Pour le remplacement des juges prud’hommes par une intelligence artificielle juridictionnelle

[Note de l’auteur : j’ai reçu la présente note par le plus grand des hasards, ayant été apparemment ajouté dans une boucle Signal par inadvertance – j’ai masqué les informations qui permettraient d’identifier le canton, et les hommes politiques concernés, et j’ai traduit du langage inclusif en Français courant – et compréhensible].

« Exposé des motifs du PL no 98761 instaurant le remplacement des juges prud’hommes par une intelligence artificielle [Projet]

Il est temps d’affronter une réalité trop longtemps éludée : le système prud’homal, dans sa forme actuelle, est à bout de souffle. L’illusion d’une justice paritaire, humaine, enracinée dans le « bon sens professionnel », ne masque plus ses lenteurs, ses contradictions internes, ses décisions imprévisibles, et son coût pour la collectivité. À l’heure où l’intelligence artificielle transforme en profondeur des pans entiers de l’économie et de l’administration, il est urgent de franchir un cap : remplacer purement et simplement les juges prud’hommes par une intelligence artificielle juridictionnelle dédiée.

Cette réforme n’est ni une provocation, ni une lubie technocratique. Elle procède d’une exigence démocratique, économique et juridique : rendre à la justice du travail sa lisibilité, sa rapidité, sa prévisibilité et sa légitimité. Le maintien d’un système fondé sur des juges non professionnels, élus à parité entre représentants syndicaux et patronaux, produit une justice inégalitaire, variable selon les régions, soumise à des logiques d’appareil, et incapable de produire une jurisprudence stable. Pire : ce système entretient un aléa judiciaire si fort qu’il finit par décourager nombre de justiciables – salariés comme employeurs – d’agir ou de se défendre. Ce désordre doit cesser.

À l’inverse, une intelligence artificielle entraînée sur un corpus massif de décisions prud’homales, enrichie des textes de loi, des conventions collectives, des accords d’entreprise, et des paramètres contextuels propres au litige, permet de statuer immédiatement, de manière prévisible, argumentée, stable et économique. Il ne s’agit pas ici d’assister le juge humain, mais bien de le substituer totalement dans le processus de décision. La justice du travail n’a rien de sacré dans sa forme actuelle : c’est un service public, et à ce titre, il doit être jugé sur ses résultats.

La prévisibilité des décisions est une exigence juridique majeure. Une IA juridictionnelle permet de garantir, pour des cas comparables, des décisions identiques. Ce principe fondamental, aujourd’hui largement bafoué par la disparité des formations de jugement et l’empreinte idéologique ou personnelle des juges, peut être restauré. L’algorithme, en s’appuyant sur des milliers de précédents et en uniformisant les raisonnements, stabilise la jurisprudence et réduit mécaniquement l’incertitude juridique. Le droit devient alors ce qu’il doit être : un repère sûr, non un jeu de hasard. La jurisprudence évoluera peu, les décisions seront figées pour l’éternité ? Tant mieux – nous sacrifierons la liberté pour la sécurité.

Le coût du système prud’homal est également un argument central. Les audiences se multiplient, les délais s’allongent, les formations doivent être convoquées à plusieurs reprises, mobilisant temps, personnel, locaux, frais d’avocat, experts, greffiers, interprètes. Cette machine lente et dispendieuse pèse non seulement sur les finances publiques, mais aussi sur la productivité des entreprises et la sérénité des salariés. En substituant un traitement automatisé à cette lourde chaîne humaine, les coûts chuteraient radicalement. L’État ferait des économies massives. Les entreprises pourraient planifier les risques contentieux. Les salariés obtiendraient justice en quelques heures, non en plusieurs années. Les parties pourraient transiger et négocier par anticipation en ayant un accès anticipé (et payant ! pensons aux finances publiques) au juge robot.

Plus encore, une IA permet de dépolluer le contentieux. Une part importante des affaires introduites aujourd’hui repose sur l’incertitude de l’issue : certains plaignants espèrent une décision favorable « au petit bonheur », certains employeurs spéculent sur les délais pour retarder le paiement. Une IA dissuade les procès opportunistes en rendant les résultats prévisibles dès le dépôt du dossier. La rationalisation du contentieux est une condition de sa légitimité.

On objectera que la justice est une affaire humaine. Mais cette formule, répétée à l’envi, occulte le fait que l’humanité des juges n’est pas toujours une garantie de justice. Elle peut aussi être synonyme d’arbitraire, de partialité, de fatigue, d’idéologie ou d’erreur. Une IA bien conçue n’est ni fatiguée ni influençable. Elle applique les règles avec rigueur, sans complaisance ni préjugé, sans être sensible aux pressions locales ou aux jeux syndicaux. L’impartialité algorithmique, contrairement aux idées reçues, est perfectible et auditable. Elle peut être documentée, corrigée, et améliorée en continu, ce que l’on ne peut pas toujours faire avec un juge humain.

Le droit de recours reste évidemment garanti. Une cour d’appel spécialisée, composée de magistrats professionnels et d’intelligences artificielles (composition : 1 juge, 2 logiciels), peut être mobilisée pour les dossiers complexes ou contestés. Mais cette voie ne serait empruntée que dans des cas exceptionnels. Dans l’immense majorité des litiges prud’homaux – licenciements pour motif personnel, contestation de solde de tout compte, requalification de CDD, heures supplémentaires, harcèlement moral ou discrimination –, les IA peuvent statuer avec plus de constance et de rapidité que n’importe quelle juridiction humaine.

Cette évolution, qui aurait été inconcevable il y a encore dix ans, est aujourd’hui techniquement faisable. Des prototypes existent. Des simulateurs de contentieux ont déjà démontré leur capacité à prédire les décisions prud’homales avec un taux de concordance supérieur à 85 %. L’étape suivante est logique : passer du prédictif au décisionnel, avec toutes les garanties de transparence et de contrôle démocratique que cela implique. Le code source doit être auditable. Les biais identifiés et corrigés. La traçabilité des raisonnements automatisés assurée. Ces garde-fous sont une condition sine qua non, mais ils ne sont pas une limite à l’innovation : ils en sont le socle.

La réforme proposée est simple : supprimer les tribunaux des prud’hommes dans leur format actuel, créer une juridiction numérique du travail, entièrement automatisée, avec possibilité de recours devant une cour mixte humaine et machine. Les saisines s’effectueraient via une plateforme unique, ouverte 24h/24. Le traitement des pièces, des contrats, des attestations et des témoignages se ferait par traitement automatique du langage naturel, avec validation du justiciable à chaque étape. La décision serait notifiée dans un délai maximum de 72 heures, motivée, exécutoire, et consultable anonymement à des fins d’open data.

En procédant ainsi, nous affirmons un principe de modernité : la justice n’est pas l’apanage d’une caste judiciaire, mais un bien commun. Elle peut, et doit, évoluer avec son temps. À l’heure où les litiges du travail changent de nature – digitalisation des échanges, recours massif à la sous-traitance, explosion du travail indépendant, multiplication des statuts hybrides – il est absurde de continuer à faire juger ces affaires selon des logiques du XIXe siècle. Ce n’est pas la technique qui menace la justice, c’est l’immobilisme.

Enfin, cette réforme répond à une attente silencieuse mais réelle : celle d’une justice accessible, lisible, et désidéologisée. Une IA juridictionnelle n’a pas de camp. Elle ne connaît ni le syndicat, ni le patronat. Elle applique la règle, strictement, à partir des faits. Cette neutralité, loin d’être froide ou inhumaine, est une forme de justice pure, que trop peu de justiciables connaissent.

Il ne s’agit pas de faire confiance à la machine par dogme, mais de faire confiance au droit, et de garantir qu’il soit appliqué partout, à tous, de manière égale, rapide, et économique. »

Signé : le Conseiller d’Etat en charge de la Justice, de la Police, de l’Intelligence artificielle et des nouvelles technologies, assisté de MyGouvGPT [ou est-ce l’inverse?]

Me Philippe Ehrenström, avocat, LLM

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About Me Philippe Ehrenström

Ce blog présente certains thèmes juridiques en Suisse ainsi que des questions d'actualité. Il est rédigé par Me Philippe Ehrenström, avocat indépendant, LL.M., Yverdon-les-Bains
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