A propos de : Anne Meier, L’engagement de musiciens : contrat de travail ou contrat d’entreprise ? Etude des contrats de service en droit suisse et américain, Genève, Slatkine, 2013
Comme souvent en matière de contrats d’artiste, la question posée déborde largement du cadre et des intérêts souvent très spécifiques en jeu. Le musicien peut en effet être considéré comme le prototype du travailleur « du 3e type », ni tout à fait dépendant ni tout à fait indépendant, et selon des modalités qui peuvent varier au gré des circonstances, des types d’engagements, des ensembles en cause, etc. La situation n’est alors pas très différente de celle d’autres « travailleurs indépendants », par exemple dans le domaine juridique, comptable ou informatique.
Anne Meier considère qu’il ne convient pas d’appliquer des règles distinctes aux musiciens ou aux artistes en général, le droit suisse actuel contenant tous les éléments permettant de qualifier le contrat et d’en tirer les conséquences.
On considérera ainsi que lorsqu’un musicien est lié à l’organisateur par des liens de subordination, les règles du droit du travail s’appliqueront sans réserve. La situation devrait être la même quand le lien de subordination est moins évident comme par exemple dans le cas d’un soliste ou d’une diva. Dans ce cas le critère de l’intégration dans l’entreprise devrait mener à qualifier le contrat de contrat de travail. On pourra aussi recourir au critère du contrôle économique sur la prestation : à qui profite-t-elle ?
Pour ce qui est des groupes de musiciens, Anne Meier écarte les figures des contrats de travail en cascade et des contrats de travail de groupe pour des motifs tenant à la protection sociale des travailleurs. Elle considère que les règles sur la représentation et celles sur la société simple sont à même de répondre aux problèmes posés sans susciter les désavantages et l’insécurité juridique de ces figures juridiques incertaines.
Quand on ne distingue pas de lien de subordination ou que l’intégration de l’artiste dans le tout n’atteint pas un niveau suffisant, on aura affaire à des musiciens indépendants liés à l’organisateur par un contrat d’entreprise. Le musicien indépendant est maître de sa carrière et de l’ensemble dont il fait partie, ainsi que de la conception et de la réalisation artistique de ses prestations. Cela étant dit, les règles du contrat d’entreprise doivent être « adaptées » sur plusieurs points pour tenir compte de la spécificité de l’ « ouvrage » et du caractère strictement personnel de l’obligation.
On ne résumera pas l’intégralité de cette thèse, et notamment ses développements sur le droit américain ou sur le droit collectif. Mais bien écrite, agréable à lire, solidement argumentée, elle devrait intéresser tous les praticiens du droit du travail, et ce tout particulièrement alors que se multiplient les travailleurs « indépendants » et les voix qui appellent à une réglementation distincte de leurs rapports juridiques.