’intelligence artificielle a donc une portée extraterritoriale significative.
A cela s’ajoute que les systèmes d’IA utilisés dans les ressources humaines sont des outils complexes, qui ne peuvent être développés que pour le marché suisse. En d’autres termes, le RIA risque bien, comme le RGPD, de devenir une sorte de standard de facto pour ce genre de RH Techs.
Me Philippe Ehrenström, avocat, LLM
