Révocation d’un policier ivre qui a ouvert le feu dans les locaux de sa brigade

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Le litige porte sur la conformité au droit de l’arrêté du Conseil d’État du 31 mai 2023 prononçant la révocation du recourant.

En matière de sanctions disciplinaires, l’autorité dispose d’un large pouvoir d’appréciation. Le pouvoir d’examen de la chambre de céans se limite à l’excès ou à l’abus du pouvoir d’appréciation (art. 61 al. 2 LPA ).

Fonctionnaire de police, le recourant est soumis à la loi cantonale sur la police (F 1 05 ; LPol), au règlement sur l’organisation de la police du 16 mars 2016 (ROPol – F 1 05.01) ainsi qu’au règlement général sur le personnel de la police du 16 mars 2016 (RGPPol – F 1 05.07).

La loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC – B 5 05) est également applicable, sous réserve des dispositions particulières de la LPol (art. 18 al. 1 LPol ; art. 1 al. 1 let. b LPAC).

Les membres du personnel de l’État sont tenus au respect de l’intérêt de l’État et doivent s’abstenir de tout ce qui peut lui porter préjudice (art. 20 RPAC). Ils se doivent, par leur attitude, notamment d’établir des contacts empreints de compréhension et de tact avec le public (art. 21 let. b RPAC), ainsi que de justifier et de renforcer la considération et la confiance dont la fonction publique doit être l’objet (art. 21 let. c RPAC). Ils se doivent également de remplir tous les devoirs de leur fonction consciencieusement et avec diligence (art. 22 al. 1 RPAC).

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, un fonctionnaire, pendant et hors de son travail, a l’obligation d’adopter un comportement qui inspire le respect et qui est digne de confiance, et sa position exige qu’il s’abstienne de tout ce qui peut porter atteinte aux intérêts de l’État. Il doit en particulier s’abstenir de tout ce qui peut porter atteinte à la confiance du public dans l’intégrité de l’administration et de ses employés et qui pourrait provoquer une baisse de confiance envers l’employeur. Il est sans importance que le comportement répréhensible ait été connu ou non du public et ait attiré l’attention (arrêt du Tribunal fédéral 8C_336/2019 du 9 juillet 2020 consid. 3.2.2 et les références citées).

En tout temps, le personnel de la police donne l’exemple de l’honneur, de l’impartialité, de la dignité et du respect des personnes et des biens (art. 1 al. 2 1ère phrase LPol).

Selon le code de déontologie de la police genevoise (OS DERS I 1.01), qui vise à arrêter les principes généraux dans lesquels s’inscrit l’action de la police et fixe le contexte éthique de l’activité de la police, en sa qualité de serviteur des lois et de l’État, le policier se doit d’avoir en tout temps et en tout lieu un comportement exemplaire, impartial et digne, respectueux de la personne humaine et des biens.

Les exigences quant au comportement d’un policier excèdent celles imposées aux autres fonctionnaires. Sous peine de mettre en péril l’autorité de l’État, les fonctionnaires de police, qui sont chargés d’assurer le maintien de la sécurité et de l’ordre publics et exercent à ce titre une part importante de la puissance publique, doivent être eux-mêmes irréprochables (arrêts du Tribunal fédéral 8C_336/2019 précité ; 8C_252/2018 du 29 janvier 2019 consid. 5.2 ; 8C_146/2014 du 26 juin 2014 consid. 5.5 ; 2P.273/2000 du 11 avril 2001 consid. 3b/bb).

En vertu de l’art. 16 al. 1 LPAC, les fonctionnaires et les employés qui enfreignent leurs devoirs de service, soit intentionnellement soit par négligence, peuvent faire l’objet, selon la gravité de la violation, des sanctions disciplinaires énumérées dans ledit alinéa.

Aux termes de l’art. 36 al. 1 LPol, selon la gravité de la faute, les sanctions disciplinaires suivantes peuvent être infligées au personnel de la police : le blâme (let. a), les services hors tour (let. b), la réduction de traitement pour une durée déterminée (let. c), la dégradation pour une durée déterminée (let. d), et la révocation (let. e). La révocation est prononcée par le Conseil d’État (art. 37al. 2 LPol in fine).

L’art. 38 LPol prévoit que le chef du département et le commandant peuvent en tout temps ordonner l’ouverture d’une enquête administrative. La personne intéressée en est immédiatement informée (al. 1). Lors de l’enquête, la personne concernée doit être entendue par le commandant ou par un chef de service, au sens de l’art. 6 LPol, désigné par lui. Elle est invitée à se déterminer sur les faits qui lui sont reprochés et peut se faire assister d’une personne de son choix (al. 2). À la fin de l’enquête, les résultats de celle-ci et la sanction envisagée sont communiqués à l’intéressé afin qu’il puisse faire valoir ses observations éventuelles (al. 3). Dans l’attente d’une enquête administrative ou pour répondre aux besoins du service, la personne mise en cause peut immédiatement être libérée de son obligation de travailler (al. 4).

Les sanctions disciplinaires sont régies par les principes généraux du droit pénal, de sorte qu’elles ne sauraient être prononcées en l’absence de faute du fonctionnaire. La notion de faute est admise de manière très large en droit disciplinaire et celle-ci peut être commise consciemment, par négligence ou par inconscience, la négligence n’ayant pas à être prévue dans une disposition expresse pour entraîner la punissabilité de l’auteur. La faute disciplinaire peut même être commise par méconnaissance d’une règle. Cette méconnaissance doit cependant être fautive.

Tout agissement, manquement ou omission, dès lors qu’il est incompatible avec le comportement que l’on est en droit d’attendre de celui qui occupe une fonction ou qui exerce une activité soumise au droit disciplinaire peut engendrer une sanction. La loi ne peut pas mentionner toutes les violations possibles des devoirs professionnels ou de fonction. Le législateur est contraint de recourir à des clauses générales susceptibles de saisir tous les agissements et les attitudes qui peuvent constituer des violations de ces devoirs. Dans la fonction publique, ces normes de comportement sont contenues non seulement dans les lois, mais encore dans les cahiers des charges, les règlements et circulaires internes, les ordres de service ou même les directives verbales. Bien que nécessairement imprécises, les prescriptions disciplinaires déterminantes doivent être suffisamment claires pour que chacun puisse régler sa conduite sur elles, et puisse être à même de prévoir, à un degré raisonnable dans les circonstances de la cause, les conséquences de nature à résulter d’un acte déterminé.

L’autorité qui inflige une sanction disciplinaire doit respecter le principe de la proportionnalité. La nature et la quotité de la sanction doivent être appropriées au genre et à la gravité de la violation des devoirs professionnels et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer les buts d’intérêt public recherchés. À cet égard, l’autorité doit tenir compte en premier lieu d’éléments objectifs, à savoir des conséquences que la faute a entraînées pour le bon fonctionnement de la profession en cause et de facteurs subjectifs, tels que la gravité de la faute, ainsi que les mobiles et les antécédents de l’intéressé.

Traditionnellement, le principe de la proportionnalité, garanti par l’art. 5 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. – RS 101), se compose des règles d’aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés, l’on choisisse celui qui porte l’atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public.

La chambre de céans a notamment confirmé la révocation : d’une fonctionnaire du service immobilier des HUG responsable de l’achat de prestations qui avait notamment accepté qu’un prestataire de son employeur effectue des travaux privés à son domicile et confie des travaux sur ses véhicules à son compagnon (ATA/1251/2023 du 21 novembre 2023) ; d’une enseignante qui avait tenu de façon répétée des propos inacceptables en public et devant ses élèves (ATA/177/2023 du 28 février 2023) ; d’un agent de sécurité publique qui enregistrait des vidéos pendant des interventions sans l’accord de personnes filmées (ATA/860/2020 du 8 septembre 2020, confirmé par l’arrêt du Tribunal fédéral 8C_644/2020 du 4 mars 2021) ; d’un fonctionnaire ayant pénétré dans les bureaux des ressources humaines dont l’accès était restreint aux seules personnes autorisées moyennant un badge (révocation avec effet immédiat : ATA/698/2020 du 4 août 2020, confirmé par l’arrêt du Tribunal fédéral 8C_530/2020 du 1er juin 2021) ; d’un huissier-chef ayant transmis des documents à des tiers non autorisés, omis de cadrer une subordonnée et adopté d’autres comportements problématiques (ATA/1287/2019 précité) ; d’un intervenant en protection de l’enfant ayant entretenu une relation intime avec la mère des enfants dont il était resté en charge (ATA/913/2019 du 21 mai 2019, confirmé par l’arrêt du Tribunal fédéral 8C_448/2019 du 20 novembre 2019) ; d’un employé administratif au sein de la police ayant fait usage des outils informatiques mis à sa disposition par son employeur pour satisfaire sa curiosité personnelle et transmettre des données confidentielles à des tiers (ATA/56/2019 du 22 janvier 2019, confirmé par l’arrêt du Tribunal fédéral 8C_161/2019 du 26 juin 2020) ; d’un fonctionnaire ayant dérobé de la nourriture dans les cuisines d’un établissement hospitalier (ATA/118/2016 précité) ; d’un policier ayant frappé un citoyen lors de son audition, alors que ce dernier était menotté et maîtrisé (ATA/446/2013 du 30 juillet 2013, confirmé par l’arrêt du Tribunal fédéral 8C_679/2013 du 7 juillet 2014) ; d’un fonctionnaire ayant insulté, menacé et empoigné un collègue dans un cadre professionnel (ATA/531/2011 du 30 août 2011) ; d’un fonctionnaire ayant notamment entretenu des relations intimes avec des fonctionnaires du service (ATA/39/2010 du 26 janvier 2010, confirmé par l’arrêt du Tribunal fédéral 8C_239/2010 du 9 mai 2011) ; d’un fonctionnaire ayant fréquemment et régulièrement consulté des sites érotiques et pornographiques depuis son poste de travail, malgré une mise en garde préalable et nonobstant la qualité du travail accompli (ATA/618/2010 du 7 septembre 2010) ; d’un enseignant qui avait ramené une prostituée à l’hôtel où logeaient ses élèves, lors d’un voyage de classe, organisé sur son lieu de travail et pendant ses heures de service une rencontre à caractère sexuel avec un jeune homme dont il n’avait pas vérifié l’âge réel et dont il ignorait l’activité, puis menacé ce dernier (ATA/605/2011 du 27 septembre 2011).

La chambre de céans a en revanche annulé la révocation et ordonné la réintégration d’un fonctionnaire, l’autorité intimée ayant mal établi les faits et abusé de son pouvoir d’appréciation en retenant que son comportement constituait du harcèlement sexuel à l’égard d’une collègue (ATA/137/2020 du 11 février 2020) ; en l’absence de violation des devoirs de service d’un fonctionnaire, pour lequel l’autorité d’engagement n’avait pas pu établir qu’il s’était rendu coupable de faux, seul fait à la base de la décision (ATA/911/2015 du 8 septembre 2015), ou au motif que l’autorité avait renoncé à statuer sur le plan disciplinaire pendant plus d’une année, laissant la fonctionnaire concernée dans l’incertitude sur sa situation, ce qui allait à l’encontre des principes du droit disciplinaire (ATA/1235/2018 du 20 novembre 2018).

Le recourant reproche [notamment]  à la décision de violer le principe de la proportionnalité.

L’intimé invoque l’extrême gravité des violations des devoirs de service ne permettant plus de poursuivre les rapports de service. Cette appréciation doit être partagée.

Les agissements du recourant sont objectivement très graves. En faisant feu à sept reprises dans les locaux de sa brigade, il a pris le risque de blesser ou de tuer ses collègues. Il fait valoir qu’il n’a visé qu’une poubelle au sol. Les relevés balistiques montrent toutefois que des éclats ont rebondi dans plusieurs directions et jusqu’au plafond. Son collègue B______ a dans les faits été blessé par ricochet. Le recourant fait valoir que les blessures subies n’ont pas eu de séquelles graves, ce qui est exact, mais l’intimé fait observer à bon droit que c’est le fait du hasard et que les blessures auraient tout aussi bien pu être plus graves, voire fatales. Il y a également lieu de prendre en compte les dommages matériels causés dans les locaux de la brigade. Le recourant soutient que l’activité a pu reprendre sans attendre. Ce faisant, il perd de vue que la collecte des preuves a nécessité le bouclement des bureaux concernés pendant un certain temps. Il est par ailleurs permis de douter que les activités de la brigade ont pu reprendre sans autre après un événement d’une telle gravité. L’usage du véhicule de service en état d’ébriété et la mise en danger de la sécurité par le passage d’un carrefour sans respecter la signalisation lumineuse et en utilisant abusivement les avertisseurs accentuent la gravité du comportement du recourant.

Le recourant prétend que la bonne marche de l’État n’aurait pas été entravée par ses agissements. Il ne tient pas compte ce faisant du retentissement considérable – en termes de sentiment de sécurité, de fiabilité, de respectabilité du corps de police, et partant en termes d’image et de légitimité de l’État – qu’a pu avoir sur les administrés, les justiciables, les citoyens et l’opinion publique le fait qu’un inspecteur de police judiciaire, après s’être enivré tout en conservant sur lui son arme de service, a pu la décharger dans ses locaux professionnels sans raison apparente. Le recourant semble méconnaître la crainte qu’ont pu inspirer ces agissements, non seulement à l’égard de l’auteur des tirs, mais également à l’endroit de sa fonction, de l’institution qu’il représente et plus généralement de l’État, détenteur du monopole de la violence légitime et à ce titre justement surveillé et jugé par la société civile. Le même raisonnement s’applique à l’usage du véhicule de service : les citoyens sont quotidiennement témoins de l’usage des véhicules de police dans des situations d’urgence et doivent être maintenus dans la conviction que celui-ci obéit à des exigences particulièrement strictes ne souffrant pas d’exceptions vu l’accroissement du risque pour la sécurité du trafic. L’usage prioritaire du domaine public pour les interventions d’urgence constitue une partie particulièrement visible et sensible de l’action de l’État et de l’exercice du pouvoir, de sorte que tout abus est susceptible de causer un tort considérable à sa réputation et à la légitimité dont il doit jouir auprès des citoyens.

Le recourant met en avant son appartenance au groupe DEFI ainsi que son expertise et ses qualités de tireur. La circonstance de la maîtrise avancée du tir et des conditions dans lesquelles celui-ci est permis n’est pas de nature à atténuer la gravité objective du comportement. Elle pourrait au contraire accentuer encore la préoccupation publique dès lors que c’est un membre d’une troupe de tir d’élite supposé maîtriser mieux que quiconque l’engagement et l’usage de l’arme qui a fait feu, blessé un collègue et mis en danger les autres.

Le recourant compare ses agissements à la corruption, la violation du secret de fonction ou encore l’abus d’autorité. Ces comportements, pour graves qu’ils puissent être, ne sauraient minimiser ou mitiger la gravité de ceux qui sont reprochés au recourant. En témoigne entre autres la valeur élevée que le code pénal attribue à la vie et à l’intégrité corporelle.

La gravité subjective, ou la faute, du recourant est également particulièrement lourde. C’est en vain que le recourant évoque un dérapage survenu en état d’ébriété. Il lui est reproché d’avoir mis en danger la vie et l’intégrité corporelle de ses collègues, et d’en avoir blessé un. Le recourant ne soutient pas qu’il n’aurait pas disposé de son discernement, ni qu’il aurait agi par négligence. Il ressort de la procédure, et il n’est pas contesté, qu’il a intentionnellement vidé le chargeur de son arme de service dans les locaux de sa brigade.

Il ne peut invoquer un enchaînement de circonstances malheureuses mais doit se laisser reprocher d’avoir conservé son arme de service alors qu’il savait qu’il allait consommer de l’alcool, puis de s’être enivré alors qu’il était porteur de son arme. En d’autres termes, l’alcoolisation est dans ces circonstances en soi constitutive d’une faute et ne saurait en aucun cas être invoquée pour atténuer les fautes qu’elle aurait à son tour entraîné ou permis.

Le recourant invoque son épuisement professionnel. Il ne conteste pas ne l’avoir jamais évoqué devant ses collègues ou sa hiérarchie avant les faits, ni même devant l’IGS et le Ministère public après les faits. L’intimé affirme sans être contredit que personne dans son entourage professionnel n’avait observé de signes d’un tel épuisement. Le recourant a rétracté en fin de procédure les reproches qu’il avait adressé à sa hiérarchie de l’avoir épuisé et poussé au pire.

Cela étant, si un épuisement professionnel devait être avéré, il ne serait pas apte à justifier ni même atténuer la succession de fautes ayant conduit aux tirs. Le fait d’être victime d’un épuisement professionnel et de se trouver en état d’ébriété avec son arme de service ne peut justifier que l’on tire dans les locaux professionnels et mette en danger des collègues. Ainsi que l’a relevé l’intimé, le recourant n’était pas seul à subir des pressions professionnelles intenses, et aucun de ses collègues dans la même situation n’a adopté son comportement.

Le recourant a évoqué devant l’IGS puis le Ministère public son alcoolisation pour expliquer son geste. Il a qualifié son comportement de stupide et de dangereux. À un collègue, il a dit qu’il avait été « con ». Il a par la suite fait état d’un épuisement professionnel progressif. Il n’a toutefois jamais exposé jusqu’à ce jour le mobile ou le motif pour lequel il avait agi, ce qui peut paraître surprenant dès lors qu’il insiste par ailleurs sur le travail d’introspection qu’il a accompli avec l’aide de son psychiatre. Son geste demeure ainsi inexpliqué à ce jour, quoi qu’il en dise, ce qui constituerait en soi un motif sérieux de préoccupation si l’intimé devait considérer de le garder à son service.

Le recourant fait valoir ses états de service, dont il faut dire qu’ils sont particulièrement dignes d’éloge. Ceux-ci ont été pleinement reconnus et salués en leur temps par l’intimé. Ils ont été pris en compte dans la présente procédure pour la pesée entre l’intérêt privé du recourant à la conservation de sa fonction et celui de l’État à ne pas le garder à son service.

Le recourant critique cette pesée des intérêts. Il ne peut être suivi. Il ne peut être attendu de l’État qu’il garde à son service un fonctionnaire de police qui a si gravement failli à ses devoirs dans un domaine aussi emblématique que l’usage de son arme de service. Aucune autre sanction moins sévère que la révocation ne saurait être envisagée, au double motif que la gravité de la faute appelle la sanction la plus sévère en l’espèce, et que l’intérêt de l’État à ne pas conserver dans les fonctions de policier une personne ayant si sérieusement violé ses obligations de service prévaut sans aucun doute possible sur l’intérêt du recourant à conserver son emploi, toute autre sanction étant inapte à atteindre ce but.

Les considérations sur l’intérêt de l’État à conserver un aussi bon élément que le recourant ne sont d’aucun secours à ce dernier. Tout fonctionnaire, si brillant soit‑il, est remplaçable et rien ne permet d’exclure que d’autres collègues présenteront les mêmes qualités que le recourant. Surtout, après les événements qui lui valent la présente procédure, le recourant ne saurait sans autre se qualifier d’excellent élément, à peine de donner l’impression qu’il minimise voire méconnaît la gravité de ses agissements.

L’intimé peut ainsi être suivi lorsqu’il expose que les excellents états de service passés du recourant ne contrebalancent pas la gravité de sa faute et la nécessité de l’écarter de la police. Il ne peut être imposé à l’État d’engager sa responsabilité et son image en gardant à son service un fonctionnaire qui a si gravement menacé des valeurs comme la vie et l’intégrité corporelle de ses collègues. À eux seuls, les tirs commis par le recourant dans les locaux de la brigade suffisent pour fonder la révocation.

La révocation apparaît ainsi en tous points justifiée.

(Arrêt de la Chambre administrative de la Cour de justice [GE] ATA/384/2024 du 19.03.2024)

Me Philippe Ehrenström, avocat, LLM, CAS, Genève et Onnens (VD)

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About Me Philippe Ehrenström

Ce blog présente certains thèmes juridiques en Suisse ainsi que des questions d'actualité. Il est rédigé par Me Philippe Ehrenström, avocat indépendant, LL.M., Yverdon-les-Bains
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