Propos tenus sur WhatsApp, révocation immédiate

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Or donc il advint dans la bonne Ville de Genève que certains agents de la police municipale créèrent un groupe « WhatsApp » pour « échanger des souvenirs » entre aspirants issus de la même volée de l’école de formation. Le groupe en question était composé des formateurs de la police municipale, de deux formateurs de la police cantonale et de tous les aspirants de la volée.

Rappelons que « WhatsApp » est une application mobile multiplateforme qui fournit un système de messagerie instantanée chiffrée de bout en bout aussi bien par Internet que par les réseaux mobiles. Dans les faits, elle est très souvent utilisée comme une messagerie de groupe instantanée pour ses membres.

Il ressortait du contenu de certains échanges que des termes et réflexions totalement inappropriés et déplacés étaient utilisés, le tout dans un contexte très peu « politiquement correct ».

L’arrêt du Tribunal fédéral 8C_336/2019 du 9 juillet 2020 (destiné à la publication), qui inspire cette note, retranscrit en effet ces échanges, qui n’ont rien de particulièrement distingué ou élevé, pour ne pas dire plus, le Tribunal fédéral qualifiant par ailleurs curieusement ce groupe WhatsApp de « professionnel ».

C’est sur la base de ces « échanges » qu’il a été mis fin avec effet immédiat aux rapports de travail avec un sous-officier supérieur, au motif qu’il aurait tenu quelques-uns de ces propos (mais pas les pires), et qu’il lui aurait appartenu, eu égard à son grade, à son âge et à son expérience, d’intervenir afin que ces « dérapages » cessent.

Le Tribunal fédéral, très logiquement, confirme le raisonnement de la dernière instance cantonale, qui avait cassé la décision de la Ville, notamment pour violation du principe de proportionnalité.

Cet arrêt, parfaitement prévisible quant à son résultat, à tel point que l’on se demande ce qui a poussé la Ville de Genève à recourir au Tribunal fédéral, est l’occasion de rappeler quelques évidences :

  • Les propos tenus sur les réseaux sociaux, qu’ils soient « publics » ou « privés », sont susceptibles d’engager la responsabilité des travailleurs, même en l’absence de dispositions contractuelles ou réglementaires explicites sur l’usage desdits réseaux.
  • Si le travailleur viole un devoir légal ou réglementaire en utilisant les réseaux sociaux, il peut s’exposer à des sanctions.
  • Les sanctions doivent pourtant obéir (notamment) au principe de proportionnalité et tenir compte des antécédents, de la gravité objective des propos, etc.

Le Tribunal fédéral confirme dès lors l’appréciation de la Cour cantonale, et retient qu’il y eut certes une violation d’une certaine gravité des devoirs de l’intéressé, mais qu’elle aurait méritée une sanction plus adéquate que la révocation immédiate.

L’arrêt est intéressant, non par son raisonnement juridique ou par ses conclusions, assez largement prévisibles, mais parce qu’il illustre les problèmes que peuvent poser l’utilisation des groupes WhatsApp en relation ou en rapport avec le milieu professionnel.

On souligne toujours, dans ce cadre, qu’il ne doit s’agir que d’échanges privés entre collègues, réunis comme le seraient des amis ou des cousins. Sauf que, à peu près dans tous les cas que j’ai pu voir, dans et hors contentieux, des considérations professionnelles se mêlent aux échanges privés, l’effet de groupe produit des échanges peu nécessaires ou blessant, et bien souvent, le groupe est aussi utilisé pour des échanges strictement ou majoritairement professionnels.

L’employeur serait dès lors bien inspiré d’interdire l’utilisation des ces groupes dans le contexte professionnel, mesure qui parait d’ailleurs évidente quand les travailleurs effectuent des tâches régaliennes (et sans parler encore de considérations de sécurité et de discrétion…)

Me Philippe Ehrenström, LL.M. avocat, Genève et Onnens (VD)

A propos Me Philippe Ehrenström

Ce blog présente certains thèmes juridiques en Suisse ainsi que des questions d'actualité. Il est rédigé par Me Philippe Ehrenström, avocat indépendant, LL.M. (Tax), Genève et Yverdon.
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