
Sous l’angle de la représentation par la fiduciaire, la recourante [= la contribuable] reproche à la juridiction cantonale d’avoir nié à tort l’existence d’un mandat de représentation. En effet, la fiduciaire s’était adressée à l’Administration fiscale dans le cadre de la procédure de contrôle fiscal et elle s’était « affichée comme la représentante de la recourante ». Dans ce contexte, l’Administration fiscale avait « trait[é] les éléments transmis par le représentant » de sorte qu’elle ne pouvait pas nier « la capacité de la fiduciaire à représenter la recourante ». Il s’ensuivait une absence de notification valable de la décision du 14 octobre 2021 directement à la recourante; c’était uniquement à partir du moment où la fiduciaire avait eu connaissance de la décision, soit le 23 novembre 2021, que le délai pour former réclamation avait commencé à courir. (…=
Le litige porte [donc] sur le point de savoir si c’est à bon droit que la Commission de recours a confirmé le bien-fondé de la décision d’irrecevabilité du 24 janvier 2022. Compte tenu des conclusions et motifs du recours, il s’agit d’examiner si la notification directe à la contribuable de la décision du 14 octobre 2021 – et non à la fiduciaire – était conforme au droit (…), [dans la mesure où le délai de réclamation a été dépassé ensuite de cette notification.]
Aux termes de l’art. 117 al. 1 LIFD, le contribuable peut se faire représenter contractuellement devant les autorités chargées de l’application de la présente loi, dans la mesure où sa collaboration personnelle n’est pas nécessaire. L’al. 2 de cette disposition prévoit notamment que l’autorité peut exiger du représentant qu’il justifie de ses pouvoirs de représentation en produisant une procuration écrite.
Selon la jurisprudence, le contribuable est présumé n’avoir octroyé aucun pouvoir de représentation en matière d’impôt fédéral direct. Cette présomption est renversée lorsqu’il existe une procuration écrite (cf. art. 33 CO) ou encore lorsque les autorités peuvent, de bonne foi, déduire des circonstances une volonté claire et sans ambiguïté du contribuable de se faire représenter. Certes, il ne peut être déduit de la LIFD une exigence de forme, mais en raison du secret fiscal (cf. art. 110 LIFD), il doit résulter des circonstances une volonté claire et univoque du contribuable de désigner un représentant. Il doit en tous les cas exister un rapport de représentation au sens des art. 32 ss CO entre le contribuable et son représentant. Un des cas typiques dans lesquels une telle procuration est réputée avoir été valablement conférée est celle dans lequel le contribuable désigne textuellement un représentant sur sa déclaration d’impôt (arrêts 9C_711/2022 du 17 novembre 2023 consid. 3.7.1 et les références, destiné à la publication; 2C_872/2018 du 18 décembre 2018 consid. 2.2 et les références; cf. ATF 145 II 201 consid. 5.1). La communication des pouvoirs peut aussi résulter d’actes concluants du représenté, tels qu’ils peuvent être compris par le tiers selon le principe de la confiance (cf. arrêt du Tribunal fédéral du 21 mai 1986 in Archives 60 p. 424 consid. 2a; arrêt du Tribunal fédéral du 1er octobre 1965 in Archives 34 p. 297 consid. 4b). Le Tribunal fédéral a toutefois jugé qu’un contribuable qui laissait uniquement à une société fiduciaire le soin de donner des renseignements à l’autorité fiscale ne signifiait pas nécessairement l’avoir désignée comme son représentant (arrêt 2A.451/1996 du 21 mai 1997 consid. 2b, in RDAF 1999 II 440; PETER LOCHER, Kommentar zum Bundesgesetz über die direkte Bundessteuer, Teil III, 2015, n° 17 ad art. 117 LIFD).
Dans le cas où l’existence d’un pouvoir de représentation est incertain, l’administration peut (cf. art. 117 al. 2 LIFD) exiger la production d’une procuration; elle n’y est toutefois pas contrainte (arrêt 2C_872/2018 du 18 décembre 2018 consid. 2.2.5 et les références). S’il n’est pas possible d’établir que le représentant a été valablement mandaté, le fardeau de la preuve incombe à la partie qui entend en tirer une conséquence juridique (arrêt 9C_711/2022 du 17 novembre 2023 consid. 3.7.1 et les références, destiné à la publication; arrêt 2C_872/2018 du 18 décembre 2018 consid. 2.2 et les références).
Dans une affaire dans laquelle un contribuable n’avait pas fourni de procuration en faveur de sa fiduciaire, le Tribunal fédéral a néanmoins considéré qu’un pouvoir de représentation pouvait être établi sur la base d’actes concluants. En l’occurrence, la fiduciaire avait échangé toute la correspondance avec l’administration fiscale, avait sollicité à plusieurs reprises des prolongations de délai pour déposer les déclarations d’impôt, avait remis ces dernières pour le compte de sa mandante et avait fourni par la suite divers renseignements. En outre, l’administration fiscale avait procédé au contrôle des comptes dans les locaux de la fiduciaire et les décisions de taxation lui avaient été notifiées (cf. arrêt du Tribunal fédéral du 1er octobre 1965 in Archives 34 p. 297 consid. 5).
Lorsque le contribuable a désigné formellement un représentant ou qu’il peut être déduit des circonstances que tel est le cas, c’est à l’adresse de ce dernier que l’autorité doit notifier ses décisions. S’il ne le fait pas, la notification est irrégulière et aucun désavantage en découlant ne peut être mis à la charge du contribuable (ATF 113 Ib 296 consid. 2b; arrêt 9C_711/2022 du 17 novembre 2023 consid. 3.7.1). A défaut d’une représentation contractuelle au sens de l’art. 117 al. 1 LIFD, les décisions et les prononcés sont notifiés au contribuable (cf. art. 116 al. 1 LIFD).
(…)
En premier lieu, lorsque la recourante [= la contribuable] se prévaut du fait que l' »expertise » menée par l’Administration fiscale dans le cadre de la procédure de soustraction aurait été effectuée dans les locaux de la fiduciaire, ce qui tendrait à démontrer que celle-ci « a accompagné la [r]recourante durant toute la procédure de contrôle », celle-ci invoque un fait qui n’a pas été constaté par la Commission de recours. Elle ne présente cependant pas de grief quant au caractère manifestement inexact ou incomplet des faits établis par la juridiction cantonale de sorte qu’il n’y a pas lieu de s’écarter de celles-ci. Le fait en cause n’a pas à être pris en considération.
Ensuite, c’est sans arbitraire ou en violation du droit fédéral que les premiers juges ont considéré qu’il n’existait aucune circonstance propre à établir que la recourante avait manifesté une volonté univoque et reconnaissable de confier des pouvoirs de représentation à la fiduciaire, en l’absence de procuration écrite. En effet, il n’apparaît pas que cette fiduciaire soit, à titre d’exemple, intervenue à plusieurs reprises auprès de l’Administration fiscale par l’envoi de courriers ou de demandes de prolongation de délai, ou encore qu’elle aurait déposé des déclarations d’impôt pour le compte de la recourante. De plus, on constate (art. 105 al. 2 LTF) que le courrier du 30 août 2021 auquel se réfère à plusieurs reprises la recourante ne mentionne nullement que la fiduciaire agirait pour le compte de la recourante. Le fait d’avoir indiqué que sa « cliente [lui] a transmis copie » du courrier de l’Administration fiscale du 17 août 2021 ou encore qu’elle a présenté certains arguments en lien avec la procédure pendante ne suffit pas encore, ainsi que l’a considéré la cour cantonale, pour conclure qu’il existerait une désignation claire et univoque d’un représentant au sens de l’art. 117 LIFD. Quoi qu’en dise la recourante, on ne saurait pas déduire du seul fait que l’Administration fiscale a pris en considération le courrier de la fiduciaire du 30 août 2021, dans sa décision du 14 octobre 2021, que l’administration avait admis une représentation fondée sur des actes concluants suffisants. Il s’ensuit que la notification de la décision administrative litigieuse pouvait être directement effectuée auprès de la recourante (cf. art. 116 LIFD).
En outre, la recourante se méprend lorsqu’elle prétend que, conformément au principe de la bonne foi, l’Administration fiscale aurait dû, dans le délai de réclamation qui n’était pas encore échu, essayer de lui notifier à nouveau la décision litigieuse par pli simple. En effet, il n’existe aucune obligation pour l’autorité de procéder de la sorte.
(Arrêt du Tribunal fédéral 9C_304/2023 du 21 février 2024, consid. 5)
Me Philippe Ehrenström, avocat, LLM, Genève et Onnens (VD)