
A.X.________, née en 1961, est autorisée à pratiquer en qualité de pharmacienne sous sa propre responsabilité dans le canton de Neuchâtel depuis 2003. Pendant près de dix-neuf ans, elle a exercé sa fonction conjointement avec son époux auprès de la pharmacie C.________ à Z.________(NE), exploitée par la société D.________ SA. Par courriel du 3 novembre 2021, cette dernière a informé la pharmacienne cantonale qu’elle avait dû se séparer le jour même de A.X.________ et B.X.________ avec effet immédiat. La pharmacienne cantonale a prié les époux de préciser les raisons pour lesquelles ils avaient quitté la pharmacie (courrier du 15.11.2021). Ceux-ci ont répondu que la fin des rapports de travail était liée à un désaccord intervenu sur la façon de gérer administrativement la pharmacie (courrier du 04.02.2022) et ont transmis une copie de la convention de départ signée par les parties le 3 février 2022 pour solde de tout compte. Ils faisaient également savoir que A.X.________ officierait en tant que pharmacienne dans un établissement hors canton dès le 1er mars suivant.
Estimant qu’un licenciement immédiat laissait supposer la commission d’une faute grave et que le courrier des intéressés restait évasif sur ce point, la pharmacienne cantonale a annoncé l’ouverture d’une procédure disciplinaire et administrative à leur encontre (courriers des 10.02.2022 et 11.02.2022) et a invité D.________ SA à exposer de manière précise et circonstanciée les motifs du licenciement (courrier du 11.02.2022). L’ancien employeur a indiqué que le licenciement était intervenu suite à la découverte de manipulations illicites ou non-conformes dans le cadre de la facturation aux assurances maladie (courrier du 25.02.2022). (…) Il précisait que les époux ne s’étaient pas enrichis personnellement et que la société n’avait subi aucun dommage financier. Un arrangement à l’amiable avait été conclu afin d’éviter une procédure longue, couteuse et au résultat incertain. Dans des déterminations spontanées (courrier du 11.04.2022), les époux ont contesté avoir facturé en code générique LiMa du matériel non pris en charge. Ils se sont expliqué sur les autres reproches formulés, admettant avoir contrevenu à certaines règles professionnelles par la poursuite de pratiques instaurées avant leur arrivée à la pharmacie. En substance, ils soulignaient n’avoir tiré aucun avantage personnel de leurs agissements, avoir enregistré les transactions en complète transparence dans le système de facturation, avoir remboursé les caisses maladie à hauteur de leurs prétentions et ne pas avoir mis en danger la santé publique.
Dans ce contexte, le service de la santé publique (ci-après : service) a considéré que les faits reprochés pouvaient être constitutifs d’infractions pénales et a dénoncé le cas au ministère public (courrier du 05.07.2022). Les intéressés ont été avisés de la suspension de la procédure administrative et disciplinaire jusqu’à droit connu au pénal (courrier du 07.07.2022). La procédure ouverte par le ministère public (MP.2022.3593) s’est soldée par une ordonnance de non-entrée en matière à l’égard des deux époux (ordonnance du 30.01.2023). Aucune infraction pénale n’a été retenue à l’encontre de B.X.________. Quant aux faits admis par A.X.________, la procureure a retenu qu’ils étaient constitutifs d’escroquerie et de faux dans les titres. A mesure qu’elle avait perdu son emploi, fait perdre l’emploi de son mari et qu’elle avait réparé la totalité des prétentions émises par les assurances lésées, il convenait néanmoins de faire application de l’article 53 CP qui permet à l’autorité compétente de renoncer à toute poursuite en cas de réparation et de l’article 54 CP qui permet également de renoncer à toute poursuite lorsque l’auteur a été directement atteint par les conséquences de son acte. Sur cette base, les intéressés ont requis la clôture de la procédure administrative et disciplinaire (courrier du 03.02.2023). La pharmacienne cantonale a objecté que l’ordonnance de non-entrée en matière n’impliquait pas, en soi, une clôture de cette procédure et justifiait au contraire sa reprise (courrier du 07.03.2023). Une copie complète du dossier pénal a été transmise au service en date du 13 mars 2023.
Dans un courriel du 27 juin 2023, l’entreprise E.________ AG a informé la pharmacienne cantonale que A.X.________ reprendrait la responsabilité de la pharmacie F.________ à Z.________ à partir du 1er août 2023. Le 10 juillet suivant, la pharmacienne a accusé réception du changement de responsable et spécifié qu’une confirmation écrite de l’intéressée était nécessaire pour modifier l’autorisation d’exploiter. C’est ce que cette dernière a fait dans un courriel du même jour. L’ancien pharmacien gérant a par la suite confirmé le changement de gérance et son renoncement depuis le 1er août 2023 (courriel du 23.08.2023).
Par courriers séparés du 31 août 2023, la pharmacienne cantonale a sollicité des renseignements auprès des assurances lésées et a informé D.________ SA qu’elle entendait auditionner deux de ses collaborateurs en qualité de témoins le 21 septembre suivant. Le 1er septembre 2023, elle a avisé l’intéressée de son intention de faire application de l’article 43 al. 4 LPMéd et d’assortir son autorisation de pratiquer d’une charge lui interdisant, à titre de mesures provisionnelles, d’assumer la responsabilité d’une pharmacie. Invitée à exercer son droit d’être entendue, l’intéressée a contesté l’existence d’un risque de récidive et défendu le caractère disproportionné de la mesure envisagée (courrier du 22.09.2023). Par décision du 16 octobre 2023, le département des finances et de la santé (ci-après : DFS) a soumis à titre provisionnel l’autorisation délivrée à l’intéressée le 12 février 2003 à la condition que celle-ci n’assume pas la fonction de pharmacienne-responsable au sein d’une pharmacie, ni le remplacement d’une personne en charge d’une telle fonction, et a retiré l’effet suspensif à un éventuel recours. Il a retenu en substance que la mesure envisagée reposait sur deux bases légales suffisantes et qu’elle poursuivait un intérêt public en ce qu’elle tendait à préserver les ressources publiques dédiées à la santé et à garantir l’efficacité du système de santé. La mesure apparaissait en outre proportionnée au but visé, car elle n’empêchait pas l’intéressée d’exercer sa profession. (…)
Aux termes de l’article 27 al. 1 LPJA, les décisions incidentes rendues avant la décision finale peuvent faire l’objet d’un recours si elles sont de nature à causer un grave préjudice, c’est-à-dire un préjudice irréparable (…).
La notion de préjudice irréparable doit être interprétée restrictivement. (…), un préjudice ne peut être qualifié d’irréparable au sens de l’article 93 al. 1 let. a LTF que s’il cause un inconvénient de nature juridique; tel est le cas lorsqu’une décision finale, même favorable à la partie recourante, ne le ferait pas disparaître entièrement. En revanche, un dommage économique ou de pur fait, tel que l’accroissement des frais de la procédure ou la prolongation de celle-ci, n’est pas considéré comme un préjudice irréparable de ce point de vue. Il incombe à la partie recourante d’indiquer de manière détaillée en quoi elle se trouve menacée d’un préjudice juridique irréparable, à moins que celui-ci saute sans autre aux yeux. Le Tribunal fédéral a déjà eu l’occasion de juger que les mesures provisionnelles qui avaient pour effet d’interdire une activité économique, sans qu’il soit possible d’y remédier ultérieurement, causaient un dommage irréparable (arrêt du TF du 27.02.2014 [2C_1161/2013] cons. 1.2 relatif à l’interdiction d’exercer l’activité de valet de parking sur le site de l’aéroport de Genève).
En l’espèce, la décision attaquée est une décision incidente au sens de l’article 27 LPJA et ne peut faire l’objet d’un recours séparé qu’à la condition d’exposer l’intéressée à un préjudice irréparable. En ce qu’elle lui interdit d’exercer pendant toute la durée de la procédure disciplinaire sa profession de pharmacienne en qualité de responsable, fonction qu’elle exerce depuis plus de vingt ans, et qu’elle l’empêche de facto de continuer à assumer le poste qu’elle occupe depuis le 1er août 2023 auprès de la pharmacie F.________ à Z.________, il est évident que la décision entreprise porte atteinte à la liberté économique de la recourante au sens de l’article 27 Cst. féd. (ce que l’intimé admet expressément dans la partie « bien-fondé de la décision entreprise » des observations sur le recours). Il ne s’agit ainsi pas d’un dommage purement financier. Or, cette atteinte ne pourrait pas être réparée ultérieurement dans le cadre d’une décision finale, même favorable à la recourante. Celle-ci a dès lors un intérêt digne de protection à ce que la décision incidente soit immédiatement annulée ou modifiée, sans attendre le recours ouvert contre la décision finale. Il convient donc de retenir que la décision litigieuse l’expose à un préjudice irréparable, avec pour conséquence que le recours est recevable de ce point de vue également.
Les règles régissant l’exercice des professions médicales universitaires sous propre responsabilité professionnelle sont établies par la LPMéd (art. 1 al. 3 let. e). Les pharmaciens en particulier sont considérés comme exerçant une profession médicale universitaire (art. 2 al. 1 let. d LPMéd). Il ressort de l’article 34 LPMéd que l’exercice de cette profession sous propre responsabilité professionnelle requiert une autorisation du canton sur le territoire duquel elle est exercée. L’article 36 LPMéd règle exhaustivement les conditions professionnelles et personnelles posées à l’octroi de l’autorisation de pratiquer, les cantons n’étant pas habilités à en ajouter d’autres.
La LPMéd fixe également des devoirs professionnels uniformes et exhaustifs pour toute la Suisse, réglementés à l’article 40 LPMéd. Aux termes de cette disposition, les pharmaciens sont notamment tenus d’exercer leur activité avec soin et conscience professionnelle et de respecter les limites des compétences acquises dans le cadre de leur formation universitaire, de leur formation postgrade et de leur formation continue (let. a); de garantir les droits du patient (let. c); de défendre, dans leur collaboration avec d’autres professions de la santé, exclusivement les intérêts des patients indépendamment des avantages financiers (let. e). En cas de non-respect de ces devoirs professionnels, l’article 43 LPMéd prévoit que l’autorité de surveillance peut prononcer des mesures disciplinaires unifiées, qui comprennent l’avertissement (al. 1 let. a), le blâme (let. b), l’amende de 20’000 francs au plus (let. c), l’interdiction temporaire de pratiquer à titre d’activité économique privée sous propre responsabilité professionnelle six ans au plus (let. d) et l’interdiction définitive de pratiquer à titre d’activité économique privée sous propre responsabilité professionnelle pour tout ou partie du champ d’activité (let. e). Ces mesures ne peuvent être ni restreintes, ni élargies par le droit cantonal (. L’objectif des sanctions disciplinaires est d’abord la protection du public, puis la dissuasion du professionnel de récidiver, l’exemplarité à l’égard des autres membres de la profession qui pourraient être tentés de poser des gestes semblables. Le droit disciplinaire incorpore donc une dimension de prévention générale. Cela n’empêche pas qu’elle vise cumulativement à agir sur le comportement individuel futur de la personne à sanctionner, revêtant alors un aspect de prévention spéciale. L’article 43 al. 4 LPMéd dispose quant à lui que l’autorité de surveillance peut, pendant la procédure disciplinaire, restreindre l’autorisation de pratique, l’assortir de charges ou la retirer. Les mesures provisionnelles de l’art. 43 al. 4 LPMéd n’ont aucun caractère disciplinaire, de sorte qu’elles ne supposent pas l’existence d’une faute. Leur but est de protéger certains intérêts dans la procédure disciplinaire. Selon le Message, le retrait de pratiquer à titre préventif ne peut être décidé que si des motifs pertinents le justifient, soit lorsque le prononcé d’une interdiction de pratiquer paraît très probable et qu’il sert l’intérêt public de manière appropriée dès l’ouverture de la procédure disciplinaire. Tel est le cas par exemple en cas d’atteintes à l’intégrité sexuelle des patients (Message précité, FF 2005 157; …). De manière plus générale, les mesures provisionnelles servent à parer à un danger important et doivent reposer sur des motifs légitimes. Il doit y avoir une certaine urgence temporelle. Elles ne peuvent être ordonnées que s’il est très vraisemblable qu’une mesure disciplinaire sera prononcée, car elles visent à garantir l’efficacité de la décision finale. Elles doivent en outre répondre à un intérêt public prépondérant et respecter le principe de proportionnalité.
Sur le plan cantonal, l’exercice des professions de la santé est régi par la loi cantonale de santé, du 6 février 1995 (ci-après : LS). Selon les articles 52 et 54 LS, toute personne qui entend exercer une profession dans le domaine de la santé au sens de la LPMéd doit être au bénéfice d’une autorisation délivrée par le département (cf. aussi art. 1a du règlement concernant l’exercice des professions médicales universitaires et des autres professions de la santé du 02.03.1998 [RSN 801.100]). La pharmacienne cantonale est chargée du contrôle et de la surveillance de la profession de pharmacien (art. 11 al. 2 let. a LS). Sur préavis de l’autorité de surveillance, le département est compétent pour prononcer, en cas de violation du droit fédéral, les mesures disciplinaires suivantes : une interdiction de pratiquer à titre indépendant ou dépendant pendant six ans au plus (interdiction temporaire); une interdiction définitive de pratiquer à titre indépendant ou dépendant pour tout ou partie du champ d’activité (art. 123a al. 2 LS). Lorsqu’une procédure disciplinaire est en cours, le département peut, à titre de mesure provisionnelle, limiter l’autorisation de pratiquer, l’assortir de charges ou la retirer (art. 123a al. 5 LS). (…)
Dans le cas d’espèce,
(…) Il s’agit dès lors de déterminer si l’interdiction d’exercer la fonction de pharmacienne responsable s’impose pendant la procédure disciplinaire introduite à l’encontre de la recourante.
Il n’est pas contesté que la décision attaquée se fonde sur l’article 43 al. 4 LPMéd et repose par conséquent sur une base légale.
Eu égard aux actes reprochés à la recourante, qui consistent globalement en des manipulations non conformes dans le cadre de la facturation aux assurances maladie, la mesure prise à titre provisionnel repose sur un intérêt public manifeste. De telles irrégularités présentent en effet un risque pour la sécurité du système de soins et sont susceptibles d’entacher la confiance que les différents protagonistes peuvent fonder envers les pharmaciens. Il s’agit d’éviter qu’ils se reproduisent durant la procédure. L’intérêt poursuivi par la mesure litigieuse n’est donc pas purement financier.
Reste la question de la proportionnalité, qui suppose d’examiner l’ensemble des circonstances. D’après l’intimé, la recourante a manqué à ses devoirs professionnels et a été reconnue coupable d’escroquerie et de faux dans les titres. Or, ses agissements ont étés facilités par sa position de responsable. La restriction de l’autorisation de pratiquer vise dès lors à prévenir le risque de récidive pendant la durée de la procédure administrative et disciplinaire, tout en permettant à la recourante d’exercer sa profession de pharmacienne.
A ce stade et sous l’angle de la vraisemblance, il y a lieu de relativiser la gravité des manquements reprochés à la recourante. Si cette dernière a pu faire preuve de complaisance à l’égard de certains clients, il ressort du dossier qu’elle n’a jamais mis en danger leur santé. On ne peut en outre pas considérer qu’elle n’a pas pris la mesure de ses actes. Il est vrai qu’elle est d’abord restée très vague sur les raisons de son licenciement immédiat quand elle a été sollicitée à ce sujet par l’autorité de surveillance. On ne peut néanmoins pas en déduire qu’elle ne serait pas résolue à admettre ses erreurs et à en assumer pleinement les conséquences. Dès le mois d’avril 2022, elle s’est expliquée spontanément sur tous les reproches formulés par son ancien employeur, sans chercher absolument à se disculper. Elle est restée constante dans ses déclarations depuis lors. Les pièces du dossier démontrent également qu’elle a cherché à rembourser le préjudice subi par les assurances. Peu importe que les conventions d’indemnisation aient été signées par son avocat, qu’elles aient été conclues après le courrier de la pharmacienne cantonale du 10 février 2022 ou qu’elles portent sur des montants inférieurs à ceux calculés par D.________ SA. Il faut également tenir compte de ses antécédents favorables, puisqu’elle n’a a priori jamais fait l’objet d’une condamnation pénale ou d’une sanction disciplinaire. Enfin, rien n’indique qu’elle aurait continué ses agissements depuis l’ouverture de la procédure disciplinaire.
Il découle de ce qui précède que le risque d’un nouveau comportement préjudiciable pendant la procédure administrative et disciplinaire n’est pas patent. Durant plus d’un an et demi, l’autorité de surveillance n’a d’ailleurs pris aucune mesure pour prévenir d’éventuelles irrégularités. A la date de l’ouverture formelle de la procédure (cf. courrier du 11.02.2022), elle savait bien que la recourante avait retrouvé un emploi de pharmacienne dans un autre canton à compter du 1er mars 2022 (cf. courrier du 04.02.2022). Le dossier révèle qu’elle n’a jamais informé les autorités de ce canton de la procédure en cours, ce qu’elle était pourtant tenue de faire en application l’article 44 al. 1 LPMéd. Cette omission laisse à penser qu’il n’y avait pas de raison de craindre de nouveaux manquements. A cet égard, l’argument selon lequel les intérêts publics n’étaient pas concrètement menacés tant que l’intéressée ne travaillait pas dans le canton de Neuchâtel tombe à faux. En l’absence d’indice concret en ce sens, on ne voit pas en quoi la recourante serait plus susceptible de commettre de nouvelles irrégularités à Z.________, où elle fait l’objet d’une procédure, que dans un autre canton, étant précisé que, à teneur du dossier, elle exerçait également en qualité de pharmacienne responsable à cet endroit. Au surplus, son retour à brève échéance à Z.________ était prévisible au vu de la clause de non concurrence réduite à un an négociée avec l’ancien employeur. Cette clause suggère clairement que l’intéressée entendait revenir travailler dans le canton dès que possible. L’autorité n’a pas davantage réagi après la réception du dossier pénal en mars 2023. Elle n’a ensuite émis aucune réserve liée aux risques présumés pour la procédure quand elle a été informée, le 27 juin 2023, que la recourante reprendrait la responsabilité d’une officine neuchâteloise dès le 1er août suivant. La pharmacienne cantonale a uniquement accusé réception du changement de responsable et spécifié qu’une confirmation écrite de l’intéressée était nécessaire pour modifier l’autorisation d’exploiter (courriel du 10.07.2023), ce que cette dernière a fait le 10 juillet 2023. Vu ce qui précède, le courrier du 1er septembre 2023, par lequel la pharmacienne cantonale a avisé la recourante de son intention de lui interdire d’assumer la responsabilité d’une pharmacie pendant toute la durée de la procédure, est difficilement compréhensible. Ce soudain empressement alors qu’elle avait déjà pris ses nouvelles fonctions depuis un mois (cf. contrat de travail déposé par l’intéressée) n’est pas justifié. Il ne vise pas à parer un danger concret important (en soi, son retour dans le canton n’en est pas un), ne fait pas suite à la connaissance d’un nouvel élément susceptible de compromettre l’efficacité de la décision finale et ne répond à aucune urgence.
En l’absence d’élément nouveau pertinent laissant présager une menace concrète, l’autorité inférieure n’avait pas de raison de prendre une mesure aussi drastique. Elle pouvait se contenter d’adresser un courrier à la recourante lui rappelant ses devoirs et l’avertissant que son autorisation de pratiquer serait restreinte à titre provisoire en cas de de nouvelle violation durant la procédure. Elle pouvait également informer officiellement son nouvel employeur de la procédure en cours et des faits reprochés (ce que la recourante a elle-même suggéré dans ses observations du 22.09.2023), afin d’encourager une surveillance adéquate de son employée. Du point de vue du principe de la nécessité, il faut dès lors retenir que le but visé par l’autorité inférieure pouvait être sauvegardé par une mesure moins incisive.
Les intérêts poursuivis par l’intimé ne justifient en conséquence pas la mesure prononcée. Celle-ci implique que la recourante renonce à son emploi actuel et ne puisse plus exercer sa fonction pour une durée indéterminée, la fin prévisible de l’enquête étant inconnue. Alors que la procédure a été ouverte il y a presque deux ans, il ressort des pièces du dossier que la pharmacienne cantonale entend procéder à d’autres mesures d’investigation et auditionner de nouveaux témoins. Il n’est donc pas certain qu’une décision finale soit rendue avant que la recourante ait atteint l’âge de la retraite. Or, ces atteintes ne sont pas justifiées en l’absence d’un risque concret pour le fonctionnement du système de soins pendant la procédure administrative et disciplinaire. L’intérêt privé de la recourante de continuer à exercer sa fonction doit ainsi l’emporter sur l’intérêt public à la restriction immédiate de son autorisation de pratiquer jusqu’à droit connu dans la procédure instruite par la pharmacienne cantonale. La mesure prononcée n’est donc pas admissible sous l’angle de la proportionnalité au sens strict.
Dans ces circonstances, le grief tiré de la violation du principe de la proportionnalité doit être admis et la décision attaquée annulée.
(Arrêt de la Cour de droit public du Tribunal cantonal [NE] CDP.2023.328 18.12.2023)
Me Philippe Ehrenström, avocat, LLM. CAS, Genève et Onnens (VD)