L’appelant (employé), chauffeur professionnel, fait grief au Tribunal des prud’hommes de ne pas avoir retenu qu’il avait accompli 2 h. 30 supplémentaires par semaine, durant tout son emploi.
L’art. 321c CO prévoit que si les circonstances exigent des heures de travail plus nombreuses que ne le prévoit le contrat ou l’usage, un contrat-type de travail ou une convention collective, le travailleur est tenu d’exécuter ce travail supplémentaire dans la mesure où il peut s’en charger et où les règles de la bonne foi permettent de le lui demander (al. 1). L’employeur peut, avec l’accord du travailleur, compenser les heures de travail supplémentaires par un congé d’une durée au moins égale, qui doit être accordé au cours d’une période appropriée (al. 2). Il appartient au travailleur de prouver d’une part qu’il a accompli des heures supplémentaires, et d’autre part que celles-ci ont été ordonnées par l’employeur ou qu’elles étaient nécessaires (arrêt du Tribunal fédéral 4A_40/2008 du 19 août 2008).
L’ordonnance sur la durée du travail et du repos des conducteurs professionnels de véhicules automobiles (Ordonnance sur les chauffeurs, OTR 1; RS 822.221) du 19 juin 1995 réglemente en détail le temps de travail et de repos des chauffeurs, prévoyant notamment des moyens de contrôle tels les tachygraphes (art. 13 ss) ou subsidiairement le livret de travail tenu par le salarié, indiquant la durée du travail (art. 15).
Si l’employeur omet de tenir les registres prévus, ou les tient de manière lacunaire, il n’y aura pas de renversement du fardeau de la preuve qui incombe à l’employé mais un allègement en ce sens que le juge pourra retenir l’existence et le nombre d’heures supplémentaires pour autant qu’elles apparaissent comme hautement vraisemblables.
En l’espèce, l’appelant affirme qu’il accomplissait chaque jour le même horaire de base, soit 09 h. 30 par jour, sans variation. Il n’a produit aucune pièce à l’appui de son affirmation. Il n’a formulé aucun allégué en rapport avec l’utilisation des tachygraphes, ou, subsidiairement, en lien avec un livret de travail. Il n’a pas non plus contesté l’ordonnance de preuves rendue par le Tribunal qui mettait à sa charge le fardeau de la preuve des heures supplémentaires alléguées, ce qui lui incombait de faire cas échéant.
L’horaire de travail tel que soutenu par l’employé est contesté par l’employeur, qui affirme que les chauffeurs étaient tenus d’effectuer 9 heures de travail par jour, et pouvaient compenser en temps les éventuelles heures supplémentaires réalisées.
L’employeur a d’elle-même produit des transcriptions partielles de tachygraphes, qui sont contestées en tant que telles par l’appelant, lequel n’indique toutefois pas en quoi ces transcriptions ne correspondraient pas à la réalité. Même à la suite de ce dépôt, il n’a pas complété ses allégués, et n’a pas requis le dépôt des tachygraphes eux-mêmes.
Il ne donne aucune explication permettant de comprendre, à suivre sa thèse, pourquoi ces transcriptions font état de nombreux jours comportant considérablement moins de 09 h. 30, mais aussi de journées excédant largement l’horaire qu’il affirme avoir accompli de façon invariable.
Par ailleurs, il est ressorti des déclarations des témoins que ces données résultant des tachygraphes reflétaient le travail accompli, sauf si le travailleur oubliait d’enclencher le dispositif. Les autres chauffeurs entendus ont été unanimes à confirmer les horaires indiqués par l’appelant.
L’ancien responsable de l’employeur a pour sa part affirmé que l’intimé compensait ses heures, soit qu’il ait travaillé au-delà de l’horaire contractuel, soit qu’il ait travaillé en deça, ce qui paraît conforme aux données résultant des relevés produits.
Au vu de ce qui précède, il convient de retenir que l’employeur a apporté des éléments suffisants pour établir l’horaire de travail, tandis que l’employé n’est pas parvenu à démontrer, ni même à rendre vraisemblables, les heures supplémentaires qu’il affirme avoir accomplies, alors qu’il en avait la charge à teneur de l’ordonnance de preuves rendue par le Tribunal. Le Tribunal a, dès lors, à raison débouté l’employé des prétentions élevées à ce titre. Le jugement attaqué sera confirmé. (Tiré de CAPH 69/2013, consid. 4)