Selon l’art. 321 CO, le travailleur exécute en personne le travail dont il s’est chargé, à moins que le contraire ne résulte d’un accord ou des circonstances.
Selon l’art. 68 CO, le débiteur n’est tenu d’exécuter personnellement son obligation que si le créancier a intérêt à ce qu’elle soit exécutée par le débiteur lui-même.
En 1986, le Tribunal fédéral a consacré la notion de contrat de travail « en cascade » (ATF 112 II 41 consid. 1b) aa), dans un cas d’espèce où ledit contrat avait été conclu entre un patron d’un cabaret-dancing et un chef d’orchestre, lequel s’était obligé à fournir non seulement sa propre activité artistique, mais aussi celle d’autres musiciens, dont il était le chef, à les choisir librement et à les rétribuer lui-même, sans que leur identité ne soit spécifiée. Les musiciens étaient ainsi les auxiliaires du chef d’orchestre et les employés de celui-là.
Cette jurisprudence a été vivement critiquée par Aubert/Meier (Les artistes et le contrat de travail en cascade, IDAT, Institut du droit des assurances et du travail, n° 37, 2012, p. 79 ss, p. 88), car cette notion de contrat de travail en cascade, importée du droit allemand, introduisait un déséquilibre inacceptable dans les rapports de travail entre l’employeur principal et l’intermédiaire, lequel n’était pas en mesure d’assumer les obligations financières d’employeur, dont l’affiliation de ses auxiliaires aux assurances sociales ni de payer leur salaire en cas d’incapacité de travail ou de vacances (Aubert, Commentaire romand, 2012, n. 2 ad art. 321 CO).
Dans une jurisprudence ultérieure, le Tribunal fédéral a confirmé que le statut de salarié n’était pas incompatible avec l’engagement d’un auxiliaire, sous la propre responsabilité du travailleur, cette situation étant communément admise dans le domaine des travaux ménagers où l’employé pouvait se faire assister d’un auxiliaire pour les grands nettoyages (arrêt du Tribunal fédéral 4P.87/2002 du 20 juin 2002 consid. 2.3).
Dans un dernier arrêt rendu sur cette question en 2011, le Tribunal fédéral, se ralliant à Aubert (op. cit., n. 2 ad art. 321 CO), a changé sa jurisprudence et considéré que le pouvoir et les modalités de substitution réservées par l’art. 68 CO étaient insolites dans le contrat de travail, y compris dans l’hypothèse où un accord dérogeant à l’art. 321 CO autorisait le travailleur à se faire remplacer par une autre personne. Il a statué en ce sens que le remplaçant, s’il n’était pas un proche se substituant bénévolement au travailleur, entrait alors lui-même dans une relation de contrat de travail avec l’employeur (arrêt du Tribunal fédéral 4A_573/2010 du 28 mars 2011 consid. 7.2).
Selon Aubert, tout auxiliaire qui n’intervient pas par complaisance doit être considéré comme occupé par l’employeur. Le contrat entre cet auxiliaire et l’employeur se fondera sur un accord exprès ou tacite, découlant des circonstances. En l’absence d’accord, il s’agira d’un contrat de fait selon l’art. 320 al. 2 CO (op. cit., n. 2 ad art. 320 CO).
Dans le cas d’espèce,
la volonté réelle et concordante des parties était de conclure un contrat de travail « en cascade », l’appelante ( = l’Employée) étant la seule employée des intimés ( = les Employeurs), charge pour elle de se faire seconder ou remplacer par des aides, dont l’identité était quasiment inconnue des intimés, de les instruire et de les rémunérer au moyen de son salaire.
Cependant, cette construction juridique a été déclarée insolite par le Tribunal fédéral dans sa jurisprudence du 28 mars 2011, y compris lorsque les parties ont convenu, comme en l’espèce d’un contrat « en cascade ». Ceci a pour conséquence que l’appelante ne dispose pas de la légitimation active pour se prévaloir de la rémunération due à ses aides, puisque celles-ci auraient dû être rémunérées par les intimés, lesquels auraient dû réduire en conséquence la rémunération allouée à l’appelante, sauf lorsque cette dernière était en congé-maladie ou en vacances puisqu’elle avait droit à son salaire durant ces périodes.
Cela étant, en rémunérant néanmoins ses aides et ce, même pendant ses propres périodes de maladie, l’appelante a géré l’affaire de ses employeurs, dans leur intérêt, agissant sans mandat au début, sa gestion ayant été par la suite ratifiée par les intimés, lesquels ont accepté la délégation du travail mise en place par l’employée et déclaré avoir été satisfaits du travail exécuté par l’appelante et ses aides. Il s’ensuit que l’appelante pourra obtenir le remboursement de la rémunération versée à ses aides, en application des arts. 402 al. 1 et 424 CO, mais après déduction, de sa propre rémunération, des heures qu’elle n’a pas effectuées, pour d’autres raisons que la maladie, et qui lui auraient été rétribuées à tort.
(CAPH/194/2017, consid. 2.1.3 et 2.2)
Me Philippe Ehrenström, avocat, ll.m., Genève et Yverdon