Droit au chômage du travailleur assimilable à un employeur

IMG_3965IMG_3965

Le droit à l’indemnité de chômage suppose notamment que l’assuré soit sans emploi ou partiellement sans emploi (art. 8 al. 1 let. a LACI [RS 837.0]). Est réputé sans emploi celui qui n’est pas partie à un rapport de travail et qui cherche à exercer une activité à plein temps (art. 10 al. 1 LACI), tandis qu’est réputé partiellement sans emploi notamment celui qui occupe un emploi à temps partiel et cherche à le remplacer par une activité à plein temps ou à le compléter par une autre activité à temps partiel (art. 10 al. 2 let. b LACI).

D’après la jurisprudence (ATF 123 V 234), un travailleur qui jouit d’une situation professionnelle comparable à celle d’un employeur n’a pas droit à l’indemnité de chômage lorsque, bien que licencié formellement par une entreprise, il continue de fixer les décisions de l’employeur ou à influencer celles-ci de manière déterminante ; cela vaut aussi pour les conjoints de ces personnes qui sont occupés dans l’entreprise.

La situation est en revanche différente quand le salarié, se trouvant dans une position assimilable à celle de l’employeur, quitte définitivement l’entreprise en raison de la fermeture de celle-ci. Il en va de même lorsque l’entreprise continue d’exister mais que le salarié, par suite de la résiliation de son contrat, rompt définitivement tout lien avec la société. Dans un cas comme dans l’autre, l’intéressé peut en principe prétendre des indemnités de chômage.

Lorsqu’il s’agit de déterminer quelle est la possibilité effective d’un dirigeant d’influencer le processus de décision de l’entreprise, il convient de prendre en compte les rapports internes existant dans l’entreprise. On établira l’étendue du pouvoir de décision en fonction des circonstances concrètes. La seule exception à ce principe concerne les membres des conseils d’administration car ils disposent ex lege (art. 716 à 716b CO) d’un pouvoir déterminant. Pour les membres du conseil d’administration, le droit aux prestations peut dès lors être exclu sans qu’il soit nécessaire de déterminer plus concrètement les responsabilités qu’ils exercent au sein de la société.

La juridiction cantonale a confirmé le refus de la caisse d’allouer l’indemnité de chômage. Elle a considéré que, jusqu’au 18 février 2013, date de la radiation de son inscription au registre du commerce, l’assuré disposait ex lege d’un pouvoir déterminant sur les décisions de l’employeur en sa qualité d’administrateur-président avec signature individuelle. Après cette date, l’épouse de l’intéressé est devenue liquidatrice avec signature individuelle, statut qui l’a placée dans le cercle des personnes qui fixent les décisions de l’employeur ou qui les influencent de manière déterminante. Partant, elle jouissait d’une position privilégiée, comparable à celle d’un employeur, ce qui exclut le droit de son époux à une indemnité de chômage également après le 18 février 2013.

La cour cantonale relève par ailleurs qu’étant donné son but suffisamment large (en tant qu’il prévoit notamment la possibilité d’ouvrir des succursales, voire d’entreprendre une activité immobilière), la société avait la possibilité de se lancer dans de nouvelles activités en réengageant l’assuré.

La jurisprudence, selon laquelle le salarié se trouvant dans une position assimilable à celle de l’employeur peut en principe prétendre des indemnités de chômage lorsqu’il quitte définitivement l’entreprise en raison de la fermeture de celle-ci ou lorsqu’il rompt définitivement tout lien avec la société, est stricte. Elle exclut de considérer qu’un assuré a définitivement quitté son ancienne entreprise en raison de la fermeture de celle-ci tant qu’elle n’est pas entrée en liquidation, voire, selon les circonstances, pendant la durée de la procédure de liquidation. Parmi les circonstances dans lesquelles il faut exclure qu’un assuré a quitté définitivement son ancienne entreprise même pendant la durée de la procédure de liquidation de la société, il y a lieu de mentionner le cas de l’assuré qui est titulaire d’une large part du capital social et dont le conjoint est inscrit au registre du commerce (SVR 2007 ALV n° 21 p. 69, C 180/06, consid. 3.4; cf. également DTA 2002 n° 28 p. 183, C 373/00, consid. 3c) et celui du conjoint d’une associée-gérante d’une Sàrl qui a cessé d’exploiter l’entreprise mais qui n’est pas inscrite « en liquidation » au registre du commerce (arrêt 8C_492/2008 du 21 janvier 2009 consid. 3). En revanche, en cas de suspension de la faillite faute d’actifs, il ne reste la plupart du temps plus rien à liquider, partant, il n’y a aucun risque d’abus. C’est pourquoi le fait d’avoir occupé durablement une position assimilable à celle d’un employeur ne constitue pas un motif valable pour dénier à l’assuré concerné le droit à l’indemnité de chômage (DTA 2007 n° 6 p. 115, C 267/04, consid. 4.3).

En l’espèce, il est incontestable que, jusqu’au 18 février 2013, date de la radiation de sa signature au registre du commerce, le recourant disposait ex lege (art. 716 à 716b CO) d’un pouvoir déterminant sur les décisions de l’employeur en sa qualité d’administrateur-président avec signature individuelle. Après cette date, son épouse a été inscrite en qualité de liquidatrice avec signature individuelle. Aussi, le recourant se trouve-t-il, par son intermédiaire, en position d’influencer de manière déterminante les décisions de son dernier employeur. Cette conclusion s’impose d’autant plus qu’il ressort du procès-verbal authentique de l’assemblée générale du 11 février 2013, que les époux sont titulaires de l’intégralité du capital social. Par ailleurs, si, comme l’affirme le recourant, la cessation des activités liées au commerce de produits alimentaires dans les locaux habituels peut être considérée comme définitive, il n’en demeure pas moins que le but de la société est large et ne se limite pas aux activités susmentionnées.

(Arrêt du Tribunal fédéral 8C_511/2014 du 19 août 2015)

A propos Me Philippe Ehrenström

Ce blog présente certains thèmes juridiques en Suisse ainsi que des questions d'actualité. Il est rédigé par Me Philippe Ehrenström, avocat indépendant, LL.M. (Tax), Genève et Yverdon.
Cet article, publié dans AVS et assurances sociales, Chômage, Fin des rapports de travail, est tagué , , . Ajoutez ce permalien à vos favoris.

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s