Un article sympathique de 24 Heures du 11.02.2022 (https://www.24heures.ch/les-chiens-font-leur-trou-dans-les-entreprises-vaudoises-273862303943) évoque ces entreprises où les employés peuvent prendre leur chien au travail (d’autres animaux, comme les caïmans, les pythons, les mygales, les perroquets ou les chats se prêtent – on le sent d’instinct – moins bien à cet exercice).
L’auteur de ces lignes, qui a toujours travaillé avec ses chiens dans différentes Etudes d’avocats depuis plus de vingt ans, a donc lu le tout avec intérêt. Il me semble toutefois que l’article pourrait être précisé sur deux points, quand il mentionne qu’il n’y aurait pas de réglementations qui s’appliqueraient à cette question, d’une part, et quand il relativise l’utilité de régler la question dans l’entreprise par un règlement d’autre part.
Il y a ainsi bel et bien des normes qui s’appliquent, d’abord, à la protection de la santé et de la personnalité des travailleurs (art. 328 CO ; diverses prescriptions de droit public). Un travailleur ne doit pas ainsi être exposé à une cohabitation forcée avec des molosses sanguinaires, souffrir de la pilosité canine s’il est allergique, glisser sur qui aurait dû faire l’objet de promenades extérieures, etc. Mais, et on l’oublie souvent, il y a aussi différentes normes qui réglementent le bien-être animal (loi fédérale du 16 décembre 2005 sur la protection des animaux (RS 455 ; LPA) et ses dispositions d’exécution, diverses autres dispositions de droit fédéral et cantonal)). Le chien doit pouvoir donc trouver, au travail, un environnement qui ne soit pas stressant, résider dans un coin relativement tranquille, ne pas être exposé au stress et aux mouvements perpétuels, pouvoir être promené sans difficulté sur le temps de pause, etc.
On conçoit donc que ces deux ordres de dispositions légales puissent entrer en contradiction. Le devoir légal du propriétaire d’animal d’en prendre soin, et donc ne de pas le laisser seul la journée, peut ainsi jurer avec le droit de sa collègue de ne pas cohabiter avec un fauve peu dressé ou malodorant. Ce conflit, comme tous les autres au travail, doit trouver une solution dans les directives de l’employeur, qui organiseront concrètement la possibilité de prendre son animal au travail en fonction des locaux, de leur occupation, des conditions de travail, de l’accord ou non de certains collègues, etc. (art. 321d CO). Il n’y a là rien de révolutionnaire : le droit de donner des instructions générales écrites aux travailleurs embrasse déjà quantité de domaines, du harcèlement sexuel au remboursement des repas sur les chantiers extérieurs, alors pourquoi pas le fait de venir travailler avec son chien ?
En faisant preuve d’un minimum de sens pratique, de bonne volonté et d’organisation (la nomination d’un responsable de cette question est en général une bonne idée), on peut arriver sans trop de difficultés à laisser Médor venir au travail avec son maître – en ayant toutefois rappelé à ce dernier qu’il s’agit d’une tolérance de l’employeur, tant dans son principe que dans ses modalités, qui est susceptible d’être modifiée si nécessaire.
Concrètement, presque toujours, les autres collaborateurs et les clients apprécient, la présence d’animaux fait diminuer le stress, et, pour l’employeur, il se rendra compte que l’on apprend beaucoup de son employé en regardant son chien…
Me Philippe Ehrenström, avocat, LLM, CAS, Genève et Onnens (VD)