
Me X.________, avocat, a engagé pour le secrétariat de son étude, dès le 1er juillet 2021 et à 80 %, une personne qui se trouvait auparavant inscrite depuis octobre 2020 en tant que demandeuse d’emploi auprès du Service de l’emploi. Le contrat prévoyait un temps d’essai de trois mois avec un délai de congé de sept jours pendant le temps d’essai, puis un délai de congé d’un mois pour la fin d’un mois pendant la première année de service. L’employeur a sollicité de l’Office du marché du travail (ci-après : OMAT [ou l’intimé]) des allocations d’initiation au travail (AIT) pour cet engagement, en déposant un plan de formation sur six mois. Par décision du 26 juillet 2021, l’OMAT a accepté cette demande et a accordé des AIT pour une durée de six mois en retenant que l’employée ne possédait pas toutes les connaissances requises pour le poste de sorte qu’une formation interne devait lui être dispensée afin qu’elle soit à même d’assumer sa nouvelle fonction. La décision mentionnait que « Les allocations versées pourront être demandées en remboursement si le contrat de travail est résilié en dehors du temps d’essai, et sans justes motifs, pendant la période d’initiation ou dans les trois mois suivants ».
Le 9 novembre 2021, Me X.________ a résilié les rapports de travail avec effet immédiat en invoquant que la relation de confiance était irrémédiablement rompue. (…)
Par décision du 30 novembre 2021, annulant et remplaçant sa décision précédente du 26 juillet 2021, l’OMAT a accepté l’octroi d’AIT pour la période du 1er juillet au 9 novembre 2021, mentionnant à son chiffre 3 que « L’abandon du versement des allocations est confirmé en date du 09.11.2021 à la suite de la résiliation du contrat de travail avec effet immédiat par l’employeur pour la même date ». Son chiffre 4 reprenait la mention figurant au chiffre 3 de la décision du 26 juillet 2021, selon laquelle « Les allocations versées pourront être demandées en remboursement si le contrat de travail est résilié en dehors du temps d’essai, et sans justes motifs, pendant la période d’initiation ou dans les trois mois suivants ».
Par décision du 24 janvier 2022, l’OMAT a révoqué la décision d’octroi d’allocations d’initiation au travail du 22 novembre 2021 (recte : 30.11.2021) et a ordonné la restitution de la somme de 9’464 francs représentant selon lui le montant total des allocations d’initiation au travail versées. Il a retenu que les motifs avancés par l’employeur ne constituaient pas de justes motifs au sens de l’article 337 CO de sorte qu’il n’était pas légitimé à mettre un terme au contrat de travail de l’assurée durant la durée de l’initiation au travail ou les trois mois suivant le terme de cette mesure. (…) Par décision sur opposition du 5 mai 2022, l’OMAT a confirmé sa décision du 24 janvier 2022 dans son principe tout en admettant partiellement l’opposition en ce sens que la somme à restituer était fixée à 8’703.50 francs. Il a relevé que les deux décisions prononcées, bien que se rapportant aux mêmes circonstances, visaient des buts différents : la décision du 22 novembre 2021 (recte : 30.11.2021) concernait l’abandon du versement des allocations en date du 9 novembre 2021 suite à l’information de l’arrêt du contrat de travail donnée par l’assurée à l’assurance-chômage en date du 22 novembre 2021, alors que la décision du 24 janvier 2022 avait trait à la révocation de la décision d’octroi des allocations et demandait leur restitution suite à la lettre de l’employeur concernant les motifs du licenciement, reçue le 22 novembre 2021. S’agissant des manquements invoqués, l’OMAT a souligné qu’ils ne pouvaient pas être considérés comme une violation particulièrement grave des obligations contractuelles de l’employée dans le contexte de l’affaire, où les AIT octroyées l’ont été justement en raison de l’absence d’expérience de l’assurée qui nécessitait une formation et une surveillance. Quant aux manquements moins graves mais répétés, il a relevé que l’employeur n’avait pas fait mention d’avertissements clairs et non équivoques de nature à faire comprendre à l’employée le risque de licenciement immédiat.
Me X.________ recourt contre cette décision sur opposition auprès de la Cour de droit public du Tribunal cantonal (…).
En vertu de l’article 65 LACI, les assurés dont le placement est difficile et qui, accomplissant une initiation au travail dans une entreprise, reçoivent de ce fait un salaire réduit, peuvent bénéficier d’AIT lorsque le salaire réduit durant la mise au courant correspond au moins au travail fourni (let. b) et qu’au terme de cette période, l’assuré peut escompter un engagement aux conditions usuelles dans la branche et la région, compte tenu, le cas échéant, d’une capacité de travail durablement restreinte (let. c). Selon l’article 66 LACI, les AIT couvrent la différence entre le salaire effectif et le salaire normal auquel l’assuré peut prétendre au terme de sa mise au courant, compte tenu de sa capacité de travail, mais tout au plus 60 % du salaire normal (al. 1) ; pendant le délai-cadre, les allocations sont versées pour six mois au plus, dans des cas exceptionnels, pour douze mois au plus (al. 2). Aux termes de l’article 90 al. 3 OACI, l’autorité cantonale vérifie auprès de l’employeur si les conditions dont dépend l’octroi d’AIT sont remplies ; elle peut exiger que les conditions selon l’article 65 let. b et c LACI fasse l’objet d’un contrat écrit.
Selon l’article 25 al. 1 LPGA, auquel renvoie l’article 95 al. 1 LACI, les prestations indûment touchées doivent être restituées (1re phrase). La restitution ne peut être exigée lorsque l’intéressé était de bonne foi et qu’elle le mettrait dans une situation difficile (2e phrase). L’obligation de restituer suppose que soient réunies les conditions d’une reconsidération (caractère sans nul doute erroné de la décision formellement passée en force et importance notable de la rectification ; cf. art. 53 al. 2 LPGA) ou d’une révision procédurale (cf. art. 53 al. 1 LPGA) de la décision par laquelle les prestations en cause ont été allouées (ATF 130 V 318 cons. 5.2). Au regard de l’article 25 LPGA et de la jurisprudence y relative, la procédure de restitution de prestations implique trois étapes en principe distinctes : une première décision sur le caractère indu des prestations, soit sur le point de savoir si les conditions d’une reconsidération ou d’une révision de la décision par laquelle celles-ci étaient allouées sont réalisées ; une seconde décision sur la restitution en tant que telle des prestations, qui comprend en particulier l’examen des effets rétroactifs ou non de la correction à opérer en raison du caractère indu des prestations, à la lumière de l’article 25 al. 1 1re phrase LPGA et des dispositions particulières et, le cas échéant, une troisième décision sur la remise de l’obligation de restituer au sens de l’article 25 al. 1 2e phrase LPGA (arrêt du TF du 04.01.2012 [9C_678/2011] cons. 5.2 et les réf. citées). Le destinataire d’une décision de restitution qui entend la contester dispose de deux moyens qu’il convient de distinguer. Si l’assuré prétend qu’il avait droit aux prestations en question, il doit attaquer la décision de restitution. En revanche, s’il admet avoir perçu indûment les prestations, mais qu’il invoque sa bonne foi et les difficultés économiques qu’il rencontrerait en cas de remboursement, il doit présenter une demande de remise.
Dans le contexte particulier de l’octroi d’AIT, il peut être fait obligation à l’employeur de restituer les allocations reçues dans l’hypothèse où le contrat de travail serait résilié sans justes motifs au sens de l’article 337 CO après le temps d’essai et avant l’échéance du délai indiqué par l’autorité compétente. Le Tribunal fédéral a considéré qu’il est possible de soumettre l’octroi des AIT à une telle condition résolutoire ; dans ce cas, quand le versement des prestations a lieu sous condition résolutoire, l’administration peut en demander la restitution sans être liée par les conditions relatives à la reconsidération ou la révision procédurale des décisions (ATF 126 V 42 cons. 2 ; arrêt du TF du 10.07.2002 [C 14/02] cons. 3.1 ; arrêt du Versicherungsgericht de St-Gall du 27.05.2020 [AVI 2019/27] cons. 1.4 ; arrêt du Versicherungsgericht d’Argovie du 17.10.2017 [VBE.2017.327] cons. 4.4).
Dans le domaine des assurances sociales, le juge fonde généralement sa décision sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible ; la vraisemblance prépondérante suppose que, d’un point de vue objectif, des motifs importants plaident pour l’exactitude d’une allégation, sans que d’autres possibilités ne revêtent une importance significative ou n’entrent raisonnablement en considération (ATF 139 V 176 cons. 5.3).
(…)
Il reste à examiner si l’intimé était légitimé à confirmer sa décision du 24 janvier 2022 portant sur la révocation de l’octroi des AIT et sur la restitution des sommes perçues indûment, pour un montant finalement fixé à 8’703.50 francs dans la décision sur opposition attaquée.
Le recourant [= l’employeur] s’est engagé, en signant le formulaire de demande des AIT le 16 juillet 2021, « [à] ce qu’à l’issue de la période d’essai, le contrat de travail ne peut être résilié pendant la période d’initiation que sur présentation de motifs importants au sens de l’article 337 CO ». Il s’est également engagé à rembourser les allocations sur ordre de l’autorité de la caisse de chômage compétente, dans la mesure où il résilie le contrat de travail pendant la période d’initiation sans motif important au sens de l’article 337 CO. Tant dans sa décision initiale du 26 juillet 2021 que dans celle qui l’a remplacée du 30 novembre 2021, l’intimé a prévu que « [l]es allocations versées pourront être demandées en remboursement si le contrat de travail est résilié en dehors du temps d’essai, et sans justes motifs, pendant la période d’initiation ou dans les trois mois suivants ». Une telle clause doit être comprise en ce sens que le versement des allocations a lieu sous condition résolutoire, appelée aussi réserve de révocation (arrêt du TF du 10.07.2002 [C 14/02] cons. 3.1). Dans ce cas, quand le versement des prestations a lieu sous condition résolutoire, l’administration peut en demander la restitution sans être liée par les conditions relatives à la reconsidération ou la révision procédurale des décisions. La jurisprudence considère que l’administration peut ainsi revenir sur sa décision d’octroi des allocations d’initiation au travail avec effet ex tunc en cas de violation des obligations contractuelles par l’employeur lorsque le versement est soumis à la condition résolutoire du respect du contrat de travail et ce, même si ladite décision ne mentionne pas la restitution des prestations en cas de violation des obligations contractuelles. L’employeur peut ainsi être tenu de restituer les allocations perçues si les rapports de travail sont résiliés sans justes motifs avant l’échéance du délai indiqué par l’administration dans sa décision d’octroi des allocations d’initiation au travail (ATF 126 V 42 cons. 2a). Dans le cas d’espèce, il n’est pas contestable que le contrat de travail a été résilié le 9 novembre 2021, soit pendant la période d’initiation. C’est donc à juste titre au vu de la clause résolutoire contenue dans la décision du 30 novembre 2021 que l’intimé a révoqué sa décision du 30 novembre 2021.
S’agissant de la restitution de 8’703.50 francs, elle dépend de la question de savoir si la résiliation des rapports de travail est intervenue pour de justes motifs ou non. Si cette résiliation est intervenue pour de justes motifs au sens de l’article 337 CO, alors le recourant est libéré de l’obligation de restituer les AIT. En cas d’absence de justes motifs au sens de cette disposition, il doit les restituer. (…)
La Cour de céans constate que la motivation de l’intimé figurant dans la décision attaquée est convaincante en ce qu’elle ne retient pas l’existence de justes motifs de licenciement au sens de l’article 337 CO. Il convient de garder à l’esprit le contexte de l’engagement et le caractère particulier de la relation de travail en cause, puisque l’employée a été embauchée alors qu’elle ne disposait pas de toutes les connaissances requises pour le poste en question. Le recourant en était pleinement conscient puisqu’il a motivé sa demande d’AIT du 9 juillet 2021 en soulignant que l’employée « doit se former au sein de l’Etude dans le domaine de la comptabilité » et que le plan de formation du 16 juillet 2021 déposé dans ce contexte prévoyait une formation de 6 mois dans la fonction de secrétaire / comptable tout d’abord en matière d’ « appréhension du fonctionnement d’une Etude et de la comptabilité » (du 01.07 au 30.09.2021) puis de « maîtrise des systèmes informatiques » (du 01.09 au 31.12.2021). La décision d’octroi d’AIT du 26 juillet 2021 mentionnait que la demande en ce sens était acceptée au motif que « [n]e possédant pas toutes les connaissances requises pour ce poste, une formation interne devra lui être dispensée afin qu’elle soit à même d’assumer sa nouvelle fonction ». C’est ainsi en raison de ses besoins de formation que les AIT ont été allouées. C’est dans ce contexte que doivent être appréciés les reproches formulés dans le courrier du 19 novembre 2021. Pour la plupart, ils ne sont pas détaillés et se limitent à évoquer des « manquements » non précisés. S’agissant du reproche selon lequel ces manquements ont eu pour conséquence des carences importantes dans la comptabilité de l’étude, il mène à s’interroger sur la formation donnée à l’employée et sur la nécessaire surveillance devant entourer une telle formation. Il laisse à penser qu’il est formulé en faisant abstraction du contexte de formation rappelé ci-dessus, comme s’il s’agissait d’un travail pour lequel l’employée disposait d’ores et déjà de toutes les compétences et qualités requises. Les reproches de l’employeur donnent en effet l’impression qu’ils s’adressaient à une employée qui aurait eu, seule et sans supervision ni contrôle, la responsabilité de la comptabilité, ce qui n’est pas compatible avec le besoin de formation reconnu tant par l’intimé que par l’employeur. Les reproches de cotisations sociales impayées, d’absence de réponse aux clients concernant la comptabilité et d’absence de facturation s’inscrivent aussi dans ce cadre, de même que le non-classement de documents. Il convient du reste de relativiser le reproche selon lequel l’employée ne répondait pas aux questions des clients concernant la comptabilité, puisque le courriel déposé à l’appui de ce grief, s’il démontre un certain manque de suivi ou un retard à répondre, permet aussi de constater l’existence d’un échange préalable de courriels entre l’employée et le client concerné. Par ailleurs, et contrairement à l’appréciation de l’employeur, le fait que, confrontée à ce qui était considéré comme des manquements, l’employée ne les ait pas reconnus ne permet pas de retenir « un considérable mépris pour son emploi » ni « qu’il n’y avait aucune prise de conscience de ses conséquents errements », mais doit être retenu comme étant une appréciation différente de la situation qui trouve certains appuis au dossier. L’employeur lui-même a ainsi souligné, s’agissant de l’employée, que « le travail effectué, qui nécessitait une approche particulière, était important ». De plus, il ressort de son appréciation qu’elle n’était pas insensible aux remarques qui lui étaient faites et qu’elle prenait des mesures pour s’améliorer puisqu’elle prenait des notes, même si cela intervenait de manière trop importante et inefficace aux yeux du recourant (« [elle] s’est perdue dans la prise de note, sans pourtant les retrouver lors de nos différents entretiens », courrier du 19.11.2021). Les éléments fournis par l’employeur ne permettent ainsi pas de retenir une désinvolture de l’employée ou d’autres comportements constitutifs de justes motifs au regard de l’article 337 CO. Par ailleurs, il faut aussi constater l’absence de tout avertissement répondant aux exigences posées par la jurisprudence en tenant compte du contexte de formation. Dans son courrier du 19 novembre 2021, l’employeur n’a fait aucune mention d’un avertissement, alors même que cette notion possède une connotation particulière et importante dans le contexte de l’article 337 CO invoqué dans ce courrier. L’explication fournie dans le recours, reprenant celle déjà exposée dans le cadre de l’opposition, selon laquelle les manquements constatés avaient été « rapportés » à l’employée de sorte que celle-ci était « avertie » que son travail ne donnait pas satisfaction et qu’elle devait sérieusement l’améliorer, revient à jouer sur les mots mais ne démontre pas qu’un avertissement au sens décrit ci-dessus aurait été donné. En particulier, il n’est pas prétendu que l’employeur aurait évoqué une possible résiliation du contrat de travail.
Il découle de ce qui précède que le recourant ne peut pas se prévaloir de justes motifs au sens de l’article 337 CO pour justifier le licenciement avec effet immédiat de l’employée.
Le recourant fait encore valoir que la décision du 26 juillet 2021, lorsqu’elle évoque de justes motifs à son chiffre 3, n’évoque pas nécessairement une résiliation immédiate. Selon lui, il suffit qu’il puisse se prévaloir de justes motifs de résiliation, même si ces motifs ne sont pas suffisants pour une résiliation immédiate au sens de l’article 337 CO, pour qu’il ne doive pas restituer les AIT perçues. Le recourant se trompe et fait abstraction dans le cadre de son interprétation de ses engagements. En particulier, il oublie qu’il s’est engagé, en signant le formulaire de demande des AIT le 16 juillet 2021, « [à] ce qu’à l’issue de la période d’essai, le contrat de travail ne peut être résilié pendant la période d’initiation que sur présentation de motifs importants au sens de l’article 337 CO ». La décision du 26 juillet 2021 se réfère du reste à cette demande faite par l’employeur, tout comme celle du 30 novembre 2021 qui la remplace. C’est ainsi en tenant compte de cet engagement qu’il convient d’interpréter la clause selon laquelle « [l]es allocations versées pourront être demandées en remboursement si le contrat de travail est résilié en dehors du temps d’essai, et sans justes motifs, pendant la période d’initiation ou dans les trois mois suivants ». De la sorte, c’est donc bien l’existence de justes motifs au sens de l’article 337 CO qui seule peut aboutir à ce que la résiliation pendant la période visée par la décision (pendant la période d’initiation ou dans les trois mois suivants) n’entraîne pas l’obligation de restituer les AIT versées. L’argument du recourant doit être écarté.
(Arrêt de la Cour de droit public du Tribunal cantonal [NE] CDP.2022.166 du 06.12.2023)
Me Philippe Ehrenström, avocat, LLM, CAS, Genève et Onnens (VD)