
La compétence de la Cour de droit public pour connaître de ce litige est remise en cause (…). Il s’agit ainsi de déterminer si les relations de travail nouées entre la recourante et la commission ressortissent au droit public ou au droit privé.
La Constitution fédérale ne règle pas la nature juridique des rapports de travail des employés des collectivités publiques. Les motifs qui plaident en faveur du rapport de droit public résident notamment dans la nature particulière de l’État et des tâches exercées par son personnel, les contraintes constitutionnelles qui pèsent sur l’État employeur, ainsi que l’absence de besoin d’un recours au droit privé. Aussi bien la doctrine majoritaire privilégie-t-elle le droit public pour régler les rapports de travail du personnel de l’État tout en admettant, avec plus ou moins de restrictions, la possibilité de recourir aux contrats de droit privé pour certains salariés (arrêts du TF des 05.05.2020 [8C_295/2019] cons. 3.1 et 18.02.2015 [8C_227/2014] cons. 4.2.2 et les nombreuses réf. doctrinales).
Le Tribunal fédéral a estimé qu’il serait douteux que les cantons puissent, d’une manière générale, soumettre les rapports juridiques entre des entités publiques et leurs employés au droit privé. Cela étant, lorsque tel est le cas, la soumission de ces rapports au droit privé doit se fonder sur une norme cantonale ou communale claire, dépourvue d’équivoque (ATF 118 II 213, JdT 1993 I 635, cons. 3 et les réf. citées). Aussi, le Tribunal fédéral n’exclut pas a priori la possibilité pour les collectivités publiques de soumettre au droit privé, sous certaines conditions toutefois, les rapports de travail qui les lient à certains collaborateurs, un tel engagement de droit privé supposant en tous les cas qu’il trouve un fondement dans une réglementation cantonale ou communale claire et sans équivoque et qu’il ne soit pas exclu par le droit applicable (ATF 142 II 154 cons. 5.2, 118 II 213 cons. 3 ; arrêt du TF du 18.02.2015 [8C_227/2014] cons. 4.2.3). Il ressort ainsi de la jurisprudence du Tribunal fédéral que le législateur peut, en édictant une norme claire à cet effet, décider de soumettre au droit privé ou permettre à l’autorité d’application de soumettre au droit privé certains rapports de travail du personnel étatique (Tanquerel, Droit public et droit privé : unité et diversité du statut de la fonction publique, in: Tanquerel/Bellanger [édit], Les réformes de la fonction publique, 2012, p. 71).
Pour déterminer si un rapport juridique relève du droit privé ou du droit public, on ne peut pas se fonder sur la qualification juridique utilisée par les parties. Ce qui est décisif, c’est le contenu réel du rapport de droit. La qualification des parties n’est ainsi pas déterminante si elle ne correspond pas à la nature juridique réelle de la relation (arrêts du TF des 05.05.2020 [8C_295/2019] cons. 3.2 et 18.02.2015 [8C_227/2014] cons. 4.2.3). Le renvoi aux dispositions du CO n’est pas non plus un élément décisif qui permettrait de conclure au caractère privé de la relation de travail dans la mesure où le CO peut être appliqué à titre de droit public supplétif (arrêt du Tribunal cantonal fribourgeois du 10.10.2016 [601 2016 32] cons. 3b et les réf. citées). Si une autorité est partie audit rapport de droit, le droit public est présumé applicable (ATF 142 II 154 cons. 5.2 et les réf. citées) et si le contrat est directement lié à l’accomplissement d’une tâche d’intérêt public ou concerne un objet réglé par le droit public, il s’agit d’un contrat soumis au droit public (ATF 128 III 250, cons. 2b et les arrêts cités). Une partie de la doctrine estime que ce qui est déterminant, c’est la nature publique de la commission qui, pour cette raison, n’est jamais vraiment sur un pied d’égalité avec son personnel et est soumis à des contraintes constitutionnelles particulières. C’est pourquoi, a contrario, le personnel d’une entité de droit privé sera régi par le droit privé, même si cette entité s’est vu confier l’exécution de tâches publiques (Tanquerel, op. cit., p. 73 et les réf. citées).
En définitive, la seule véritable limite constitutionnelle au choix des collectivités en la matière est le principe d’égalité de traitement : l’existence de statuts différents – de droit privé ou de droit public – doit reposer sur des motifs objectifs suffisants. C’est dans ce sens qu’il faut prendre en considération l’exigence parfois posée par la jurisprudence selon laquelle le recours au droit privé n’interviendra que dans des situations exceptionnelles, les exemples cités étant ceux des emplois de brève durée, des emplois d’auxiliaires, des emplois à taux d’activité très partiels ou des tâches spéciales. Il s’agit, dans ces exemples, de motifs objectifs qui peuvent justifier un recours au droit privé, du point de vue de l’égalité de traitement, en dérogation à la règle générale de droit public (Tanquerel, op. cit., p. 74, Défago Gaudin, Les obstacles à la privatisation de la fonction publique, in : Le droit de la relation de travail à la croisée des chemins : Dunand/Mahon/Perrenoud, Convergences et divergences entre le droit privé du travail et le droit de la fonction publique, 2016, p. 265 ss).
Quant à la jurisprudence cantonale [NE], elle a relevé que l’État pouvait exceptionnellement engager du personnel par contrat de droit privé lorsqu’un des cas prévus à l’article 7 al. 1 LSt était réalisé, soit pour l’exécution de tâches spéciales, ou de durée limitée, ou encore pour assurer le remplacement temporaire d’un titulaire de fonction publique. Ce type d’engagement doit rester exceptionnel et n’être utilisé que lorsqu’il correspond au but poursuivi (arrêt de la Cour de céans du 21.10.2015 [CDP.2015.235] cons. 1a ; RJN 1998, p. 199 cons. 1b). Dans le cas d’une relation juridique entre un ouvrier de voirie-chauffeur et une administration communale, la Cour de cassation civile (RJN 2003, p. 242) s’est référée à la jurisprudence de la Cour de droit public (qui a succédé au Tribunal administratif), la législation communale comprenant un article similaire à l’article 7 LSt. Elle a ajouté que les rapports de service relevaient du droit public également selon les autres critères définis par la doctrine et la jurisprudence, notamment si l’employé a un devoir de fidélité particulier, s’il est soumis à des sanctions disciplinaires ou si sa rémunération est fixée selon le statut de la fonction publique.
Il faut donc examiner de cas en cas si une relation de travail relève du droit public ou privé, et ce en fonction des circonstances concrètes, la soumission du litige au droit public ou au droit privé étant par ailleurs déterminante pour la compétence juridictionnelle (arrêt de la Cour de céans du 17.05.2013 [CDP.2012.152] cons. 2a ; RJN 1998, p. 199, 1997, p. 214 et les réf. citées ; cf. aussi RJN 2003, p. 242, 2000, p. 126 cons. 1). Le Tribunal cantonal a ainsi déjà eu l’occasion de dire que ne relevaient pas du droit public les rapports de travail d’une géologue (arrêt du Tribunal administratif du 16.03.2004 [TA.2003.70]) ou d’une archéologue (arrêt du Tribunal administratif du 23.08.2006 [TA.2006.230] engagées par contrats de droit privé, dont l’activité s’exerçait dans le cadre d’un ouvrage spécifique d’une importance exceptionnelle, de durée certes longue mais limitée, telle que la construction de la route nationale. Il en a fait de même s’agissant de l’engagement par contrat de droit privé d’une vétérinaire cantonale adjointe (RJN 1997, p. 214) en raison de la réorganisation du service vétérinaire cantonal et de la mise à l’épreuve du nouvel organigramme de ce service. Il a en revanche retenu que les conditions légales pour conclure un contrat de droit privé n’étaient pas données dans le cas d’un juriste et adjoint de direction, dont l’activité au sein de l’Établissement cantonal d’assurance immobilière n’était ni limitée dans le temps ni exceptionnelle (RJN 1998, p. 199) ou encore dans celui d’un collaborateur spécialisé dont les tâches relevaient toutes des activités ordinaires de l’office de la procédure d’asile (arrêt du Tribunal administratif du 19.11.2004 [TA.2004.236]).
En l’occurrence, il doit être retenu que le contrat de travail de l’intéressée a été conclu avec une entité publique, que son réel contenu est de nature publique et qu’il n’existe pas de circonstances exceptionnelles justifiant la conclusion d’un contrat de droit privé. Aussi, il doit être requalifié en contrat de droit public, de sorte que la compétence de la Cour de céans est donnée.
(Arrêt de la Cour de droit public du Tribunal cantonal [NE] CDP.2023.326 du 28.12.2023, consid. 1)
Me Philippe Ehrenström, avocat, LLM, CAS, Genève et Onnens (VD)