
Les « silent updates » (mises à jour silencieuses) sont des mises à jour logicielles téléchargées et installées automatiquement, en arrière-plan, sans solliciter l’intervention de l’utilisateur et parfois même sans information immédiate. Elles se distinguent des mises à jour « classiques » qui demandent une validation, affichent une progression et peuvent imposer un redémarrage.
Le procédé est utilisé dans des environnements très variés, des systèmes d’exploitation et navigateurs aux applications mobiles, solutions d’entreprise, objets connectés et services cloud.
La motivation principale est la cybersécurité. Une vulnérabilité connue mais non corrigée crée une fenêtre pendant laquelle un attaquant peut l’exploiter ; les silent updates réduisent le délai entre la disponibilité d’un correctif et son application effective.
Cela explique leur importance dans les antivirus et logiciels de sécurité, qui doivent actualiser fréquemment signatures et mécanismes de détection afin de rester efficaces contre des menaces qui évoluent en continu.
Les « silent updates » présentent certains avantages.
D’abord, un gain de sécurité par réduction du temps d’exposition et une capacité de réaction rapide, y compris pour des correctifs urgents. Ensuite, une meilleure continuité d’usage : l’absence de sollicitations réduit les interruptions et la probabilité que l’utilisateur reporte l’opération, ce qui diminue la part d’erreur humaine. Pour les organisations, cela facilite la standardisation des versions, simplifie l’administration et peut réduire les coûts de support liés à des logiciels non mis à jour.
Ces bénéfices s’accompagnent toutefois de risques qui doivent être anticipés, au premier rang desquels la transparence envers l’utilisateur et la maîtrise par celui-ci. Il ne sait pas exactement ce qui change, quand, ni avec quels effets, ce qui peut alimenter un sentiment de perte de contrôle, des inquiétudes sur la confidentialité et des lacunes quant aux obligations légales ou prudentielles. Par ailleurs, avec les services d’IA, la « mise à jour » peut être un changement de comportement du système (ton, règles de sûreté, réglages par défaut, traitement de sujets sensibles, etc.), déployé progressivement et sans notification uniforme. Cela a un effet sur la compréhension du service par l’utilisateur et, dans un contexte d’entreprise, sur l’aptitude à exercer une surveillance et une traçabilité satisfaisantes. C’est ce qui s’est passé par exemple avec l’arrivée de GPT-5.1 d’OpenAI en novembre 2025, dont les modifications, substantielles, n’ont fait l’objet que de communications sur des blogs et des réseaux sociaux. (OpenAI, GPT-5.1 : Un ChatGPT plus intelligent et plus naturel dans ses réponses, 12 novembre 2025, https://openai.com/fr-FR/index/gpt-5-1/, consulté le 12.12.2025).
Pour la pratique suisse, l’enjeu est de gouverner ces mises à jour plutôt que de les exclure. Sur le plan contractuel, il est utile de préciser le périmètre des silent updates, la distinction entre mises à jour critiques et non critiques, l’information a posteriori (notes de version), les fenêtres de maintenance, la préservation des configurations, et les modalités de retour arrière, en veillant à la cohérence avec les engagements de disponibilité et de support.
Sur le plan de la protection des données (LPD et, le cas échéant, RGPD), l’attention porte sur la transparence du traitement, la sécurité technique et organisationnelle et la gestion du changement : une mise à jour qui modifie la collecte, l’usage ou le transfert de données doit être documentée, communiquée selon les bases applicables et, dans les environnements sensibles, intégrée à un dispositif de contrôle interne (journalisation, validation, tests, et procédure d’incident). Enfin, pour les outils d’IA utilisés en production, la question n’est pas seulement « le système est-il à jour ? », mais « quelle version ou quel comportement est en service à telle date ? », afin de pouvoir expliquer une décision, reconstituer un dossier et vérifier la conformité continue.
En pratique, il est recommandé d’équilibrer automatisation et information : même si la mise à jour est silencieuse, des notes de version accessibles, des notifications non intrusives ou des options de préférence (par exemple différer les mises à jour non critiques) contribuent à préserver la confiance.
(Fabrizio Degni, How many of you were aware of the release of the new version of GPT-5.1? linkedin, 13 novembre 2025 (https://www.linkedin.com/posts/fdegni_openai-gpt-51-instant-and-gpt-51-thinking-activity-7394614674102587394-StNk?utm_source=share&utm_medium=member_desktop&rcm=ACoAAAX2b5oB2W8RFgEb7aoRz8wscswBHlxf0Mg, consulté le 13.12. 2025 ; Reason Labs, What are Silent Updates? 2023, https://cyberpedia.reasonlabs.com/EN/silent%20updates.html, consulté le 15.12.2025 ; Xeox, Demystifying Silent Updates, 8 juillet 2024, https://xeox.com/blog/demystifying-silent-updates/, consulté le 15.12.2025)
Me Philippe Ehrenström, avocat, LLM, CAS en Droit et Intelligence Artificielle