L’auteur de ces lignes, quoiqu’il soit d’un âge rassis et d’un naturel méfiant, ce qui l’incite à n’utiliser les réseaux sociaux qu’avec parcimonie, a été souvent très surpris (et c’est un euphémisme) par la rage de jeunes parents (et de moins jeunes) à publier des photographies de leur progéniture, en toutes les étapes et activités de leur âge. Il est très rare que les visages des enfants soient floutés et masqués, et cela entraîne notamment, pour les malheureux, une « empreinte numérique » conséquente avant même qu’ils aient atteint l’âge de raison.
Raison de plus pour lire la très sensée décision no 10076481 du Garante per la protezione dei dati personali datée du 13 novembre 2024, publiée, traduite et résumée sur gdprhub (https://gdprhub.eu/index.php?title=Garante_per_la_protezione_dei_dati_personali_(Italy)_-_10076481&mtc=today):
Le père de la personne concernée, un enfant de moins de 14 ans, a partagé une photo d’elle sur Facebook. L’objectif de cette publication était de montrer à quel point la personne concernée ressemblait à son demi-frère, qui figurait également sur la photo.
La mère de la personne concernée, divorcée du père, a formellement demandé au père de retirer la photo de Facebook, estimant que ce traitement était illicite. Vu le refus du père, elle a saisi l’autorité italienne de protection des données (APD ; Garante per la protezione dei dati personali).
Comme cela ne s’est pas produit, la mère a déposé une plainte auprès de la DPA italienne (Garante per la protezione dei dati personali ).
Le père a notamment fait valoir qu’il avait le droit de publier cette photo sur Internet, puisque la garde de l’enfant était partagée entre les deux parents.
La mère a fait valoir que, selon la jurisprudence nationale constante, la publication en ligne de photos de mineurs est un acte qui va au-delà de l’« administration normale ». Par conséquent, conformément à l’article 320(1) du code civil italien ( Codice civile – cc ), le consentement des deux parents était nécessaire.
L’APD a d’abord noté que, conformément à l’article 8(1) du RGPD, l’article 2-quinquies(1) du Code italien de protection des données (D.lgs. 196/2003) a fixé l’âge du consentement d’un enfant à 14 ans, âge que n’avait pas atteint la personne concernée . Par conséquent, l’APD a considéré que le consentement des deux parents était nécessaire pour publier cette photo.
L’APD a aussi souligné de jurisprudence constante les tribunaux italiens stipulent que le consentement des deux parents est nécessaire pour partager légalement des photos d’enfants en ligne. Aux fins du partage de photos de l’enfant, il n’est pas pertinent que les parents aient la garde conjointe, et donc le consentement des deux parents est toujours nécessaire (voir, par exemple, Trib. Rieti, sent. n. 443, 17/10/2022 ; Trib. Ravenna, sent. n. 1038, 15/10/2019 ).
L’APD a donc estimé que le traitement en question manquait de base juridique valable. Pour ces raisons, l’APD a constaté une violation des articles 5(1)(a) , 6 et 8 du RGPD et de l’article 2-quinquies(1) du Code italien de protection des données .Elle a donc adressé un avertissement au père et, conformément à l’article 58 du RGPD, lui a interdit de continuer à traiter la photo.
NB : évidemment, l’idéal serait de ne rien publier du tout, ou de toujours masquer le visage des mineurs, mais le double consentement des parents est déjà un début…
Me Philippe Ehrenström, avocat, LLM
