Selon l’art. 8 al. 1 let. e de la loi fédérale du 25 juin 1982 sur l’assurance-chômage obligatoire et l’indemnité en cas d’insolvabilité (Loi sur l’assurance-chômage, LACI ; RS 837.0), l’assuré a droit à l’indemnité de chômage s’il remplit les conditions relatives à la période de cotisation ou en est libéré (art. 13 et 14 LACI).
Aux termes de l’art. 13 al. 1 LACI, celui qui, dans les limites du délai-cadre prévu à cet effet (art. 9 al. 3 [LACI]), a exercé durant douze mois au moins une activité soumise à cotisation remplit les conditions relatives à la période de cotisation. Selon l’art. 14 al. 1 let. c LACI, sont libérées des conditions relatives à la période de cotisation les personnes qui, dans les limites du délai-cadre et pendant plus de douze mois au total, n’étaient pas parties à un rapport de travail et, partant, n’ont pu remplir les conditions relatives à la période de cotisation, notamment en raison d’un séjour dans un établissement suisse de détention ou d’éducation au travail, ou dans une institution suisse de même nature.
En l’espèce, le litige porte sur le point de savoir si, durant le délai-cadre applicable à la période de cotisation, à savoir du 7 mars 2015 au 6 mars 2017, les activités exercées par le recourant au sein de la prison B.________ et de l’établissement fermé C.________ constituent des activités soumises à cotisation au sens de l’art. 13 al. 1 LACI ou si l’on est en présence d’un motif de libération au sens de l’art. 14 al. 1 let. c LACI.
La cour cantonale a retenu que les activités en cause n’étaient pas assimilées à un emploi ordinaire, bien qu’elles fussent rémunérées, dès lors que la rétribution versée n’équivalait pas à un salaire. Elle a relevé en particulier que le travail carcéral avait pour objectif de garantir notamment l’ordre et la gestion économique des établissements pénitentiaires et que les conditions de travail en prison étaient particulières (système fermé, temps moins long, types d’activité limités). En outre, la rémunération était insaisissable (art. 83 al. 2 CP), contrairement au salaire perçu par les travailleurs dans la vie extérieure. De l’avis des premiers juges, le détenu ne pouvait donc pas être considéré comme un travailleur ordinaire, pas plus qu’un établissement pénitentiaire ne pouvait être qualifié d’employeur privé ou public ordinaire. Par ailleurs, étant donné que les emplois exercés par les détenus en prison n’étaient pas considérés comme une activité lucrative et que la rémunération ne correspondait pas à un salaire, aucune cotisation à l’assurance-chômage n’était déduite de cette rémunération. C’était donc à juste titre que l’intimée avait libéré le recourant des conditions relatives à la période de cotisation au sens de l’art. 14 LACI.
Se prévalant du ch. 2031 des directives de l’OFAS sur les cotisations des travailleurs indépendants et des personnes sans activités lucratives dans l’AVS, AI et APG (DIN), le recourant fait valoir que seuls les détenus inculpés et condamnés sont réputés sans activité lucrative. Il se prévaut également de ses horaires de travail en détention, ainsi que des attestations de travail et feuilles de salaire.
Les directives administratives de l’OFAS ne créent pas de nouvelles règles de droit mais sont destinées à assurer l’application uniforme des prescriptions légales, en visant à unifier, voire à codifier la pratique des organes d’exécution. Elles ont notamment pour but d’établir des critères généraux d’après lesquels sera tranché chaque cas d’espèce et cela aussi bien dans l’intérêt de la praticabilité que pour assurer une égalité de traitement des ayants droit. Ces directives n’ont d’effet qu’à l’égard de l’administration, dont elles donnent le point de vue sur l’application d’une règle de droit et non pas une interprétation contraignante de celle-ci. Cela ne signifie toutefois pas que le juge n’en tienne pas compte. Au contraire, il doit les prendre en considération lors de sa décision lorsqu’elles offrent une interprétation satisfaisante des dispositions légales applicables et adaptée au cas d’espèce. Il ne s’en écarte que dans la mesure où les directives administratives établissent des normes qui ne sont pas conformes aux dispositions légales applicables.
Il ressort des directives DIN (tant dans la version actuelle, au chiffre invoqué par le recourant, que dans les versions en vigueur pendant le délai-cadre de cotisation) que sont réputés personnes sans activité lucrative, s’ils ont leur domicile civil en Suisse, les détenus (inculpés et condamnés) et les personnes internées en exécution d’une mesure prévue par le code pénal ou d’une décision administrative qui, durant leur séjour dans l’établissement, n’ont aucun revenu d’activité lucrative, ni au service d’un tiers, ni au service de l’établissement lui-même; la rémunération au sens de l’art. 83 CP n’est pas considérée comme le produit d’un travail.
En l’occurrence, l’argumentation du recourant est mal fondée. D’abord, contrairement à ce qu’il soutient, la juridiction cantonale a répondu à son grief tiré des directives susmentionnées. En effet, elle a retenu que même si la condamnation du recourant n’était devenue définitive que le 25 décembre 2015 (date de l’arrêt du Tribunal fédéral confirmant la condamnation au pénal [recte: 23 décembre 2015]), il n’en demeurait pas moins que les activités réalisées en prison n’étaient pas assimilées à un emploi ordinaire, qu’elles aient été exercées avant ou après cette date. Ensuite, en admettant que le recourant n’avait pas le statut de détenu condamné avant la confirmation de sa condamnation par le Tribunal fédéral, il n’en demeure pas moins que, conformément au ch. 2031 des directives DIN, les détenus inculpés sont aussi réputés sans activité lucrative. En outre, même si l’on tenait compte de l’activité exercée en détention jusqu’au 23 décembre 2015, le recourant ne remplirait pas la condition des douze mois de cotisation de l’art. 13 al. 1 LACI, dans la mesure où seule l’activité exercée pendant le délai-cadre de cotisation, soit depuis le 7 mars 2015, entre en ligne de compte. En conclusion, le recourant ne peut se prévaloir des directives DIN pour fonder son droit à des indemnités de chômage calculées sur la base d’une période de cotisation suffisante selon l’art. 13 LACI.
En tout état de cause, pour qu’un assuré remplisse les conditions relatives à la période de cotisation au sens de l’art. 13 al. 1 LACI, il faut notamment qu’il ait eu le statut de travailleur. Le statut de travailleur salarié est défini à l’art. 2 al. 1 let. a LACI comme le travailleur (art. 10 LPGA [RS 830.1]) obligatoirement assuré selon la LAVS et devant payer des cotisations sur le revenu d’une activité dépendante en vertu de cette loi. Aussi, la notion de travailleur (salarié) dans l’assurance-chômage est-elle étroitement liée à l’exercice d’une activité dépendante au sens de la LAVS. Or, sous réserve de cas particuliers relevant des régimes en partie ouverts, comme la semi-détention (cf. ATF 141 V 466), les personnes en détention provisoire ou pour des motifs de sûreté, purgeant une peine de privation de liberté, ou en exécution d’une mesure prévue par le Code pénal, sont considérées comme des personnes sans activité lucrative selon la LAVS (cf. Message du 24 mai 1946 sur le projet de loi sur l’assurance-vieillesse et survivants, FF 1946 II 513.). En particulier, l’obligation du détenu de travailler en vertu de l’art. 81 al. 1 CP ne relève pas de l’exercice d’une activité lucrative; la rémunération versée aux détenus sur la base de l’art. 83 CP ne constitue donc pas un revenu provenant d’une activité dépendante. Il s’ensuit que le recourant doit être considéré comme une personne sans activité lucrative, quand bien même il a travaillé pendant sa détention et perçu une rémunération au sens des art. 81 al. 1 et 83 CP. L’impossibilité, pendant la détention, d’être partie à un rapport de travail sur le marché ordinaire de l’emploi découle d’ailleurs de l’art. 14 LACI qui conçoit la privation de liberté comme un motif de libération des conditions relatives à la période de cotisation.
Cela étant, les premiers juges ont retenu à juste titre que le recourant ne remplissait pas les conditions de l’art. 13 al. 1 LACI mais bel et bien celles de l’art. 14 al. 1 let. c LACI.
Vu ce qui précède, le jugement attaqué n’est pas critiquable et le recours se révèle mal fondé.
(Arrêt du Tribunal fédéral 8C_405/2018 du 22 janvier 2019, destiné à la publication)
Me Philippe Ehrenström, LL.M., avocat, Genève et Yverdon-les-Bains