Indemnité pour les vacances incluse dans le salaire?

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La recourante (= l’employeuse) fait grief à la cour cantonale d’avoir octroyé un montant de 10’570 fr. à l’intimée à titre de salaire afférent aux vacances pour la période comprise entre août 2015 et juillet 2016. Elle est d’avis que les conditions permettant d’inclure la rémunération des vacances dans le salaire seraient réalisées.

 L’employeur accorde au travailleur, chaque année de service, au moins quatre semaines de vacances (art. 329a al. 1 CO), pendant lesquelles il doit lui verser le salaire total y afférent (art. 329d al. 1 CO). Cette disposition est relativement impérative, en ce sens qu’il ne peut y être dérogé au détriment du travailleur (art. 362 al. 1 CO). 

En règle générale, le salaire relatif aux vacances doit être versé au moment où celles-ci sont prises et il n’est pas admissible d’inclure l’indemnité de vacances dans le salaire total. Le Tribunal fédéral a d’abord admis que, dans des situations particulières, ce par quoi il faut entendre une activité très irrégulière, l’indemnité de vacances pouvait exceptionnellement être incluse dans le salaire total (ATF 118 II 136 consid. 3b; 116 II 515 consid. 4a; 107 II 430 consid. 3a). Par la suite, il s’est toutefois interrogé sur la justification d’une telle dérogation (ATF 129 III 493 consid. 3.2 et 3.3; 129 III 664 consid. 7.2). Laissant la question en suspens, il a relevé que, dans tous les cas, outre la nécessité objective due à une activité irrégulière (première condition), la part du salaire global destinée à l’indemnisation des vacances devait être mentionnée clairement et expressément dans le contrat de travail lorsqu’il était conclu par écrit (deuxième condition), ainsi que sur les décomptes de salaire périodiques (troisième condition; ATF 129 III 493 consid. 3.2 et 3.3; arrêts 4A_619/2019 du 15 avril 2020 consid. 3.1; 4A_561/2017 du 19 mars 2018 consid. 3.1). La simple indication selon laquelle l’indemnité afférente aux vacances est comprise dans le salaire total ne suffit donc pas; la part représentant cette indemnité doit être fixée en pourcentage ou en chiffres (ATF 116 II 515 consid. 4b; arrêt 4A_463/2010 du 30 novembre 2010 consid. 3) et cette mention doit figurer aussi bien dans le contrat de travail écrit que dans les décomptes de salaire (ATF 129 III 493 consid. 3.3; arrêts 4A_561/2017, précité, consid. 3.1; 4A_205/2016 du 23 juin 2016 consid. 2.6.1). Si les conditions ci-dessus ne sont pas réunies, l’employeur doit payer le salaire afférent aux vacances. Que l’employé ait pris ses vacances en nature n’y change rien (ATF 129 III 664 consid. 7.2; arrêts 4A_612/2019 du 15 avril 2020; 4A_561/2017, précité, consid. 3.1; 4A_205/2016, précité, consid. 2.6.1).

Dans l’arrêt attaqué, la cour cantonale considère que les trois conditions jurisprudentielles précitées ne sont pas remplies. Elle estime que l’activité déployée par l’intimée entre août 2015 et juillet 2016 ne peut pas être qualifiée d’irrégulière, dès lors que le contrat de travail conclu en juin 2015 garantissait à l’intéressée trente-cinq périodes d’enseignement de quarante minutes par semaine. Les juges cantonaux nient également la réalisation de la deuxième condition, car le contrat de travail passé en 2015 faisait référence à deux taux différents en ce qui concerne les indemnités de vacances, raison pour laquelle il était impossible de déterminer la part du salaire global destinée à l’indemnisation des vacances. Ils considèrent que la troisième condition n’est pas davantage remplie, puisque les décomptes de salaire relatifs aux mois d’août 2015 à juillet 2016 n’indiquent pas de manière suffisamment claire le montant du salaire dévolu à la rétribution des vacances. 

La recourante affirme, de manière péremptoire, que la réalisation des conditions permettant d’inclure l’indemnité de vacances dans le salaire seraient réalisées. On cherche, toutefois, en vain une critique digne de ce nom des motifs énoncés par les juges précédents pour aboutir à la solution inverse. Force est du reste d’observer que la cour cantonale a nié à bon droit que les conditions précitées n’étaient pas remplies. En effet, l’activité de l’intimée, qui correspondait à tout le moins à trente-cinq périodes hebdomadaires d’enseignement de quarante minutes, ne saurait être taxée d’irrégulière. En outre, le caractère imprécis des informations relatives au taux d’indemnisation des vacances dans le contrat conclu en juin 2015 ne permet effectivement pas de déterminer la part exacte du salaire global visant à rétribuer les vacances, de sorte que la seconde condition n’est pas davantage réalisée. Dans ses écritures, la recourante ne tente pas de démontrer le contraire, mais focalise son attention sur la troisième condition. Cela est toutefois vain dans la mesure où les conditions jurisprudentielles évoquées ci-dessus sont cumulatives. En tout état de cause, on ne saurait suivre la recourante lorsqu’elle se borne à affirmer que la troisième condition susmentionnée n’aurait aucun sens pour  » une enseignante qualifiée, qui n’a pas besoin qu’on lui fasse un dessin pour comprendre le système de l’inclusion de l’indemnité des vacances dans le salaire (…) « . [Sic !]

 La recourante fait encore valoir qu’il conviendrait de calculer le montant de l’indemnité de vacances au  » taux légal  » de 8,33 % en lieu et place du taux contractuel prévu. 

En l’occurrence, la cour cantonale a considéré, à juste titre, qu’il n’y avait pas lieu de retenir ledit pourcentage pour arrêter le montant du salaire afférent aux vacances mais bel et bien de calculer le salaire convenu sur l’ensemble de l’année, vacances comprises, selon les conditions contractuelles prévues, à savoir sur une base de trente-cinq périodes hebdomadaires rémunérées 35 fr. la période. Le salaire annuel contractuellement prévu était ainsi de 63’700 fr. (35 fr. x 35 périodes x 52 semaines) et le salaire annuel perçu par l’intimée de 53’130 fr., de sorte que celle-ci avait droit à un montant de 10’570 fr. La recourante se plaint en vain de ce qu’il y aurait une contradiction dans le raisonnement de l’autorité précédente à calculer le salaire afférent aux vacances selon les conditions fixées par les parties dans leur contrat de travail alors même qu’elle dénie toute validité à l’accord des parties ayant pour objet l’inclusion de l’indemnité de vacances dans le salaire. Ce faisant, l’intéressée méconnaît que la nullité d’une clause contractuelle n’entraîne, en règle générale, pas celle d’autres éléments de l’accord des parties (art. 20 al. 2 CO). En l’occurrence, rien ne permet d’établir que celles-ci auraient choisi de régler différemment leurs relations de travail si elles avaient eu connaissance de la nullité de leur accord portant sur l’inclusion du salaire afférent aux vacances dans le salaire global. La recourante ne le soutient pas ni ne le démontre, se contentant d’affirmer qu’il serait absurde d’appliquer une clause contractuelle relative aux vacances qualifiée de nulle. On ne saurait la suivre sur ce point (cf. dans le même sens, arrêt 4A_215/2019 du 7 octobre 2019 consid. 3.2.3). En définitive, force est de relever que le calcul opéré par la cour cantonale ne prête pas le flanc à la critique.

(Arrêt du Tribunal fédéral 4A_532/2021 du 27 décembre 2021, consid. 5)

Me Philippe Ehrenström, avocat, LLM, CAS, Genève et Onnens (VD)

A propos Me Philippe Ehrenström

Ce blog présente certains thèmes juridiques en Suisse ainsi que des questions d'actualité. Il est rédigé par Me Philippe Ehrenström, avocat indépendant, LL.M. (Tax), Genève et Yverdon.
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