Kiss Cam, adultère et résiliation des rapports de travail

On a beaucoup parlé des Kiss Cams ces derniers jours, i.e. des ces dispositifs qui, dans les grandes enceintes sportives ou récréatives, parcourent la foule et individualisent des couples qui sont alors censés s’embrasser sur grand écran pendant un temps mort, une pause pendant un concert, etc. sous les applaudissements de la foule. Il y eu toutefois, lors d’un récent concert de Coldplay, un léger problème : le couple mis en valeur par la Kiss Cam était adultère, et Monsieur, CEO d’une boite de la tech, enlaçait tendrement sa responsable des ressources humaines, et non sa tendre moitié. Celle-ci – en citoyenne américaine moderne – a instantanément effacé son nom de femme mariée de ses « réseaux sociaux » (comme on dit). L’employeur a, quant à lui, pris acte de la « démission » de son CEO, dont il a jugé qu’il avait gravement failli à ses obligations.

Et en Suisse ?

Dans un curieux ATF 129 III 380, consid. 3.2, le Tribunal fédéral avait refusé de reconnaître le caractère justifié d’un licenciement avec effet immédiat d’une employée qui entretenait des relations coupables avec l’époux de la directrice générale et administratrice unique de l’employeur, et en était l’actionnaire unique, quand bien même l’intéressée travaillait dans ce qui était aussi le domicile conjugal. Le Tribunal fédéral semble en effet avoir retenu que l’employeur était une personne morale (pas de Durchgriff ??) et que celle-ci devrait pouvoir se prévaloir de son indépendance juridique. Le cas ne pouvait être considéré comme identique à celui où la relation concernerait le mari de l’employeur lui-même [i.e. l’employeur comme personne physique]. On ne pourrait en effet exclure qu’une relation avec le mari de la directrice dans ce cas puisse empoisonner les relations de travail au point de justifier une résiliation extraordinaire du contrat. Par ailleurs le mariage entre la directrice et son époux apparaissait déjà « brisé » avant l’adultère.

Je ne sais pas trop ce qu’il faut conclure de cette curiosité, mais le Tribunal fédéral ne semble en tout cas pas écarter l’idée, a priori, que l’on puisse retenir qu’un adultère puisse aboutir à la résiliation – même immédiate – des rapports de travail.

Me Philippe Ehrenström, avocat, LLM

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About Me Philippe Ehrenström

Ce blog présente certains thèmes juridiques en Suisse ainsi que des questions d'actualité. Il est rédigé par Me Philippe Ehrenström, avocat indépendant, LL.M., Yverdon-les-Bains
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