
On a déjà parlé, dans ces pages, du devoir de réserve du fonctionnaire de manière générale, puis, notamment, d’un cas particulier en rapport avec des publications sur les réseaux sociaux faites sous pseudonyme (mais avec, apparemment, une ou plusieurs photographies de l’intéressé).
La question de l’anonymat ou de l’utilisation de pseudonyme en rapport avec la violation du devoir de réserve a, jusqu’ici, été peu abordée par la doctrine ou la jurisprudence (en tout cas à connaissance de l’auteur).
En d’autres termes, le fonctionnaire qui publie sur internet en s’abritant derrière un pseudonyme peut-il se rendre coupable de violation du devoir de réserve, dans la mesure où, par exemple, sa qualité ne ressortirait pas d’emblée ?
C’est dire l’intérêt d’une décision toute récente du Conseil d’Etat français (CE, 27 juin 2018, no 412541), laquelle a rejeté la requête d’un capitaine de gendarmerie visant à annuler une sanction disciplinaire prononcée à son encontre pour des publications sur les réseaux sociaux sous pseudonyme critiquant vivement les hommes politiques et la politique de l’Etat français. Par ailleurs, l’intéressé ne mettait pas en avant sa qualité de militaire, mais mentionnait qu’il était un ancien élève de l’école de St-Cyr et de l’école des officiers de la gendarmerie nationale. Ce nonobstant, le Conseil d’Etat a retenu une violation du devoir de réserve, même si l’activité en cause avait eu lieu en dehors des rapports de service et sous le couvert de l’anonymat. La sanction disciplinaire (un blâme) est donc confirmée.
Le raisonnement apparaît sévère, même en tenant compte de l’appréciation particulièrement stricte que font les tribunaux du devoir des réserves des fonctionnaires « régaliens ». On lira aussi CE, 2 septembre 2017, no 404921 sur la radiation d’un militaire qui avait participé à une manifestation interdite par un arrêté préfectoral.
Me Philippe Ehrenström, LL.M., avocat, Genève et Yverdon