
L’appelante principale (= l’employeuse) reproche aux premiers juges d’avoir admis la prétention de l’intimé (l’employé) en paiement de son salaire afférent aux vacances, alors que les fiches de salaires, toutes signées par l’intimé, mentionnaient le pourcentage et le montant précis versés à ce titre sur chaque salaire mensuel versé. Que le contrat de travail ne prévoie rien à ce titre ne serait pas déterminant.
Selon l’art. 329a al. 1 CO, l’employeur accorde au travailleur, chaque année de service, au moins quatre semaines de vacances, pendant lesquelles il doit lui verser le salaire total y afférent (art. 329d al. 1 CO). D’après l’art. 329d al. 2 CO, tant que durent les rapports de travail, les vacances ne peuvent pas être remplacées par des prestations en argent ou d’autres avantages. Cette disposition est absolument impérative (art. 361 al. 1 CO).
En règle générale, le salaire relatif aux vacances doit être versé au moment où celles-ci sont prises et il n’est pas admissible d’inclure l’indemnité de vacances dans le salaire total. Le Tribunal fédéral a d’abord admis que, dans des situations particulières, à savoir une activité très irrégulière, notamment dans le cas d’occupation à temps partiel ou de travail intérimaire, l’indemnité de vacances pouvait exceptionnellement être incluse dans le salaire total (ATF 118 II 136 consid. 3b p. 137 s. ; ATF 116 II 515 consid. 4a ; ATF 107 II 430 consid. 3a s.) ; toutefois, il s’est par la suite interrogé sur la justification d’une telle dérogation (ATF 129 III 493 consid. 3.2 et 3.3).
Laissant la question en suspens, il a relevé que, dans tous les cas, outre la nécessité objective due à une activité très irrégulière (première condition), la part du salaire global destinée à l’indemnisation des vacances devait être mentionnée clairement et expressément dans le contrat de travail lorsqu’il était conclu par écrit (deuxième condition), ainsi que sur les décomptes de salaire périodiques (troisième condition) (ATF 129 III 493 consid. 3.3). La simple indication selon laquelle l’indemnité afférente aux vacances est comprise dans le salaire total ne suffit pas ; la part représentant cette indemnité doit être fixée en pourcentage ou en chiffres (ATF 116 II 515 consid. 4b), et cette mention doit figurer aussi bien dans le contrat de travail écrit que dans les décomptes de salaire (ATF 129 III 493 consid. 3.3 ; TF 4A_72/2015 du 11 mai 2015 consid. 3.2 et 3.3 ; TF 4A_463/2010 du 30 novembre 2010 consid. 3.1 ; TF 4C.64/2006 du 28 juin 2006 consid. 4.1.1 ; TF 4C.328/2004 du 12 novembre 2004 consid. 3.1).
Toutefois, lorsque les parties ont conclu un contrat oral, il se justifie d’admettre que l’accord portant sur le salaire afférent aux vacances a aussi été conclu oralement (ATF 129 III 493 consid. 3.3 ; ATF 116 II 515 consid. 4b). Dans une telle situation, la mention de la part de salaire afférente aux vacances dans les décomptes périodiques de salaire suffit à apporter la clarté nécessaire et confirme ainsi en la forme écrite l’accord passé verbalement (ATF 129 III 493 consid. 3.3 in fine).
Dans tous les cas, le Tribunal fédéral considère que le seul caractère variable de la rémunération de l’employé ne permet pas de justifier un accord dérogatoire au principe prévu par l’article 329d al. 1 CO (TF 4A_478/2009 du 16 décembre 2009 consid. 4).
Si les conditions ci-dessus ne sont pas réunies, l’employeur doit payer le salaire afférent aux vacances. Peu importe que l’employé ait ou non pris ses vacances en nature. Le fait d’exiger le salaire afférent aux vacances au terme des rapports contractuels de travail, au motif que les conditions formelles pour une inclusion de celui-ci dans le salaire total ne sont pas respectées, n’est pas constitutif d’abus de droit, même si l’employé a effectivement pris ses vacances durant les rapports de travail (TF 4A_561/2017 du 19 mars 2018 consid. 4.1). Le droit au salaire afférent aux vacances revêt un caractère impératif selon l’art. 362 al. 1 CO, de sorte que l’employé ne peut pas y renoncer pendant la durée du contrat et durant le mois qui suit la fin de celui-ci (art. 341 CO). Le fait pour l’employé de n’avoir soulevé ses prétentions fondées sur l’art. 329d al. 1 CO qu’à l’expiration des rapports de travail ne saurait donc constituer, à lui seul, un abus de droit manifeste, sous peine de vider de son sens l’art. 341 CO (TF 4A_561/2017 du 19 mars 2018 consid. 4.1).
En l’espèce, il convient d’examiner si la première condition posée par la jurisprudence est réalisée, à savoir la nécessité objective d’inclure l’indemnité pour les vacances dans le salaire global en raison d’une activité très irrégulière, notamment dans le cas d’occupation à temps partiel ou de travail intérimaire.
En l’occurrence, le contrat de travail prévoit un engagement « à temps complet » et il a été établi que l’intimé avait travaillé six jours sur sept, selon le planning 6h-18h du 2 octobre 2009 au 31 décembre 2011, puis 18h-6h dès le 1er janvier 2012. Il convient dès lors de retenir que l’activité de l’intimé était loin d’être irrégulière au sens de la jurisprudence précitée, les conditions autorisant, à titre dérogatoire, l’inclusion de l’indemnité de vacances dans le salaire total n’étant pas réunies. Le seul caractère variable du nombre de courses effectuées par l’intimé, partant des recettes encaissées par celui-ci, ne permet pas de conclure que l’occupation était irrégulière. Cet élément a uniquement un impact sur le montant du salaire. Or, le Tribunal fédéral a expressément exclu que le seul caractère variable de la rémunération, notamment un emploi payé à la tâche ou à la commission, puisse suffire à justifier l’inclusion des vacances dans le salaire global.
Il convient ensuite de relever, à l’instar des premiers juges, que le contrat de travail écrit conclu entre les parties est muet au sujet de la rémunération des vacances, contrairement à ce qu’exige la jurisprudence (deuxième condition). La question de savoir si cette carence a été réparée par la signature de chaque décompte de salaire par l’intimé peut demeurer ouverte, dans la mesure où la première condition imposée par la jurisprudence fait déjà défaut.
Ainsi, et comme l’ont retenu les premiers juges, le salaire afférent aux vacances doit être payé par l’appelante principale, peu importe que l’intimé ait pris tout ou partie de ses vacances durant les rapports de travail. Par ailleurs, aucune circonstance n’indique que l’intimé aurait adopté un comportement abusif en réclamant le paiement de ses vacances. Le seul fait pour l’intimé d’avoir signé les décomptes de salaire incluant l’indemnité de vacances ne suffit pas pour constituer un abus de droit, sous peine de vider de son sens l’art. 341 CO.
Par conséquent, les premiers juges n’ont pas appliqué l’art. 329d CO de manière incorrecte en retenant que l’appelante principale devait verser à l’intimé le montant brut de 22’405 fr. 65 à titre de salaire afférent aux vacances. Le jugement doit être confirmé sur ce point.
(Cour d’appel civile du Tribunal cantonal du Canton de Vaud, arrêt HC / 2022 / 171 du 20 avril 2022, consid. 5)
Me Philippe Ehrenström, avocat, LLM, CAS, Genève et Onnens (VD)