
La recourante (= l’employeuse) conteste les dommages et intérêts qu’elle a été condamnée à payer à l’intimé ( = l’employé) dus à l’absence de remise d’un certificat de travail en bonne et due forme.
Selon l’art. 328 al. 1 CO, l’employeur protège et respecte, dans les rapports de travail, la personnalité du travailleur.
Dans une certaine mesure, cette obligation perdure au-delà de la fin des rapports de travail.
Ainsi, il a été jugé que l’employeur viole l’art. 328 CO et doit des dommages-intérêts à son ancien employé s’il a fourni sur ce dernier des renseignements faux et attentatoires à l’honneur et découragé de la sorte un employeur d’engager la personne en question (ATF 135 III 405 consid. 3.2; cf. également pour un cas analogue: arrêt 4P.247/2002 et 4C_379/2002 du 22 avril 2003). La violation de l’art. 328 al. 1 CO suppose cependant que les renseignements fournis soient à la fois défavorables et inexacts. Il n’a jamais été dit que l’employeur n’était pas en droit de fournir des renseignements sur son ancien employé ou d’émettre des critiques à son sujet. Il n’y a pas de violation de l’art. 328 al. 1 CO si l’employeur répond donc simplement à des questions pertinentes, sans recourir à des formules inutilement blessantes, et expose ce qu’il a des raisons sérieuses de tenir de bonne foi pour vrai (arrêt du Tribunal fédéral 4A_117/2013 du 31 juillet 2013 consid. 2.2 et les références citées).
S’il y a violation de l’art. 328 al. 1 CO, l’employé a non seulement droit à la réparation du préjudice patrimonial qu’il subit, mais aussi à une indemnité pour tort moral aux conditions fixées par l’art. 49 al. 1 CO.
Le dommage se définit comme la diminution involontaire de la fortune nette. Il correspond à la différence entre le montant actuel du patrimoine du lésé et le montant que ce même patrimoine aurait si l’événement dommageable ne s’était pas produit. Il peut se présenter sous la forme d’une diminution de l’actif, d’une augmentation du passif, d’une non-augmentation de l’actif ou d’une non-diminution du passif.
A teneur de l’art. 42 al. 2 CO, lorsque le montant exact du dommage ne peut pas être établi, le juge le détermine équitablement en considération du cours ordinaire des choses et des mesures prises par la partie lésée. Cette disposition édicte une règle de preuve de droit fédéral dont le but est de faciliter au lésé l’établissement du dommage. Elle s’applique aussi bien à la preuve de l’existence du dommage qu’à celle de son étendue. L’art. 42 al. 2 CO allège le fardeau de la preuve, mais ne dispense pas le lésé de fournir au juge, dans la mesure du possible, tous les éléments de fait constituant des indices de l’existence du préjudice et permettant l’évaluation ex aequo et bono du montant du dommage. Les circonstances alléguées par le lésé doivent faire apparaître un dommage comme pratiquement certain; une simple possibilité ne suffit pas pour allouer des dommages-intérêts. L’exception de l’art. 42 al. 2 CO à la règle du fardeau de la preuve doit être appliquée de manière restrictive.
Un fait est la cause naturelle d’un résultat s’il en constitue l’une des conditions sine qua non. En d’autres termes, il existe un lien de causalité naturelle entre deux événements lorsque, sans le premier, le second ne se serait pas produit. Il n’est pas nécessaire que l’événement considéré soit la cause unique ou immédiate du résultat.
L’existence d’un lien de causalité naturelle entre le fait générateur de responsabilité et le dommage est une question de fait que le juge doit trancher selon la règle du degré de vraisemblance prépondérante, qui est soumise à des exigences plus élevées que la simple vraisemblance. La vraisemblance prépondérante suppose que, d’un point de vue objectif, des motifs importants plaident pour l’exactitude d’une allégation, sans que d’autres possibilités ne revêtent une importance significative ou n’entrent raisonnablement en considération. Le juge doit se satisfaire de la certitude que l’on peut exiger selon le cours ordinaire des choses et l’expérience générale de la vie.
Enfin, l’art. 44 CO permet de réduire les dommages-intérêts ou même de n’en point allouer si la partie lésée est responsable de son dommage ou de l’aggravation de celui-ci. L’art. 44 al. 1 CO laisse à cet égard au juge une large marge d’appréciation au sens de l’art. 4 CC.
En l’espèce,
l’intimé, dont le contrat de travail a pris fin le 30 novembre 2017, a été au chômage du 1er décembre 2017 au 31 mai 2018 avant de retrouver un emploi à partir du 1er juin 2018.
Il allègue que l’absence d’un certificat de travail en bonne et due forme l’avait entravé dans ses recherches d’emploi et empêché de trouver un travail plus rapidement, péjorant ainsi sa situation financière. L’impossibilité de pouvoir fournir un certificat de travail complet devait, selon lui, être mise en corrélation directe avec le fait qu’il n’avait retrouvé un emploi qu’après une année de recherches.
Cela étant, le dossier ne comporte aucune pièce concernant les recherches d’emploi que l’intimé a effectuées ou la perception d’indemnités de chômage pleines et entières qui attesterait de recherches sérieuses et régulières. Aucun élément ne permet de déterminer la date à laquelle il a débuté ses recherches d’emploi, l’ampleur de celles-ci ou encore leur fréquence. L’intimé n’explique pas non plus quel poste en particulier lui aurait été refusé. Si l’absence de certificat de travail complet est certes de nature à rendre plus difficiles les recherches d’emploi, il n’est pas suffisamment établi qu’elle a été, en l’espèce, la cause des échecs rencontrés lors de ses postulations – au demeurant non établies -, une simple possibilité n’étant pas suffisante. A cet égard, il sied notamment de relever que l’intimé dispose d’une modeste expérience dans le domaine de l’horticulture-paysagiste et que ce secteur connait une baisse d’activité notable durant les mois d’hiver, soit précisément lorsque l’intimé s’est retrouvé au chômage, ce qui est susceptible d’avoir réduit les opportunités d’emploi.
L’intimé a du reste attendu près de quatre à cinq mois avant de solliciter un certificat de travail complet, ce qui laisse supposer que cela ne représentait pas une nécessité absolue à ses yeux. Bien que son mandataire ait confirmé avoir pris contact à quelques reprises par téléphone avec la recourante avant de lui adresser le premier courrier du 26 avril 2018, aucun élément ne permet de retenir que ces demandes aient eu lieu dans les semaines, voire les premiers mois qui ont suivi la fin des relations de travail entre les parties. En outre, l’intimé ne s’est jamais plaint auprès de la recourante de difficultés à trouver un emploi découlant de l’absence d’un certificat de travail en bonne et due forme avant la présente procédure. Dans son courrier du 26 avril 2018, il a simplement indiqué que les précisions demandées seraient importantes dans le cadre de « futures recherches d’emploi ». Or, s’il avait essuyé des refus en raison de l’attestation de travail erronée et lacunaire qui lui avait été remise, comme il l’a soutenu en audience, il n’aurait vraisemblablement pas manqué de le relever dans ses différents courriers et courriels des 26 avril, 14 mai, 4 juin et 12 juin 2018.
Par ailleurs, l’intimé a trouvé un nouvel emploi dans son domaine d’activité six mois après son licenciement – et non une année plus tard contrairement à ce qu’il a allégué – de sorte qu’il n’apparaît pas que la seule attestation de travail dont il disposait ait nui à ses recherches, comme il l’a soutenu. En effet, au vu de la chronologie des événements, le nouvel emploi de l’intimé, débuté le 1er juin 2018, implique que les pourparlers d’embauche ont eu lieu à tout le moins dans les jours qui ont précédé, de sorte que l’intimé n’avait pu présenter que l’attestation de travail et non le certificat complété daté du 28 mai 2018. Sur ce point, le Tribunal ne peut par conséquent être suivi lorsqu’il prétend que l’intimé n’a pu retrouver un nouvel emploi qu’à réception du certificat de travail complet du 28 mai 2018.
Compte tenu de ce qui précède, il n’est pas suffisamment établi que l’absence d’un certificat de travail complet et conforme à l’art. 330a CO ait privé l’intimé d’un quelconque engagement. Par conséquent, il ne peut être retenu que par la violation d’obligations contractuelles qui lui sont imputables en ne délivrant pas un certificat de travail complet à son employé, la recourante lui a causé un dommage. Au demeurant, il appartenait également à l’intimé de prendre toutes les mesures utiles pour réduire son prétendu dommage, en particulier en réclamant sans tarder le document sollicité, s’il l’estimait nécessaire pour limiter sa période de chômage. Il ne saurait en effet se prévaloir d’un dommage couvrant la période de décembre 2017 à avril 2018 pour l’absence d’un document qu’il n’a lui-même pas sollicité avant le mois d’avril 2018.
(Arrêt de la Chambre des prud’hommes de la Cour de justice CAPH/67/2021 du 09.04.2021 consid. 3)
Me Philippe Ehrenström, LL.M., avocat, Genève et Onnens (VD)