L’employé qui prépare une activité future pendant le délai de préavis viole-t-il son obligation de fidélité ?

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A teneur de l’art. 321 a al. 1 CO, le travailleur sauvegarde fidèlement les intérêts légitimes de l’employeur. En particulier, il ne doit pas, pendant la durée du contrat, accomplir du travail rémunéré pour un tiers ou, d’une façon générale, faire concurrence à l’employeur. La norme contient une obligation de ne pas faire (Unterlassungspflicht).

Il découle de sa finalité que la disposition prohibe, entre autres, le fait, pour un travailleur, de déployer durant les rapports de travail, en violation des intérêts légitimes de l’employeur, une activité concurrente sur une base indépendante ; en principe, cette règle s’applique également lorsque, durant le préavis, le travailleur a été libéré.

Ne contrevient pas à l’art. 321 a CO le travailleur qui entreprend, alors qu’il est encore sous contrat avec son actuel employeur, de simples préparatifs en vue de se mettre à son compte.

Sont notamment considérés comme préparatifs admissibles (cf. Räber, Das nachvertragliche Konkurrenzverbot im Arbeitsvertrag, Zurich, 2020, p. 50):

– la fondation d’une société ou la création d’une raison individuelle et l’inscription au Registre du commerce ;

– la préparation de prospectus et matériel de publicité – sans les mettre en circulation ;

– la conclusion d’un bail commercial pour l’entreprise à venir ;

– l’enregistrement d’une adresse Internet et d’une adresse e-mail ;

– le recrutement de personnel, pour autant qu’il ne s’agit pas de personnel débauché de l’employeur.

A cette liste non-exhaustive l’on peut ajouter la conclusion de contrats de fourniture de biens et de services avec des clients non débauchés de l’employeur – contrats qui ne seront exécutés qu’une fois les rapports de travail terminés. En effet, à la différence de l’art. 340 CO, l’art. 321 a CO ne semble pas contenir une interdiction de conclure également ce type de contrats pendente contractu laboris (« Abschlussverbot », Cotti, Das vertragliche Konkurrenzverbot Fribourg, 2001, p. 162).

En l’espèce, il a été établi que l’intimé avait commencé à concurrencer activement l’appelante avant la fin des rapports de travail, c’est-à-dire avant le 31 août 2019. En effet, le 6 juillet 2019, il avait exécuté deux types de travaux de nettoyage rémunérés, dans le segment de l’employeur, pour E______ SA, et ce pour un montant total de Fr. 600.-

Ce faisant l’intimé a gravement violé son devoir de fidélité. Le fait qu’il ait effectué ce travail un samedi, soit en dehors du temps de travail, et que la rémunération obtenue ait été modique, importe peu ; il en va du principe. Il est allé trop loin. L’incartade, eût-elle été découverte « à temps », aurait [d’ailleurs] justifié son licenciement immédiat (art. 337 CO).

(Arrêt de la Chambre des prud’hommes de la Cour de justice [GE] CAPH/131/2023 du 13.12.2023, consid. 3)

Me Philippe Ehrenström, avocat, LLM, CAS, Genève et Onnens (VD)

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