Responsabilité de l’employé: lien de causalité entre les actes et le dommage (art. 321e CO)

Dans un arrêt CACI 16 novembre 2025/180, consid. 4.3.2, la Cour d’appel civile du Tribunal cantonal vaudois s’est penchée sur le cas d’un courtier, dont l’employeur estimait que son travail était de très faible qualité, ce qui aurait induit des clients en erreur sur la nature et la portée des documents soumis à leur signature. Son comportement vis-à-vis de la clientèle avait été dénué de toute forme d’éthique et de professionnalisme. L’employeur soutient donc que les violations précitées lui ont causé un dommage équivalant aux commissions annulées par les clients mécontents de ses prestations. Pour la Cour, on doit admettre, avec l’employeuse, que les éléments au dossier sont suffisants pour démontrer que l’employé ne s’est pas toujours comporté correctement vis-à-vis des clients. Ainsi, plusieurs clients du courtier ont écrit avoir été dupés par ce dernier. Ce faisant, l’employé a donc violé ses obligations contractuelles, son contrat prévoyant expressément, comme tâche principale, le fait de développer et d’entretenir des relations de confiance avec la clientèle. Tel n’a apparemment pas été le cas à la lecture des multiples courriers de clients produits. Mais le raisonnement ne s’arrête pas à ce constat. On doit en effet se demander si les allégués et moyens de preuve offerts sont suffisants pour établir un lien de causalité entre les violations contractuelles précitées et le dommage invoqué par l’employeuse. En effet, celle-ci a chiffré son dommage à 11’051 fr., correspondant aux ristournes dues par l’intimé en application du contrat de travail. Elle a produit, pour établir son dommage, des tableaux Excel établis par ses soins. Ces documents indiquent les prénoms, noms, dates de naissance et adresses des assurés, les assurances concernées, les type d’assurance, les produits concernés et les états des contrats d’assurance conclus, à savoir le montant ristourné. Ces pièces, établies par l’employeuse elle-même, sont insuffisantes pour établir le lien de causalité et le dommage subi. D’une part, il est impossible de conclure que l’employé a violé son devoir de diligence pour chaque cas dans lequel une ristourne a été sollicitée. En effet, les contrats d’assurance peuvent être annulés pour divers motifs et des annulations peuvent ainsi également être le fait de la compagnie d’assurance, par exemple en cas de fausses déclarations du client ou de délai trop long entre la date de conclusion du contrat et son entrée en vigueur. D’autre part, les règlements de commissionnement des compagnies partenaires de l’employeuse ne figurent pas au dossier. Il en va de même des demandes d’extournes des commissions des assurances concernées. On ne connaît pas non plus les dates de résiliation des contrats conclus par l’employé, ni les éventuelles commissions réellement extournées par l’employeuse. Les éléments sont par conséquent insuffisants pour statuer sur le lien de causalité et le dommage.

Avatar de Inconnu

About Me Philippe Ehrenström

Ce blog présente certains thèmes juridiques en Suisse ainsi que des questions d'actualité. Il est rédigé par Me Philippe Ehrenström, avocat indépendant, LL.M., Yverdon-les-Bains
Cet article, publié dans Responsabilité du travailleur, est tagué , , , , , , , , , . Ajoutez ce permalien à vos favoris.

Laisser un commentaire