
Vous êtes consulté par Blanche-Neige, qui souhaite recruter un 8e nain pour produire davantage de mimerais. Le nouvel employé, appelé « Shorty », vivra et mangera avec Blanche et les autres travailleurs sous le même toit. La journée, les nains iront dynamiter la montagne, forer, nourrir la spéculation internationale, etc.
Blanche-Neige, avec un beau sourire, vous demande si les rapports de travail avec « Shorty » obéissent à des dispositions particulières ?
Subjugué, vous lui répondez :
A teneur de l’art. 328a al. 1 CO, lorsque le travailleur vit dans le ménage de l’employeur, celui-ci fournit une nourriture suffisante et un logement convenable.
L’employeur accordera au travailleur empêché de travailler sans sa faute pour cause de maladie ou d’accident les soins et secours médicaux pour un temps limité, soit pendant trois semaines au cours de la première année de service et, ensuite, pendant une période plus longue, fixée équitablement compte tenu de la durée des rapports de travail et des circonstances particulières (art. 328a al. 2 CO).
En cas de grossesse et d’accouchement de la travailleuse, l’employeur a les mêmes obligations (art. 328a al. 3 CO).
La note marginale de l’art. 328a CO mentionne l’existence d’une « communauté domestique », ce qui implique à la fois l’existence d’un ménage commun avec l’employeur et la soumission à l’autorité domestique de celui-ci. Au sens strict du terme, une communauté domestique implique que les personnes considérées vivent « en ménage commun », c’est-à-dire vivent sous le même toit et mangent à la même table (in gemeinsamer Wohnung und Verpflegung). C’est de cette vie en commun que doivent procéder naturellement, par des contacts quotidiens, des relations personnelles et une connaissance mutuelle d’autant plus étroites et solides que cette communauté se prolonge. Certes, on ne saurait exiger une continuité absolue : des absences occasionnelles pour cause d’études, de service militaire, de voyages professionnels laissent subsister la communauté domestique pour autant toutefois que cette communauté se reforme naturellement dès que la cause d’interruption cesse.
La prestation de travail visée peut être devoir faite tant à l’intérieur du ménage (travaux domestiques) qu’à l’extérieur (dans le café exploité par le titulaire de l’autorité domestique, au fond d’une mine).
L’art. 328a CO met en fait à la charge de l’employeur un devoir accru d’assistance envers les employés en raison de leur lien de dépendance particulier résultant de leur qualité de membre de la communauté domestique et des difficultés à faire la part, dans ces circonstances, de ce qui relève du travail et de ce qui concerne la sphère privée.
L’art. 328a al. 1 CO consacre l’obligation de fournir à l’employé une nourriture suffisante et un logement convenable. Le type et la quantité de nourriture se déterminent en fonction de l’âge, de l’état de santé et du type de travail à effectuer. Le logement doit être approprié aux circonstances et n’offrir aucun danger pour la santé et moralité. Les CTT applicables donnent fréquemment des propositions à ce propos.
Le Modèle de CTT du SECO sur la prise en charge 24h/24h, sous ch. II.C, prévoit ainsi que si le travailleur vit sous le même toit que la personne concernée, il a droit à une nourriture suffisante et saine. Il peut demander de préparer ses propres repas et a alors le droit d’utiliser la cuisine et les ustensiles de cuisine. Il a également droit à une chambre individuelle qu’il peut fermer à clé. Celle-ci doit correspondre aux exigences d’hygiène, être bien éclairée par la lumière du jour et la lumière artificielle, bien chauffée et ventilée, suffisamment meublée (entre autres, avec un lit, une table, une chaise et une armoire ou une commode) et être suffisamment spacieuse pour pouvoir aussi y passer le temps de présence convenu et le temps libre. Il pourra pareillement utiliser de manière illimitée les sanitaires (wc, salle de bain avec douche ou baignoire) et la buanderie. On pourvoira également à un accès illimité et gratuit à Internet dans des conditions qui permettent de respecter la sphère privée du travailleur.
Selon l’art. 322 al. 2 CO, si le travailleur vit dans le ménage de l’employeur, son entretien et son logement font partie du salaire, sauf accord ou usage contraire. On se référera, en l’absence de dispositions particulières, fréquentes dans les CTT, aux normes AVS en vigueur pour en déterminer le montant.
Enfin, lorsque le salarié se retrouve dans les hypothèses visées à l’art. 328a al. 2 et 3 CO (maladie, accident, grossesse, accouchement), l’employeur doit prodiguer les soins nécessaires compte tenu des circonstances et prendre en charge ses frais médicaux non remboursés par une assurance pour un « temps limité ». Il est rappelé le caractère obligatoire des assurances maladies (art. 3 LAMal), accidents (art. 1a LAA) et maternité (art. 16 ss LAPG) L’art. 328a CO, contrairement à l’art. 324a CO, n’exige pas que les rapports de travail aient duré plus de trois mois ou aient été conclus pour plus de trois mois.
L’art. 328a CO ne règle évidemment pas toutes les situations. On relèvera ainsi que les « jeunes travailleurs » (moins de 18 ans) sont spécifiquement protégés par les art. 29 ss LTr, que les travailleurs de l’économie domestique sont soumis aux contrats-type de travail en la matière sur le plan fédéral et cantonal – sans compter encore le Modèle de CTT du SECO complétant les contrats-types de travail cantonaux pour les travailleurs de l’économie domestique pour l’assistance 24h/24h, ou que le personnel de maison des personnes bénéficiaires de privilèges et d’immunités diplomatiques est régi par l’ ODPr.
La prescription des créances des travailleurs contre l’employeur ne court pas pendant la durée des rapports de travail lorsqu’ils vivent dans le ménage de l’employeur (art. 134 al.1 ch. 4 CO). L’idée est d’éviter que le travailleur ne doive faire valoir ses prétentions pendant la durée des rapports de travail (et donc pendant la communauté domestique) afin d’éviter la prescription.
Blanche-Neige et Shorty, après avoir réglé la consultation, remontèrent dans leur carrosse en forme de citrouille et repartirent vers la forêt.
Me Philippe Ehrenström, avocat, LLM, CAS