Vidéosurveillance….
Ensuite d’une plainte pénale pour vol déposée par le gérant d’une SARL, la police installe une vidéosurveillance dans les locaux de la société, avec l’accord des gérants de la société mais sans en informer les employés. Le voleur est arrêté, renvoyé en justice, acquitté puis finalement condamné devant l’Obergericht de Soleure. Il recourt devant le Tribunal fédéral, qui tranche le cas dans un arrêt 6B_181/2018 du 20.12.2018 présenté et commenté récemment par Célian Hirsch sur l’excellent site lawinside.ch
L’art. 196 CPP définit les mesures de contrainte comme des actes de procédure des autorités pénales qui portent atteinte aux droits fondamentaux des personnes intéressées. L’art. 13 al. 2 Cst. prévoit que toute personne a le droit d’être protégée contre l’emploi abusif des données qui la concernent. La formulation est trompeuse : cette disposition couvre notamment l’ensemble des activités gouvernementales liées aux données, telles que la perception, la collecte, le stockage, la sauvegarde, le traitement ainsi que la transmission et la communication à des tiers.
Le Tribunal fédéral considère que la vidéosurveillance en question porte atteinte aux droits fondamentaux du prévenu et constitue une mesure de contrainte. L’accord des gérants quant à la mise en place de la vidéosurveillance n’y change rien puisque cette dernière visait les employés.
La vidéosurveillance constitue une mesure technique de surveillance au sens de l’art. 280 CPP qui aurait dû être ordonnée par le ministère public avec l’aval du tribunal des mesures de contrainte. Dès lors que la police a installé la vidéosurveillance sans respecter ces exigences légales, les informations recueillies sont inexploitables et doivent être détruites (art. 281 al. 4 et art. 277 al. 1 CPP).
Dans un autre arrêt 6B_536/2009 du 12 novembre 2009, le Tribunal fédéral avait considéré que la vidéosurveillance mise en place par l’employeur ne violait pas dans le cas d’espèce l’art. 26 al. 1 OLT 3 selon lequel il est interdit d’utiliser des systèmes de surveillance ou de contrôle destinés à surveiller le comportement des travailleurs à leur poste de travail. La vidéosurveillance ne portait pas non plus atteinte de manière illicite aux droits de la personnalité de l’employé au regard des art. 28 CC, 328 et 328b CO ainsi que de l’art. 12 LPD. Dans un arrêt 9C_785/2010 du 10 juin 2011 en matière d’assurances sociales, le Tribunal fédéral avait examiné la proportionnalité d’une vidéosurveillance d’employés suspectés de vol. Il avait admis le recours en soulignant l’intérêt public prépondérant d’une telle surveillance qui permet notamment de lever une suspicion générale de vol qui peut peser à l’encontre de plusieurs employés.
Ces deux exemples visent toutefois des mesures de vidéosurveillance ordonnées par des particuliers, et non, comme en l’espèce, une mesure de contrainte mise en place par la police.
La morale de cette histoire est que l’employeur aurait probablement dû recourir directement à des mesures de surveillances par lui-même, puis démontrer leur caractère licite (ce qui peut être le cas en droit privé, notamment à l’aune des critères de publicité et de proportionnalité de la mesure) et utile à la procédure pénale.
(Source : Célian Hirsch, L’inexploitabilité de la vidéosurveillance d’employés par la police, in : http://www.lawinside.ch/711/)
Me Philippe Ehrenström, LL.M., avocat, Genève et Yverdon-les-Bains