Travail sur appel, risque économique

Le travail sur appel suppose la mise à contribution du travailleur en fonction du volume de travail. Dans le travail sur appel proprement dit (echte Arbeit auf Abruf), le travailleur s’oblige à fournir la prestation de travail chaque fois que l’employeur fait appel à lui (ATF 124 III 249).

En soi, le travail sur appel n’est pas interdit par la loi. Il n’en demeure pas moins que cette forme de travail doit respecter les dispositions légales impératives (art. 361 et 362 CO) et qu’elle peut, le cas échéant, être incompatible avec les clauses normatives d’une convention collective de travail. L’une des limites au travail sur appel se rencontre en cas de diminution brutale du volume mensuel de travail, laquelle peut notamment vider de sa substance la protection impérative liée au délai de congé fixé à l’art. 335c CO. En effet, même si, par définition, le volume du travail sur appel varie selon les circonstances, l’employeur – qui supporte le risque d’entreprise selon la règle impérative de l’art. 324 al. 1 CO – ne peut pas refuser d’un jour à l’autre les services du travailleur et le priver subitement de toute rémunération (cf. art. 326 CO); jusqu’à l’échéance du délai de congé, le travailleur a donc droit à son salaire, calculé sur la base de la moyenne des rémunérations perçues pendant une période déterminée équitablement (ATF 125 III 65).

Dans le cas d’espèce, il est établi uniquement que le recourant (= le travailleur) n’a pas travaillé pour l’intimé (= l’employeur) certains mois et qu’il a travaillé en tout cas le nombre d’heures ressortant des fiches de salaire, sans qu’un horaire précis sur une période significative puisse être démontré. Il apparaît ainsi que, selon l’accord des parties, l’employeur pouvait faire appel aux services du travailleur au moment qui lui convenait pour le nombre d’heures qui l’arrangeait, quitte à n’offrir aucun travail pendant de longues périodes durant lesquelles le travailleur ne percevait aucune rémunération.

Le système adopté par les parties permettait à l’employeur de déterminer unilatéralement, en fonction de ses propres besoins, la durée du travail et la rétribution du travailleur, lequel a d’ailleurs été privé certains mois de toute rémunération; il a conduit à reporter le risque d’entreprise sur le travailleur puisque celui-ci renonçait à son salaire en cas de diminution brutale du volume de travail. Un tel système est prohibé par la loi, dès lors que l’employeur en demeure de fournir du travail reste devoir le salaire (art. 324 al. 1 CO) et que le travailleur ne peut pas renoncer au bénéfice de cette règle impérative en tout cas pendant la durée du contrat (art. 362 et 341 al. 1 CO).

Du reste, le principe du risque d’entreprise à la charge de l’employeur est concrétisé également en matière de travail aux pièces ou à la tâche lorsque l’employé travaille pour un seul employeur (art. 326 CO). Ce dernier doit fournir du travail en quantité suffisante (al. 1). S’il se trouve sans sa faute dans l’impossibilité de fournir du travail aux pièces ou à la tâche, il peut charger le travailleur d’un travail payé au temps (al. 2) et lui versera alors l’équivalent du salaire moyen aux pièces ou à la tâche qu’il gagnait jusqu’alors, à moins que le salaire payé au temps ne soit fixé dans un accord, un contrat-type de travail ou une convention collective (al. 3); l’employeur qui ne peut pas fournir suffisamment de travail aux pièces ou à la tâche ni de travail payé au temps, n’en reste pas moins tenu, conformément aux dispositions sur la demeure, de payer le salaire qu’il devrait verser pour du travail payé au temps (al. 4).

Il s’ensuit que le travailleur sur appel devait pouvoir compter sur un certain taux d’activité pendant toute la durée des rapports de travail, sans être soumis au bon vouloir de l’employeur s’agissant de sa rémunération moyenne.

(Arrêt du Tribunal fédéral 4A_534/2017 du 27 août 2018)

Me Philippe Ehrenström, LL.M., avocat, Genève et Yverdon-les-Bains

A propos Me Philippe Ehrenström

Ce blog présente certains thèmes juridiques en Suisse ainsi que des questions d'actualité. Il est rédigé par Me Philippe Ehrenström, avocat indépendant, LL.M. (Tax), Genève et Yverdon.
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