Si l’on en croit une ébouriffante « opinion » parue dans Le Temps du 6 avril 2020 (et online le jour précédent : https://www.letemps.ch/economie/linsoutenable-surenchere-pretentions-liberales), les professions libérales se livreraient à une « insoutenable surenchère » de « prétentions », ce par quoi il faut entendre, bien sûr, non pas la manifestation de la haute estime qu’elles auraient d’elles-mêmes (contrairement aux journalistes ?), mais des revendications purement et bassement matérielles en rapport avec la crise causée par le coronavirus. Ces vilains indépendants se montreraient ainsi « dangereusement gourmands » au détriment de l’intérêt public en cette crise épidémique, contrairement aux journalistes et aux journaux on suppose, dont la sobriété légendaire rappelle celle des camélidés.
On ne sait ce qu’il faut le plus admirer dans cette « opinion », de son ton sentencieux et moralisateur (n’est pas La Fontaine qui veut), de son absence de logique (les indépendants sont trop gourmands, sauf ceux qui méritent de l’être selon ce que l’on en pense) ou de son délicat parfum de démagogie (les avocats et les psychologues roulent tous sur l’or, c’est bien connu). Son auteur (mais sans doute faut-il parler d’autrice en ces pages) semble aussi confondre le revenu net et le revenu brut, et oublier que les indépendants sont grevés de toute une série de charges en sus des charges salariales de leurs employés.
Mais peu importe.
En définitive, puisque l’on invite (et sur quel ton !) les indépendants à la sobriété, donnons raison à l’auteur (autrice) contre elle-même. Indépendants, mes frères, commencez par réformer votre train de vie en cessant d’acheter un journal qui vous tient en si piètre estime. Lisez plutôt la presse et les hebdomadaires alémaniques : vous ferez souvent des économies, serez mieux informés et améliorerez même votre Allemand !
Me Philippe Ehrenström, LL.M., avocat, Genève et Onens (VD)