La compensation en procédure de mainlevée

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La recourante reproche à l’autorité cantonale d’avoir arbitrairement retenu qu’elle n’a pas rendu vraisemblable le moyen libératoire tiré de la compensation. Elle allègue avoir  » bien revendiqué la compensation  » et l’avoir  » justifiée au travers des pièces produites lors de l’audience du 6 février 2023 « .

 Conformément à l’art. 82 al. 2 LP, le poursuivi peut faire échec à la mainlevée provisoire de l’opposition en rendant immédiatement vraisemblable sa libération. Il peut se prévaloir de tous les moyens de droit civil – exceptions ou objections – qui infirment la reconnaissance de dette, notamment la compensation. A cet égard, il lui incombe de rendre vraisemblable l’existence, le montant et l’exigibilité de la créance compensante ainsi que le montant exact à concurrence duquel la dette serait éteinte. Il ne peut pas se contenter d’alléguer l’existence d’une créance envers le poursuivant pour rendre vraisemblable cette prétention et opposer valablement l’objection de compensation; de simples affirmations ne sont pas suffisantes. Les preuves produites par le débiteur poursuivi doivent rendre vraisemblable le fait libératoire. Le juge de la mainlevée doit statuer en se basant sur des éléments objectifs; il n’a pas à être persuadé de l’existence des faits allégués; il suffit qu’il acquière l’impression que les faits pertinents se sont produits, sans pour autant devoir exclure la possibilité qu’ils aient pu se dérouler autrement.

La Chambre civile a retenu qu’en première instance, la débitrice poursuivie avait relevé qu’à la suite d’un problème de qualité de la marchandise visée par la facture n o 78 du 31 juillet 2020, il y avait d’abord eu un accord de remise, qui s’était concrétisé par la note de crédit émise le 20 novembre 2020 par la créancière, mais que finalement le client final destinataire de la marchandise avait élevé une contestation. La débitrice s’était référée à cet égard, sans autres explications, à une réclamation du 14 juin 2021 d’une (ou deux) société (s) russe (s) et ne s’était exprimée ni sur le principe, ni sur l’exigibilité, ni sur le montant de la créance compensante. L’autorité cantonale a jugé que, sur la base des affirmations vagues de la poursuivie, le tribunal de première instance ne pouvait que considérer que le moyen libératoire de la compensation n’avait pas été rendu vraisemblable. 

Le grief de la recourante a trait à la question de savoir si, contrairement à ce que retient l’arrêt entrepris, elle a rendu vraisemblable son moyen libératoire déduit de la compensation. Ce point ressortit à l’appréciation des preuves. Si la Chambre civile a admis que la débitrice a soulevé l’objection de compensation en première instance, elle a jugé  » vagues  » les  » affirmations  » de cette dernière sur la créance compensante. Elle a relevé que, s’agissant de la contestation élevée par le client final destinataire de la marchandise, la poursuivie s’était référée,  » sans autres explications « , à une réclamation du 14 juin 2021 d’une (ou deux) société (s) russe (s) (pièce 24) et qu’elle ne s’était exprimée ni sur le principe, ni sur l’exigibilité, ni sur le montant de la créance compensante. La recourante ne démontre pas en quoi, ce faisant, l’autorité cantonale serait tombée dans l’arbitraire. Elle se réfère en effet à plusieurs pièces déposées lors de la séance de mainlevée, notamment les pièces 13 à 15 et 20 à 23 qui, de son point de vue, étaient propres à établir l’existence et le montant du dommage résultant de la livraison de la marchandise défectueuse ainsi que la contestation y relative. Il ne résulte toutefois pas du procès-verbal du 6 février 2023 qu’elle se soit prévalue de ces moyens de preuve ni qu’elle ait allégué les faits pertinents correspondants. Alors même que le fardeau de l’allégation et de la preuve des faits constitutifs de la compensation lui incombait, la recourante ne saurait prétendre que les autorités précédentes auraient fait preuve d’une  » désinvolture inacceptable  » en ne les recherchant pas de leur propre chef dans les nombreuses pièces produites. Les mêmes considérations s’imposent lorsqu’elle affirme que les éléments constitutifs de la compensation auraient pu être déduits, au moyen  » d’une opération arithmétique d’une grande simplicité « , de la pièce 19 à laquelle le procès-verbal renvoyait et qui faisait état,  » au travers d’un tableau excel « , d' » un décompte détaillé du montant pour lequel ladite compensation [était] revendiquée, ledit tableau contenant par ailleurs un renvoi (très) précis, pour chaque écriture, à la pièce contenue dans le Bordereau « . Dans ces conditions, le grief de la recourante doit être rejeté. 

(Arrêt du Tribunal fédéral 5A_457/2023 du 16 novembre 2023, consid. 4)

Me Philippe Ehrenström, avocat, LLM, CAS, Genève et Onnens (VD)

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