
L’appelante reproche au Tribunal d’avoir retenu l’inexistence d’une discrimination salariale démontrée par l’intimée.
L’interdiction de toute discrimination à raison du sexe s’applique notamment à la rémunération (art. 3 al. 2 LEg).
L’égalité salariale s’impose pour tout travail de valeur égale. Autrement dit, auprès d’un même employeur, la travailleuse a droit à un salaire égal à celui que touche le travailleur s’ils accomplissent tous deux, dans des conditions égales, des tâches semblables ou des travaux, certes de nature différente, mais ayant une valeur identique.
Lorsque des travailleurs de sexe opposé ont une position semblable dans l’entreprise avec des cahiers des charges comparables, il est présumé, s’il y a une différence de rémunération entre eux, que celle-ci est de nature sexiste, l’employeur devant apporter la preuve de la non-discrimination. Le juge n’a ainsi pas à être convaincu du bien-fondé des arguments de la partie qui se prévaut de la discrimination; il doit simplement disposer d’indices objectifs suffisants pour que les faits allégués présentent une certaine vraisemblance, sans devoir exclure qu’il puisse en aller différemment. Par exemple, la vraisemblance d’une discrimination salariale a été admise dans le cas d’une travailleuse dont le salaire était de 15% à 25% inférieur à celui d’un collègue masculin qui accomplissait le même travail. La comparaison avec la rémunération d’un seul collègue de l’autre sexe exerçant la même activité suffit à établir la vraisemblance d’une discrimination à l’encontre d’une travailleuse.
Une discrimination à raison du sexe peut intervenir dans la classification générale de diverses fonctions au sein d’une échelle de traitement, ou bien dans la fixation de la rémunération d’une personne déterminée lorsqu’on la compare avec celle d’autres personnes du sexe opposé. Dans les deux cas, elle peut résulter de l’évaluation des prestations de travail selon des critères directement ou indirectement discriminatoires ou du fait que des critères d’évaluation neutres, objectivement admissibles en eux-mêmes, sont appliqués de façon inconséquente au détriment d’un sexe, soit que le critère invoqué à l’appui d’une différence de traitement ne soit pas du tout réalisé concrètement, soit qu’il ne joue aucune rôle pour l’exercice de l’activité en cause soit encore qu’il n’exerce une influence sur l’évaluation des prestations de travail que dans des cas isolés.
Lorsque l’existence d’une discrimination liée au sexe a été rendue vraisemblable, il incombe à l’employeur d’apporter la preuve complète du fait que la différence de traitement repose sur des facteurs objectifs. Parmi les raisons pouvant justifier une différence de salaire, on trouve notamment la valeur effective du travail, la formation, les années de service, la qualification, les risques encourus, le cahier des charges, l’expérience, les prestations et les responsabilités. D’autres motifs n’étant pas directement liés à l’activité elle-même peuvent être objectivement justifiés, et notamment des motifs de politique sociale ou des motifs économiques, comme les charges familiales ou l’âge.
L’interdiction de la discrimination fondée sur le sexe s’applique aussi bien aux discriminations non intentionnelles qu’aux discriminations intentionnelles. Peu importe donc que l’employeur ait eu ou non l’intention d’adopter une politique salariale sexiste. Au demeurant, la question à résoudre est de savoir si les rémunérations sont en elles-mêmes discriminatoires et non pas si leur évolution doit être considérée comme telle.
Des facteurs objectifs ne justifient généralement une différence de rémunération que dans la mesure où ils influent sur la prestation de travail et sa rémunération par l’employeur. Pour qu’une différence de traitement soit justifiée, il ne suffit pas que l’employeur invoque n’importe quel motif; il doit au contraire démontrer que la différence poursuit un but objectif répondant à un véritable besoin de l’entreprise et que les mesures discriminatoires adoptées sont propres à atteindre le but recherché, sous l’angle du principe de la proportionnalité. En particulier, si la partie défenderesse apporte la preuve d’un facteur objectif justifiant une différence de traitement, l’ampleur de cette différence doit encore respecter le principe de la proportionnalité et ne pas apparaître inéquitable.
En l’espèce,
dans le cadre du même poste au sein de l’intimée, le salaire mensuel brut perçu par l’appelante (= l’employée) était de 9% et 6,5% inférieur à celui de H______ lors de l’embauche, respectivement à la fin des rapports de travail (4’000 fr. contre 4’400 fr., puis 4’300 fr. contre 4’600 fr.). Comme l’a relevé le Tribunal, une discrimination salariale à raison du sexe peut ainsi être présumée.
Cela étant, les profils de l’appelante et de H______ étaient différents au moment de leur engagement, ce dernier présentant des qualités et expériences supérieures à celles de la précitée, ce qui était susceptible d’influer sur la prestation de travail et a déterminé la rémunération fixée.
En effet, comme l’ont retenu les premiers juges, l’intimée (= l’employeuse) a apporté la démonstration que l’appelante présentait un profil classique d’une jeune diplômée sans expériences professionnelles autres que celles liées aux stages obligatoires réalisés pendant sa formation hôtelière et l’année passée dans le restaurant de son père en qualité de serveuse avant ses études. L’absence d’activité professionnelle pendant une année entre l’obtention de son diplôme et sa candidature auprès de l’intimée, durant laquelle elle s’était trouvée au chômage, ne pouvait, par ailleurs, être considérée que comme un élément négatif, étant relevé que son curriculum vitae passait sous silence les dates des formations et expériences professionnelles. L’appelante a d’ailleurs déclaré que l’intimée lui avait exposé, lors de son entretien d’embauche, qu’un salaire de 4’000 fr. lui était proposé en raison de son défaut d’expérience. En outre, son niveau d’anglais était intermédiaire.
En revanche, H______, au bénéfice d’une vision claire de son avenir professionnel, disposait de véritables expériences professionnelles (trois ans et trois mois auprès de deux employeurs après l’obtention de son diplôme) et de compétences mises en avant dans les domaines administratif (deux ans et cinq mois d’expérience en qualité d’assistant manager), informatique (dépannage) et linguistique (niveau le plus élevé d’anglais). A cela s’ajoutait que le précité était âgé de deux ans de plus que l’appelante (qu’il avait mis au maximum à profit), ce qui, en présence de jeunes candidats fraichement diplômés, peut s’avérer important lors de la fixation du salaire à l’embauche. Enfin, le niveau de formation préalable à l’Ecole Hôtelière de H______ (Baccalauréat) pouvait être considéré d’un certain point de vue supérieur à celui de l’appelante (diplôme de l’ECG). Le précité avait en définitive présenté un profil de manager bilingue anglais, motivé (qualité de son curriculum vitae) et volontaire (remboursement de sa formation), au bénéfice de plusieurs expériences professionnelles, dont la création et la gestion d’entreprise qui pouvaient s’avérer utiles dans le cadre de toute activité professionnelle et en particulier celle exercée pour l’intimée.
A cet égard, il a été démontré l’utilité, dans le poste de réceptionniste au sein de l’intimée, du niveau d’anglais (ce qui est notoire dans l’hôtellerie), de l’aisance en informatique (des pannes pouvant survenir, auxquelles un employé « débrouillard » et à l’aise à cet égard pouvait remédier), d’une expérience solide en matière administrative, de l’esprit d’initiative et de la motivation (au vu des exigences particulières éventuelles de la clientèle et des tâches administratives spécifiques devant ou pouvant être confiées par l’intimée à certains seulement de ses réceptionnistes.
Ainsi, contrairement à ce que soutient l’appelante, ces seules différences objectives, sans lien avec le sexe et non contestées, dans le profil des deux candidats jouaient, pour l’essentiel d’entre elles, un rôle dans l’exercice de l’activité concernée. A ce titre, elles ont motivé et justifiaient, notamment sous l’angle de la proportionnalité et de l’équité, celle de 9% des salaires fixés lors de leurs engagements respectifs, cela sans compter qu’elle s’est réduite à 6,5%.
Les premiers juges ont en outre retenu à juste titre que ces différences avaient bien eu une incidence sur le travail fourni par ces deux collaborateurs pour l’intimée.
En conclusion, les griefs de l’appelante sont infondés. C’est à bon droit que le Tribunal a retenu que l’intimée a fait valoir des motifs objectifs, pertinents et justifiés pour expliquer la différence salariale entre ses deux collaborateurs.
Partant, l’appel sera rejeté et le jugement entrepris entièrement confirmé.
(Arrêt de la Chambre des prud’hommes de la Cour de justice CAPH/66/2021 du 29.03.2021, consid. 4)
Me Philippe Ehrenström, LL.M., avocat, Genève et Onnens (VD)