Sur le plan systématique, le droit fiscal prévoit des déductions organiques (frais d’acquisition du revenu), des déductions anorganiques et des déductions sociales. Relèvent notamment des frais d’acquisition du revenu les frais de l’exercice de l’activité lucrative dépendante (art. 26 LIFD) et les déductions liées à la fortune prévues par la loi (art. 32 LIFD). Le montant obtenu après déduction des frais d’acquisition du revenu représente la capacité contributive objective d’un contribuable.
La conception originelle de la notion de frais d’acquisition du revenu était finaliste. Selon celle-ci, seules les dépenses effectuées dans le but de réaliser un revenu était déductibles. En revanche, selon la conception causale de la notion de frais d’acquisition du revenu, les dépenses engagées lors de la réalisation du revenu sont déductibles.
S’agissant des frais d’acquisition du revenu, la doctrine suit aujourd’hui apparemment de manière unanime l’approche causale. Il est toutefois également soutenu que l’aspect finaliste ne devrait pas être totalement occulté. Cette approche plutôt pragmatique est à tout le moins très proche de la jurisprudence du Tribunal fédéral. Selon celle-ci, constituent d’abord des frais d’acquisition du revenu les dépenses qui on été «essentiellement causées, respectivement engagées par la réalisation du revenu» (condition de la causalité) et «dont on ne peut exiger du contribuable qu’il l’évite» (condition de l’inexigibilité; ATF 124 II 29 consid. 3a p. 32; arrêt 2C_692/2013 du 24 mars 2014 consid. 4.3, in Archives 82 p. 740, RF69/2014 p. 531), ce qui peut comprendre aussi bien les coûts finalistes que les coûts causaux (ATF 142 II 293 consid. 3.1 p. 298 s.).
La notion générale de frais d’acquisition du revenu, tel qu’elle ressort de l’art. 25 LIFD, a été précisée dans le contexte de l’exercice d’une activité lucrative dépendante à l’article 26 LIFD. En ce qui concerne les frais professionnels de transport, sont déductibles selon l’art. 26 al. 1 let. a LIFD les frais de déplacement nécessaires entre le domicile et le lieu de travail. Dans sa version du 21 juin 2013, entrée en vigueur le 1er janvier 2016, un plafond maximal de 3’000 fr. s’applique.
Le Département fédéral des finances a adopté l’ordonnance du 10 février 1993 sur la déduction des frais professionnels des personnes exerçant une activité lucrative dépendante (RS 642.118.1; ci-après: OFP). Aux termes de l’art. 5 al. 1 OFP dans sa version originelle ici applicable, au titre des frais nécessaires de déplacement entre le domicile et le lieu de travail, le contribuable qui utilise les transports publics peut déduire ses dépenses effectives. S’il n’existe pas de transports publics ou si l’on ne peut raisonnablement exiger du contribuable qu’il les utilise, ce dernier peut déduire les frais d’utilisation d’un véhicule privé d’après les forfaits de l’art. 3 OFP (art. 5 al. 3 OFP dans sa version originelle). Pour les motocycles avec plaque d’immatriculation sur fond blanc, un tarif kilométrique est applicable. En revanche, pour les vélos, les cyclomoteurs et les motocycles avec plaque d’immatriculation sur fond jaune, la déduction consiste en un montant forfaitaire de 700 fr. par an (appendice 1 à l’OFP).
L’administration des contributions du canton de Zurich (AFC/ZH ; recourante) est d’avis que l’art. 5 OFP exclut le cumul de l’utilisation des transports publics et d’un moyen de transport privé. Ce point de vue ne peut pas être suivi.
Le point de départ est l’art. 26 al. 1 let. a LIFD, selon lequel les «frais de déplacement nécessaires entre le domicile et le lieu de travail» peuvent être déduits. La loi laisse ouverte la question de la manière dont le trajet professionnel est effectué, dès lors qu’il n’appartient de toute manière pas au droit fiscal de prévoir des règles sur l’aménagement du trajet professionnel. Il ressort certes de l’OFP une préférence en faveur des transports publics, puisque les frais d’utilisation d’un véhicule privé ne peuvent être déduits qu’à titre subsidiaire. En effet, selon l’art. 5 al. 3 OFP dans sa version applicable en l’espèce, ne sont déductibles les frais d’utilisation d’un véhicule privé que s’il n’existe pas de transports publics ou si l’on ne peut raisonnablement exiger du contribuable qu’il les utilise. L’administration et les tribunaux poursuivent par là un certain but incitatif. Quelle que soit la préférence, la loi n’exclut toutefois pas les frais d’utilisation d’un véhicule privé ni ne prévoit du reste que le trajet professionnel doive être effectué de manière exclusive, à savoir soit uniquement au moyen d’un véhicule privé ou uniquement par les transports publics.
La seule question à trancher est donc liée à la condition du caractère non raisonnablement exigible (art. 5 al. 3 OFP). De fait, le Tribunal fédéral a développé de la jurisprudence sur ce sujet, comme le relève à juste titre l’AFC/ZH. Il n’y a pas de caractère raisonnablement exigible si l’assujetti est infirme ou malade, si l’arrêt de transport public le plus proche est éloigné du lieu de résidence ou de travail, si les heures de début et de fin du travail n’ont pas lieu aux heures des transports publics, ou si le contribuable a généralement besoin d’un véhicule motorisé pour son activité professionnelle (cf. par exemple arrêt 2C_807/2011 du 9 juillet 2012 consid. 2.3.1, in StE 2012 B 97.41 Nr. 25, RF 67/2012 p. 677).
[Admission de la déduction cumulative frais de vélo et transports publics dans le cas d’espèce].
(Arrêt du Tribunal fédéral 2C_745/2017 du 21 septembre 2017, RDAF 2018 II 149)
Me Philippe Ehrenström, LL.M., avocat, Genève et Yverdon-les-Bains