
Les dispositions de la LTr concernant la durée du travail ne s’appliquent pas aux travailleurs qui exercent une fonction dirigeante élevée (art. 3 let. d LTr), de sorte que ces derniers ne sont pas soumis aux restrictions prévues par les art. 9, 12 et 13 LTr.
La notion de « fonction dirigeante élevée » a pour but de ne pas entraver, par une intervention du droit public, les décisions que peuvent être amenées à prendre, pour les besoins de l’entreprise, les personnes qui ont la charge de ses affaires. Le législateur est parti de l’idée que les personnes exerçant une « fonction dirigeante élevée » n’avaient pas besoin de protection de droit public.
Aux termes de l’art. 9 OLT1, exerce une « fonction dirigeante élevée » quiconque dispose, de par sa position et sa responsabilité et eu égard à la taille de l’entreprise, d’un pouvoir de décision important, ou est en mesure d’influencer fortement des décisions de portée majeure concernant notamment la structure, la marche des affaires et le développement d’une entreprise ou d’une partie d’entreprise.
Le fait que la loi ne parle pas simplement de fonction dirigeante mais de « fonction dirigeante élevée », doit conduire à une interprétation plutôt restrictive de l’art. 3 let. d LTr (ATF 126 III 337 consid. 5a ; 98 Ib 347 consid. 2 ; arrêt ATA/491/2020 du 19 mai 2020 de la Chambre administrative de la Cour de justice, consid. 5d).
Le pouvoir de décision de l’intéressé doit donc être de nature à influencer de façon durable la marche et la structure de l’entreprise dans son ensemble, ou du moins dans l’une de ses parties importantes. Savoir si une personne exerce une fonction dirigeante élevée est une question qui doit être tranchée non seulement à la lumière du contrat de travail, mais également sur la base des circonstances concrètes et de la nature réelle du travail exercé.
Le fait qu’un travailleur bénéficie d’une position de confiance au sein de l’entreprise ne permet pas à lui seul d’admettre que cette personne y exerce une fonction dirigeante élevée. Ni la compétence d’engager l’entreprise par sa signature ou de donner des instructions, ni l’ampleur du salaire ne constituent en soi des critères décisifs.
En tout état de cause, il faut trancher la question de cas en cas, sans égard ni au titre ni à la formation reçue par la personne concernée, mais d’après la nature réelle de la fonction et en tenant compte des dimensions de l’entreprise.
En l’espèce, l’intimé ( = le travailleur) a exercé auprès de l’appelante toutes les fonctions de surveillance relevant de la compétence d’un pharmacien responsable. En particulier, il s’occupait de la gestion du personnel et du stock, ainsi que des commandes, pour le moins lorsque celles-ci n’étaient pas importantes. Il avait donc certaines responsabilités dans la gestion de la pharmacie, une certaine marge de décision ainsi que le pouvoir de donner des instructions à des subordonnés. Il était ainsi un employé dirigeant. Cependant, l’intimé ne bénéficiait pas d’un horaire de travail flexible. En effet, les parties ont expressément prévu une durée déterminée de travail, à savoir une moyenne de 43 heures par semaine. Par ailleurs, les parties n’ont pas exclu par écrit la rémunération des heures supplémentaires conformément à l’art. 321c al. 3 CO. Enfin, même s’il bénéficiait d’une position de confiance au sein de la pharmacie et d’un salaire relativement élevé par rapport à celui de ses subordonnés, l’intimé ne disposait pas d’un pouvoir de décision de nature à influencer fortement sur des décisions de portée majeure concernant notamment la structure, la marche des affaires et le développement de l’entreprise, étant rappelé que la notion de « fonction dirigeante élevée » est très étroite. Ce pouvoir était réservé à C______, qui détenait à l’époque la totalité du capital social de l’appelante (= l’employeuse) par l’intermédiaire de la société dont il est administrateur. Ce dernier ne laissait pas à l’intimé l’autonomie décisionnelle caractérisant la fonction dirigeante élevée.
(Arrêt de la Chambre des prud’hommes de la Cour de justice CAPH/63/2021 du 20.03.2021)
Me Philippe Ehrenström, LL.M., avocat, Genève et Onnens (VD)