Peut-on licencier un employé pour ses idées politiques ?

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Est-il possible, pour un employeur, de licencier un employé dont il découvrirait (par exemple sur les réseaux sociaux) certaines sympathies politiques ?

Tout lien avec des controverses actuelles sur des élections en cours dans un pays voisin, et parfois ami, serait évidemment fortuit – quoiqu’il ne doive pas être rare ces jours, dans les cafétérias de Suisse romande, de trouver des employés LFI qui se battent à coup de sucrettes et de crèmes à café avec des RN…

La réponse se trouve à l’art. 336 al. 1 let. b CO, lequel prévoit que le congé est abusif lorsqu’il est donné par une autre partie en raison de l’exercice par l’autre partie d’un droit constitutionnel, à moins que l’exercice de ce droit ne viole une obligation résultant du contrat de travail ou ne porte sur un point essentiel un préjudice grave au travail dans l’entreprise.

L’application de cette disposition apparaît claire pour les Tendanzbetriebe , soit les entreprises qui exercent en tout cas partiellement une activité à but idéal, confessionnel, syndical, politique, etc. On peut en effet concevoir qu’une communauté religieuse puisse licencier un ecclésiastique devenu athée par exemple, ou un chanoines grand lecteur d’Anton LaVey…

Une cause célèbre (ATF 130 III 699) concernait l’employé d’un syndicat qui militait par ailleurs dans un groupe à tendance religieuse plutôt opposé aux syndicats et aux activités de gauche. Bien que pas très convaincant dans le cas d’espèce, l’arrêt exposait en tout cas clairement la situation des Tendanzbetriebe sous l’angle de l’art. 336 al. 1 let. b CO.

Mais la plupart des cas d’applications ne sont pas aussi clairs car ils concernent des employeurs « ordinaires ».

Les déclarations de l’employeur sur ses « valeurs » ne sont pas d’une grande aide.

A supposer qu’elles aient été valablement incorporées dans le contrat de travail, elles ne seraient probablement pas opposables à l’employé qui ne ferait pas de prosélytisme ou dont les opinions n’interféreraient pas avec ses obligations contractuelles ou avec le travail de l’entreprise (voir Philippe EHRENSTRÖM, L’intégration de la responsabilité sociale de l’entreprise dans le contrat de travail, in : Tendances et perspectives RH, Zurich, 2013, pp.103-113).

L’employeur devrait alors essayer de démontrer que les opinions en cause ont effectivement et réellement des conséquences sur le travail dans l’entreprise ou pour l’exécution des obligations du travailleur, ce qui apparaît très peu vraisemblable en pratique, les cas de prosélytisme mis à part.

Une résiliation des rapports de travail devrait donc emprunter d’autres voies, et en tout cas se fonder sur d’autres motifs.

Me Philippe Ehrenström, avocat, LLM

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About Me Philippe Ehrenström

Ce blog présente certains thèmes juridiques en Suisse ainsi que des questions d'actualité. Il est rédigé par Me Philippe Ehrenström, avocat indépendant, LL.M., Yverdon-les-Bains
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