Propos tenus sur un groupe Whatsapp par des policiers lausannois

La presse vient de se faire l’écho de propos discriminatoires qui auraient été tenus par certains policiers de Lausanne sur deux groupes Whatsapp « privés ». L’enquête aurait révélé de nombreux échanges problématiques entre un nombre important de policiers, seuls quatre ayant été suspendus alors que les enquêtes se poursuivent apparemment sur les plans pénal et administratif (https://www.blick.ch/fr/suisse/romande/lausanne-scandale-dans-des-groupes-whatsapp-de-policiers-id21167436.html). Cela n’empêche toutefois pas le syndic de parler d’ores et déjà de « racisme systémique », sans autre considération apparemment pour les policiers lausannois que l’usage politiquement opportun de bien gros sabots.

Quelques réflexions :

Cela fait des années que je déconseille aux employeurs et aux employés d’utiliser Whatsapp.

L’employeur devrait interdire, dans ses règlements internes, l’utilisation de groupes Whatsapp quels qu’en soient les motifs. Pourquoi ? Parce que cela finit presque toujours par dégénérer : propos contestables, diffusion de données couvertes par le secret d’affaire ou le secret professionnel, révélation de données appartenant au client, atteintes aux droits de la personnalité, etc. (Voir par exemple : https://droitdutravailensuisse.com/2023/03/19/injurier-lemployeur-sur-whatsapp-licenciement-immediat/).L’employeur qui ne le ferait pas violerait ses devoirs, notamment sous l’angle de la prévention des atteintes à la protection de la personnalité.

La nuance entre groupe « privé » et « professionnel » est à cet égard inopérante. A partir du moment où le groupe Whatsapp rassemble des collègues qui échangent des propos et considérations sur le travail, cela devient professionnel.

Il y déjà eu un exemple avec une police municipale : TF 8C_336/2019 du 9 juillet 2020 (présenté ici : https://droitdutravailensuisse.com/2020/08/07/propos-tenus-sur-whatsapp-revocation-immediate/). On se demande ce que la Police lausannoise a fait de ce précédent, si elle en a eu connaissance ou fait mine de s’y intéresser ou aurait dû le faire.

On se demande aussi pourquoi le monde politique jette l’opprobre aujourd’hui avec un tel entrain sur l’ensemble d’un corps de police alors que cela ne concernerait, dans l’hypothèse évoquée, qu’une minorité (moins de 10%), et que les enquêtes semblent toujours en cours. Une telle manière de faire viole en fait les droits de la personnalité des employés concernés dans leur ensemble (racisme systémique) et devrait susciter une forte réponse des syndicats.

On ne peut que s’interroger par ailleurs (ou pas) sur ce qui a contraint l’autorité d’engagement à agir avec autant d’empressement ce jour. Un fait d’actualité récent ?

Addendum (26.08.2025):

Je mentionnais 10% des policiers.

C’est en fait beaucoup moins: sur les 50 participants aux groupes un certain nombre ne travaillent plus à la police de Lausanne. Par ailleurs, sur ceux qui restent, l’enquête administrative finira sans doute par en exonérer certains (par exemple ceux qui n’ont pas de responsabilités hiérarchiques et qui ne participent aux échanges).

Par ailleurs un certain nombre d’enquêtes internes semblent être toujours en cours. Comment apprécier dès lors les qualificatifs de l’autorité d’engagement relatifs aux écuries d’Augias ou au racisme systémique? Quelle influence sur les enquêtes et les enquêteurs, et les rapports des seconds avec l’autorité d’engagement?

Encore une fois on ne comprend pas très bien la hâte de l’autorité d’engagement, et les propos qu’elle croît devoir tenir sur l’ensemble des collaborateurs.

Addendum (02.09.2025):

On croit comprendre, de diverses interventions désordonnées et contradictoires de représentants de l’autorité d’engagement, qu’il s’agirait en fait de 8 personnes qui auraient été suspendues, on suppose pendant la durée de l’enquête administrative. Il n’y aurait pas d’autres cas selon les données connues de la hiérarchie.

Soit environs 1.6% du total des policiers lausannois.

Mais selon ces mêmes représentants, on les aurait mal compris. L’accusation de « racisme systémique » proviendrait du fait que le « système » n’aurait pas fait remonter ces huit cas à la hiérarchie.

En d’autres termes, le « racisme systémique » c’est quand huit personnes sont soupçonnées d’avoir posté et/ou relayé des messages discriminatoires sur deux pages WhatsApp privées sur une période assez longue.

Un autre membre distingué de l’aéropage municipal lausannois avait également évoqué le nettoyage des écuries d’Augias. Cela peint certes de manière avantageuse ledit municipal en Hercule, mais comment doivent alors se considérer les policiers?

La politique, c’est notamment la maîtrise du langage.

Me Philippe Ehrenström, avocat, LLM

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About Me Philippe Ehrenström

Ce blog présente certains thèmes juridiques en Suisse ainsi que des questions d'actualité. Il est rédigé par Me Philippe Ehrenström, avocat indépendant, LL.M., Yverdon-les-Bains
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